TYRANNIE SYNDICALE
Chaque enseignant devrait prendre ses responsabilités et veiller à assumer son engagement, qui est de délivrer, dans les meilleures conditions, les connaissances que les étudiants attendent de lui
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À la question de savoir «quel est le principal responsable de la crise de l'école sénégalaise», 51% des votants du Baromètre SenePlus désignent les enseignants. Le 4 mai dernier, Seneplus interrogeait à nouveau sur la grève des enseignants : Les ponctions sur les salaires des enseignants en grève sont-elles justifiées ?, 73% des visiteurs de votre site répondaient par l'affirmative. Les syndicats d'enseigants ne semblent plus avoir une grande place dans le coeur des Sénégalais.
L'année académique 2015 a immanquablement connu sa crise, pour respecter la règle dans notre pays. Un mot d'ordre pour n'importe quelle raison et tout le monde va en grève, un autre, et l'on reprend les cours, avec une seule chose de sûre : les principaux intéressés que sont les apprenants, ont chaque fois que cela se produit, perdu peu ou prou de ce qu'il y a de plus précieux pour eux : le temps.
Le temps des études, divisé en années dont un nombre est consacré à chaque cycle, est indicateur de la qualité de l'étudiant et de l'intérêt qu'il suscitera plus tard dans le marché de l'emploi.
Une année académique doit être réglée comme une partition : entamée à une date bien indiquée et se terminer à l'échéance retenue. Ça ne se passe plus ainsi dans notre pays et cela semble normal. Personne ne s'offusque plus des années scolaires prolongées jusqu'en septembre, ou qui commencent en janvier, non plus de la perturbation du calendrier des examens.
En lieu et place de solutions concluantes les décideurs discutent de tout sauf des sujétions dues à un environnement scolaire de qualité et, nous offrent des rustines politiques bonnes à reconduire le cycle (grève-reprise-grève) et nous accorder un répit de quelques mois.
Rôle et responsabilité des syndicats
La cause de tout ça en est cette abdication au pouvoir syndical, instituée autour de tout ce qui touche à l'enseignement. Ses acteurs ont un business qui marche au grand dam des étudiants et des enseignants de vocation, qui ne sont pas tombés dans ce métier comme un cheveu dans la soupe, suite à quelque improvisation politique. Ce que je dis là est d'une évidence irréfutable; ces syndicats ne prolifèrent-ils pas, là où l'enseignement périclite désespérément ? Ils sont, par conséquent, part du problème et non de la solution, car tout le monde joue leur jeu, et de solution il n'y en a pas eu entretemps. Quoi que l'on fasse leur position s'en trouve renforcée tant qu'ils ont cette mainmise sur les négociations. Quoi de plus normal !
Un syndicat a deux priorités dans son agenda : son bilan d'activité, à présenter à ses mandants, et son accès à toujours plus de notoriété qu'il s'assure par une enchère des négociations au plus haut niveau. Les autorités tombent toujours dans leurs pièges, par défaut d'anticipation, mais également juste par absence du culte de résultat probant.
En maintenant la tradition de discuter de tout avec n'importe qui, le pouvoir incite les syndicalistes à glaner tous les petits soucis, de tous les coins où ils étaient bien circonscrits, n'attendant que des solutions locales, pour les porter au niveau national avec la promesse de leur trouver une solution globale. Pour preuve, les étudiants de Ziguinchor qui marchent pour joindre la capitale à pied ; une façon de mettre la pression sur le gouvernement et d'obtenir une audience auprès du président de la République pour un réglement de leurs problèmes.
Courage d'une sincère rupture
Traditionnellement nous sommes réputés avoir un Etat structuré et une bonne administration. N'empêche nous prouvons ainsi que nous nageons insoucieusement dans un déni des rôles et compétences des uns et des autres, ne reconnaissant une crédibilité qu'à l'autorité politique suprême et ses proches. La politique a fini non pas comme beaucoup le pensent par polluer l'espace, mais par devenir notre espace et notre temps. Nous n'interagissons plus qu'à travers elle, depuis qu'elle a réussi à saper toutes les autres valeurs de notre société. Une chose n'est digne d'intérêt que si elle est élément et aliment de la politique.
