UN DOCTEUR AU CHEVET D’UN VIEUX CORPS MALADE
MAHAMMED DIONNE FACE À LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DU PAYS
Mahammed Dionne, le Premier ministre nommé hier par le Président Macky Sall, pour succéder à Aminata Touré, a intérêt à présenter du concret au plus vite. Certes, il invite au travail, mais il ne lui sera pas facile de savoir par où commencer, car les besoins sont pressants.
Le Sénégal était en attente d’un Premier ministre depuis qu’Aminata Touré a été démise de ses fonctions, vendredi dernier. Finalement, Mahammed Dionne a été choisi, hier, par le Président Macky Sall pour diriger le gouvernement. Mais, le désormais ex-chargé du suivi du PSE aura fort à faire, tant les urgences sont nombreuses dans ce pays qui ressemble à un grand corps malade. Un bref de différents secteurs permet de voir combien les défis sont énormes.
Un secteur qui refait l’actualité ces temps-ci, c’est l’énergie. Les coupures intempestives d’électricité sont de retour. Des quartiers et des villes comme Tambacounda sont plongés dans le noir pendant des heures. Et les contradictions de la direction de la Senelec ne sont pas pour rassurer. Interpellé une première fois, le 18 juin, le directeur de la société Pape Deng a laissé entendre : “on a connu deux nuits pendant lesquelles nous avons eu un groupe qui a disjoncté, et il y a eu délestage au premier stade. Cela a duré entre 5 et 30 minutes par endroits”.
Seulement, quelques jours après, la population constate avec regret que la situation est plus compliquée. Cinq jours plus tard, le patron de la Senelec s’exprime encore sur cette question. Mais, cette fois-ci, c’est pour se défausser sur la Sar qu’il accuse d’avoir livré un mauvais fuel. Le démenti officieux de la Sar installe la polémique. On croyait alors pouvoir s’appuyer sur la ministre chargée de l’Energie. Mais, c’est peine perdue. Maïmouna Ndoye Seck ne peut pas donner de délai. Evoquant des contraintes techniques, elle déclare que “le gouvernement a trouvé une solution qui est en train d’être mise en œuvre”. Il est clair donc que, malgré les bons résultats annoncés de la Senelec, l’énergie en général, l’électricité en particulier, n’est pas encore maîtrisée. D’où les délestages.
Pourtant, en dépit de la bonne volonté affichée dans le PSE, le Sénégal ne pourra pas émerger sans une électricité en qualité et quantité suffisantes, puisque l’activité économique en est tributaire. Les coupures freinent considérablement l’activité des petites et moyennes entreprises, les seules entités à même de soutenir le développement économique du pays. La vitalité de l’Allemagne dans une Europe morose en est l’illustration parfaite. En outre, la Sénégalaise des eaux (SDE) étant très dépendante de la Société d’électricité, le manque d’eau est durement ressenti par les populations. Et le phénomène a fini d’être cyclique.
L’Ucad à un pas d’une année invalide
Dans le domaine de l’éducation, la situation est tout aussi compliquée. Certes l’éducation nationale a connu une année plutôt calme, mais l’enseignement supérieur est presque dans l’impasse. Les étudiants ont tellement été en grève que les assemblées de faculté ont décidé d’organiser une session unique. Et tout cela est la conséquence du début des applications des directives du conseil présidentiel sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Mécontents de cette décision, les étudiants ont encore décrété 72h de grève. Pourtant, Moustapha Sall, le chargé de revendication du Syndicat autonome des enseignants du supérieur (SAES) prévenait qu’avec une semaine de grève en plus, l’année serait invalide.
L’emploi est aussi une équation à mille inconnus. Les jeunes, ceux qui sont diplômés particulièrement, attendent désespérément leur premier boulot. Les 500 000 emplois promis pendant la campagne électorale pour la présidentielle de 2017 ont été très tôt revus à la baisse à 350 000. Les 5000 postes dans la Fonction publique ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer. Les gros chantiers de l’Etat qui drainent de l’activité avec eux sont pour le moment à l’état des maquettes. Or, tout indique que les conditions économiques ne sont pas encore réunies pour permettre au secteur privé de procéder à un recrutement massif ou bien de recourir à l’auto-emploi.
Campagne agricole catastrophique
Dans le Plan Sénégal émergeant PSE), l’agriculture a été considérée comme une rampe de lancement. Pourtant, la campagne agricole a été catastrophique, l’année dernière. D’abord parce qu’il y a eu beaucoup de cacophonie. Ensuite parce que beaucoup de paysans s’en sont sortis avec des bons impayés. Dans un article publié par Kolda news, le mardi 27 mai, le coordonnateur du Conseil national de concertation et de coopération ruraux, Marius Dia, après une tournée dans la région, déclarait ceci : “Kolda vient d’enregistrer trois bonnes pluies, mais, jusqu’à présent, la distribution des semences aux producteurs n’a pas encore commencé”. Un retard dans la distribution noté pratiquement sur l’ensemble du territoire national. La pêche et l’économie maritime sont au cœur d’une polémique et beaucoup de zones d’ombre demeurent dans les accords de pêche conclus avec l’Union européenne.
Pauvreté et inondation
La demande sociale et la santé ne sont pas mieux loties. Malgré un effort patent et constant dont le dernier acte est la réduction du prix du pain, les denrées de première nécessité restent toujours chères. La pauvreté est plus que jamais présente à l’intérieur du pays comme dans la banlieue dakaroise. D’ailleurs, les difficultés de cette banlieue pourraient ne pas s’arrêter à la pauvreté, car l’hivernage pointe à l’horizon, et la psychose des inondations est toujours présente. Il faut relever toutefois que la situation ne sera plus comme avant dans beaucoup de quartiers où d’importants efforts ont été faits pour lutter contre les inondations.
A tout cela s’ajoute le manque de moyens de communication, routes et chemins de fer. Mais le chantier le plus difficile reste le changement de comportement, voire de mentalité. C’est dire que Mahammed Dionne a vraiment besoin d’être inspiré pour réussir sa mission.