TROIS ANS DE TÂTONNEMENT
Ces réaménagements inopportuns auxquels les Sénégalais assistent depuis le 29 octobre 2012, avec le départ de sept ministres, donnent le sentiment d'un bateau ivre drossé par le vent du cafouillage
Selon la définition, tâtonner, c'est tâter dans l'obscurité pour se diriger, pour trouver quelque chose ; faire différents essais dans une direction approximative pour arriver à un résultat. Si l'on voit ce que Macky Sall fait depuis trente-neuf mois qu'il est à la tête du Sénégal, on peut exactement dire qu'il tâtonne, cafouille et se cherche désespérément.
C'est comme si le président de la République était un égaré dans les dédales sinueux de son magistère. Depuis le premier gouvernement d'Abdoul Mbaye du 4 avril 2012 jusqu'à aujourd'hui, la stabilité semble être un vain mot dans la gouvernance mackyste. Trois Premiers ministres en trente-neuf mois de pouvoir, quatre ministres du Tourisme, trois ministres de l'Energie, quatre porte-paroles du gouvernement, cinq directeurs de cabinet du chef de l'État, trois ministres de la Gouvernance locale.
C'est donc dire que l'instabilité des occupants des postes susnommés est la manifestation de ce tâtonnement et cafouillage du régime de Macky Sall. Le jeu de chaise musicale qui s'est opéré hier montre à suffisance que les secteurs de l'Énergie et du Tourisme, de la Gouvernance locale et le porte-parolat gouvernemental crapahutent pour ne pas dire qu'ils avancent à reculons.
Une ligne politique encore floue
La ligne politique de Macky Sall reste floue. Le changement de modèle économique (le Yoonu Yokkute par le Plan Sénégal Emergent), après deux ans de pouvoir, a été le point de départ d'une série de tâtonnements qui, aujourd'hui, déteint sur le choix des personnes qui doivent piloter l'action gouvernementale. Ces réaménagements en trompe-l'œil, inopportuns, auxquels les Sénégalais assistent depuis le 29 octobre 2012, avec le départ de sept ministres dont Alioune Badara Cissé, donnent le sentiment d'un bateau ivre drossé par le vent du tâtonnement et du cafouillage. Et ce, à un moment où le pays a besoin d'un Président aux choix lucides avec un Premier ministre stable à la tête d'une équipe gouvernementale solide et responsable.
Malheureusement, on change toujours le récipient et on remet la même tambouille. Résultat : on a les mêmes figures pratiquant une même politique et donc courant inéluctablement vers le même échec. Des gens en panne d'idées neuves et entreprenantes qui ont échoué dans les différentes missions qui leur ont été confiées sont mutés vers d'autres stations où ils ne seront pas en mesure d'apporter le renouveau nécessaire.
Si Abdoulaye Diouf Sarr a brillé par son incompétence au Tourisme et Transports aériens, ce n'est pas à la Gouvernance locale où il pétillera. Si Maïmouna Ndoye Seck a montré ses limites à l'Energie, ce n'est pas au Tourisme et Transport aériens qu'elle connaitra le succès. Quid maintenant de Makhtar Cissé ?
Aujourd'hui l'incompétent directeur de la Senelec Pape Dieng est limogé pour apaiser le courroux du peuple excédé par les sempiternelles coupures d'électricité. On n'a jamais compris pourquoi, nonobstant la bourrasque de la défaite aux dernières élections locales qui avaient emporté les revenants Thierno Alassane Sall, Seydou Guèye et Aminata Touré, Pape Dieng, arrogant et incompétent, est resté scotché à son poste de directeur de la Senelec. Son remplaçant Makhtar Cissé hérite d'un cadeau empoisonné contrairement à ceux qui parlent d'une promotion.
D'un point de vue protocolaire, cette nomination pose problème puisqu'on ne peut pas partir de ministre du Budget, ministre directeur de cabinet du président de la République et se retrouver à la tête d'une direction à problèmes comme la Senelec. Et il n'est pas exclu que le véritable patron de Cissé à la tête de la Senelec soit directement le président de la République et non le ministre faire-valoir Thierno Alassane Sall qui fait son come-back après un an de purgatoire.
Makhtar Cissé et les faucons du Palais
Il fait souligner que Makhtar Cissé est aujourd'hui victime des manœuvres des faucons du palais, lesquels avaient juré le 6 juillet 2014 (gouvernement Dionne), jour de sa nomination auprès du Président, de le délester d'un poste politique aussi stratégique. Et pour le faire partir, certains n'ont pas hésité à brandir ses accointances avec Oumar Sarr du Pds, lequel l'avait utilisé sous le règne libéral comme directeur de cabinet au ministère de la Pêche. Ces deux étant issus du même patelin de Dagana et ayant servi ensemble au ministère de la Pêche ont gardé intactes leurs relations courtoises d'antan même si la politique les a mis aujourd'hui dans des camps opposés.
D'ailleurs, selon des sources venant du palais, l'inspecteur général d'État aurait refusé sur proposition de certains pontes de l'Alliance pour la République (Apr) de se présenter à Dagana lors des dernières locales pour contrer son "grand" Oumar Sarr. Et comble de surprise pour ses contempteurs qui n'ont jamais digéré que ce dernier ne se présentât pas aux locales, l'alors ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des Finances, chargé du Budget est promu au poste stratégique de directeur de cabinet du Président Macky Sall au lendemain des élections municipales et départementales.
Ce n'était que partie remise, les faucons ne lâchèrent jamais leur prise. Et quand Cissé traita Yakham Mbaye, secrétaire d'État à la Communication, de "petit journaliste", il venait de se tirer une balle au pied. Les manœuvres redoublèrent d'intensité et son passage à la Douane aurait été agité pour le faire partir. Et la meilleure manière pour l'expulser de la présidence, c'est de le bombarder à la Senelec où aucun directeur n'a connu la réussite sous tous les régimes qui sont passés. Les mêmes sources avancent que le désormais ex dircab présidentiel aurait accepté, à son corps défendant après des pressions énormes coercitives, un tel poste mortifère.
Le mal de la Senelec…
Aujourd'hui le problème de la Senelec n'est pas lié au profil académique de ses dirigeants, mais il est plutôt d'ordre structurel et infrastructurel. Les réformes en profondeur qu'exige la Senelec sont aujourd'hui combattues en premier par les agents de ladite entreprise ; lesquels ne rechignent point à perdre certains avantages pécuniaires et autres passe-droits dans le domaine du pistonnage. A cela s'ajoute l'indécision de l'État d'injecter les nombreux milliards pour le renouvellement des infrastructures de production, de transport et distribution littéralement obsolètes.
Pour que l'entreprise soit viable, il faut que la Senelec résorbe son déficit financier afin de recouvrer une santé financière qui lui permette d'être autonome et de pouvoir satisfaire ses besoins sur une période de deux ou trois ans. Aussi n'est-il pas évident que le riche pedigree académique de Makhtar Cissé soit la panacée qui résolve ces décennies de difficultés qui inhibent le bon fonctionnement de la Senelec.