TRACTATIONS SECRÈTES À TOUBA
Serigne Fallou Dieng, président du cercle des soufis du Sénégal, est courroucé par les tractations secrètes entre le président de la République et certains Mbacké-Mbacké qui travaillent dans le sens d’un futur «ndigeul» électoral. Au sortir des élections locales où le bulletin blanc dans les urnes de Touba a failli prendre le dessus sur le bulletin du khalife, le Dahira Safinatoul Amane a cru devoir menacer tout électeur mouride qui ne suivrait pas les recommandations du khalife en matière électorale. Ce qui constitue une violation flagrante de la liberté démocratique de choisir et un détournement de la conscience de l’électeur.
Macky Sall, en bon président, maîtrisant les préceptes de Machiavel, a la manie de jouer toujours au finaud. Au moment où les chefs religieux restent sous ses bottes secrètes, il feint un certain désintéressement vis-à-vis des religieux, en faisant même montre d'un simulacre de caractère intraitable à l'égard des religieux. Ce sont justement, les religieux de Touba qui sont ses sergents recruteurs et éclaireurs de la base. Ce lieu saint est bel et bien un enjeu politique parce que représentant un poids démographique important qui peut faire basculer des élections.
Ainsi les conciliabules se tiennent régulièrement, les tractations secrètes se mènent entre petits-fils de Serigne Touba qui s'intéressent à la politique et marchands politiques agissant au nom du pouvoir. Ce sont ces caciques religieux prometteurs de retrouvailles Macky-Wade, contre un désengagement total du président de toute poursuite contre les ténors de l'ancien régime. Ce sont ces Mbacké-Mbacké, très remontés contre les « les Assisards », qui homologuent ses affiches politiques à Touba. Et ils cherchent pour Macky Sall une place dans l’espace électoral de la capitale du mouridisme comme pour tout président qui tient les rênes du pouvoir et les cordons de la bourse.
Ce que n’entendent pas laisser passer les forces citoyennes éprises de démocratie et d’équidistance de tous les hommes politiques quelle que soit leur coterie idéologique.
En tout cas, l'atmosphère politique dans la capitale du mouridisme est assez révélatrice de vifs antagonismes et par conséquent s'annonce houleuse. Une remise en cause de la voie indiquée par les dignitaires religieux mourides mène inéluctablement vers une confrontation entre le lobby arc-en-ciel religieux du Safinatoul Amane et toutes les réelles forces réformistes contre toute contrainte politique.
Ce qui ne manquera pas de susciter un sentiment grégaire généralisé chez tous les esprits férus de justice et les forces vives de la nation. Et ce sera un effet d'aubaine qui va revigorer le peuple des assises et les forces citoyennes qui, à force de pugnacité, d'abnégation et de persévérance, parviendront à vaincre ce lobby libéral religieux qui veut imposer l’ordre califal à la place de la liberté de choix citoyen.
Statut spécial, un danger pour la République
Certes Touba est une ville religieuse importante et capitale de la confrérie mouride. Et il ne fait l'ombre d'un doute que l'identité du mouride c'est l'appartenance à la voie mourides et par voie de conséquence tout exercice de la citoyenneté devrait être chevillé à cet esprit d'appartenance et guidé par ce sentiment d'inféodation à la communauté.
Seulement la politique gangrène Touba du fait qu'elle appâte un bon nombre de petit-fils du fondateur du mouridisme, lesquels tendent à s'y engager sans pour autant avoir un esprit de fair-play démocratique. Ce, en voulant toujours bénéficier- sur un plateau d'argent- de toutes les faveurs, émoluments et passe-droits du pouvoir sans jamais y laisser des plumes ou à tout le moins, sans respecter les règles du jeu.
Tout particularisme territorial, qui empêche la permanence des lois de la République, favorise l'impunité et entrave l'obligation de rendre compte et l'imputabilité. La spécificité ne se limiterait qu'à la « prééminence cultuelle » et à l’interdiction de la consommation de certains produits dangereux pour la santé comme le tabac et les boissons alcoolisées. Donc la dévotion au khalife, n'est nullement synonyme d'un quelconque monopole politique, ni d'une annihilation des aspirations politiques de la population de Touba, encore moins exemption de la reddition des comptes, dans les marchés et grands chantiers, qui sont financés aux frais des contribuables.
Ainsi, une spécificité ne doit pas faire de Touba une zone de non-droit. Pourtant on y assiste à un refus de payer des impôts ou toute taxe, à des persécutions contre les "dhimmis" (entendez par là les non-mourides résidant à Touba), à un ostracisme des musulmans coreligionnaires non mourides, à l’incendie de maisons de talibés hors des rangs. Tout cela n’entre pas en droite ligne avec les enseignements de Serigne Touba et ne procède que d’un banditisme débridé. Ces exactions donnent une mauvaise image du mouridisme qui professe des valeurs de pardon et de cohabitation cordiale.