TRAGEDIES DE L'EXIL
LAMPEDUSA
50 cadavres repêchés, vendredi 11 octobre 2013, entre Malte et la Sicile, à la suite du naufrage d'un bateau transportant 250 immigrés dont une dizaine d'enfants. Une tragédie qui survient une semaine après celle d'un autre naufrage, en l'occurrence celui d'un bateau de pêche, au large de l'île de Lampedusa, le 3 octobre 2013, et qui a coûté la vie à plus de 300 immigrés. Tous en provenance d'Afrique, fuyant la misère économique ou la guerre.
Parmi eux, il se susurre qu'il y aurait des Sénégalais ayant falsifié leur nationalité, histoire de se débarrasser de l'image de pays politiquement stable qui risquent de leur coller à la peau, pour espérer bénéficier d'un asile politique au cas où ils réussiraient à débarquer sur la terre promise, quelque part en Espagne ou en Italie , portes d'entrée dans la riche Europe.
Qu'est ce qui se passe donc pour que l'Afrique contraigne ainsi une part importante de ses forces vives, notamment sa jeunesse, à tenter l'exil à ses risques et périls ? Même le Sénégal, pays dont on loue la stabilité politique et l'ancrage démocratique n'est pas épargné par cette dramatique fièvre de l'exil.
Rappelons qu'il y a quelques semaines, des athlètes participant aux jeux de la Francophonie qui se déroulaient à Nice ont profité de l'opportunité qui leur était ainsi offerte pour prendre la clé des champs. Et ce n'est pas la mesure prise par le ministre des Sports de suspendre toute ligue dont les pensionnaires auraient fait défection qui va les en dissuader. Outre d'ailleurs le fait qu'elle contrevient à l'idée suivant laquelle la responsabilité est individuelle et non collective, la solution réside plutôt dans la lucidité et le courage de saisir l'urgence qu'il y a à regarder la réalité en face en prenant le taureau par les cornes.
Si ce n'est la guerre, ce qui pousse majoritairement les populations à "Partir" comme en rend bien compte le roman éponyme de l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, ce sont les conditions de vie difficiles et l'espérance d'une vie meilleure en Europe.
Sans nul doute, les milliers d'Africains qui tentent quotidiennement de fuir leur pays pour les chemins mortifères de l'exil portent-ils ainsi le visage de ces désastreuses "politiques du ventre" qui mettent en avant un système de prédation qui ruine l'avenir prometteur d'un continent pourtant riche de ses ressources humaines et de son sous-sol. En réalité, ces jeunes entassés dans des bateaux de fortune, risquant leurs vies dans la traversée du désert ou des océans, pour fuir la misère, disent quelque part l'échec des politiques en cours dans nombre de pays d'Afrique.
Thabo Mbeki, l'ancien président de l'Afrique du Sud ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Ainsi avait-t-il prévenu comme une sorte d'alerte : " D'un bout à l'autre du continent , il y a le sentiment palpable que la capacité de leadership politique collectif africain s'est considérablement affaiblie, avec le risque de retours en arrière en dépit des nombreuses avancées". Il s'offusquait ainsi du fait que " l'Union africaine est dominée par une coterie immorale, résolue à profiter de son accès au pouvoir politique pour s'enrichir, et par l'idée que le pouvoir n'a d'intérêt que s'il permet à ceux qui le détiennent de s'enrichir".
Les tragédies de l'exil nous ramènent encore une fois de plus à une pressante quête d'avenir qui rencontre ce terrible déficit de leadership qui mine l'Afrique et qu'il urge de corriger afin que les océans et le désert ne continuent d'engloutir les exilés de la misère.