Pour en être édifié, prenez le temps d'écouter les gens interviewés en temps de crise universitaire. Vous remarquerez que des enseignants chevronnés et des étudiants doués ne font que répéter les arguments des syndicalistes, sans conviction. Tous et même les autorités ne font que ménager les syndicalistes quand ils ont l'occasion de s'exprimer publiquement et dénoncer avec des arguments l'OPA de ces derniers sur l'enseignement, leur affaire. Ces syndicalistes qui n'en veulent que pour leurs égos, profitent alors de leur visibilité pour faire dans la menace en direction du pouvoir, tout en prenant un malin plaisir à rouler les mécaniques devant les caméras et intimider davantage.
Pour arriver à des résultats salutaires qui régulent définitivement notre système éducatif, il faudrait que les étudiants s'affranchissent de ce joug et prennent individuellement leurs responsabilités pour régler intelligemment leurs problèmes à leur niveau. Chaque enseignant devrait prendre ses responsabilités devant la nation et veiller à assumer son engagement, qui est de délivrer, dans les meilleures conditions, les connaissances que les étudiants attendent de lui. Les autorités devraient, de leur côté, tout faire pour que soit restauré la crédibilité de toute la hiérarchie administrative, faite d'hommes compétents et dévoués, frustrés de ne plus jouer aucun rôle.
Puisqu'il est aujourd'hui permis de rêver d'émergence proche, il faut nous assurer que notre stratégie pour y accéder est solidement fondée sur la qualité de l'éducation de notre jeunesse. Il est universellement admis que l'avenir d'une société dépend du taux d'instruction de sa population et de la qualité de l'éducation dispensé dans ses institutions au profit de toute la jeunesse.
La vérité sans rancune
Je n'ai rien contre les syndicalistes, mais il y en a qui doivent s'émanciper. Au pays de l'oncle Sam d'où le syndicalisme est parti, l’idée d’appeler à une grève générale dans l'enseignement ne viendrait à personne aujourd’hui, en cette ère de compétition mondiale. L'information a été donnée récemment que l'encours de l'emprunt des étudiants américains pour assurer leurs études supérieures a atteint mille milliards de dollars. Conscient de l'intérêt des études, chacun là-bas se donne les moyens de s'instruire et gère son cursus à l'abri de toute perte de temps et de qualité. Par ailleurs l'on n'entend jamais quelqu'un y évoquer la franchise universitaire pour tenir la police hors du périmètre des universités- plutôt l'on se réjouit qu'une brigade de police spéciale soit installée à l'intérieur de toute grande université, avec une patrouille en permanence de ses éléments, prêts à intervenir dès qu'il y a le moindre trouble. Leurs syndicalistes se sont aujourd'hui forgés une compétence redoutable et une réputation de fin négociateurs. Ils arrivent sans menace aucune de grève, à faire des résultats et tout le monde y trouve son compte. Pendant ce temps dans notre pays l'on voit des syndicalistes revenir après qu'un accord soit trouvé, pour réclamer le paiement des jours chômés pour fait de grève.
L'utilité d'arguments solides
Enfin, la grève n'est pas un argument, surtout sous nos cieux avec une nation qui accuse un retard chronique grave, pour obtenir quelques droits ou avantages que ce soit. Elle est une arme qu'il convient aujourd'hui de remiser pour faciliter notre accès aux compétences insoupçonnées qui sommeillent en beaucoup parmi nous. Notre salut est dans l'avènement d'une ère sans perturbation surtout dans l'enseignement, durant laquelle chaque personne sera libre et motivée à jouer pleinement son rôle là où cela ferait la différence, dans le cadre d'une stratégie de reconnexion proactive et productive, sans frontière.