UN GROUPE ÉTUDIANTS DE L’UCAD PERTURBE LES DÉBATS
CONFERENCE INAUGURALE DE RENTREE DE LA FONDATION L. S. SENGHOR
Des étudiants opposés à l’augmentation des frais d’inscription à l’université de Dakar ont saboté la conférence inaugurale sur l’histoire des idées en Afrique que devaient animer, hier, les professeurs Paulin Hountondji et Souleymane Bachir Diagne à la salle de l’Ucad 2. Au grand dam des nombreux invités de marque qui avaient fait le déplacement à cette rencontre qui marque aussi l’ouverture de l’année à la Fondation L. Sédar Senghor.
Lux mea lex (la lumière est ma loi), la devise de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mais au rythme où vont les choses, les ténèbres risquent de dicter leur loi et de jeter un voile sombre sur cet antre du savoir. Depuis quelques jours, une horde d’étudiants déchaînés a décidé de faire régner sa loi sur l’espace universitaire. Après avoir saboté, mardi dernier, la tenue de la 1ère édition du Forum Ucad/Entreprise à coup de pierres, ils se sont encore tristement signalés, hier, en mettant fin sèchement et brutalement à la conférence intitulée « De la Négritude à la Renaissance : quels concepts clés de lecture et réponses pour aujourd’hui et demain ? ». Et que devaient animer les très respectés philosophes le Pr Paulin Hountondji du Benin et le Pr Souleymane Bachir Diagne.
Initiée par la Fondation Léopold Sédar Senghor dans le cadre de l’ouverture de l’année et en même temps que la célébration du décès de l’ancien président de la République et académicien, cette conférence inaugurale annuelle devait être l’occasion de revisiter 80 ans d’histoire des idées en Afrique. Compte tenu, sans doute, de la carrure intellectuelle des personnalités qui devaient intervenir et la pertinence du sujet, la grande salle de conférence de l’Ucad 2 avait fait le plein.
Des universitaires de haut niveau comme Seydou Madani Sy, Abdoulaye Elimane Kâne, Mame Moussé Diagne, Daniel Kabou, Lilian Kesteloot, des hommes politiques comme Djibo Leyti Kâ, Ousmane Sow Huchard, des hommes de cultures, des intellectuels, étaient présents dans la salle. Sans oublier que des étudiants, des centaines d’élèves, venus de différents établissements scolaires avaient fait le déplacement.
Les choses avaient bien commencé pourtant. Alphonse Raphaël Ndiaye, directeur de la Fondation qui porte le nom du premier président du Sénégal, avait déjà fini de camper le décor et d’expliquer les raisons de la tenue de cette conférence. A sa suite, le Professeur Saliou Ndiaye, recteur de l’Ucad, a pris la parole. Et c’est au moment où il s’apprêtait à terminer son speech dans lequel il déclarait toute la fierté que la communauté universitaire ressentait à accueillir cette rencontre de haut niveau intellectuel que des bruissements de voix et de chahuts ont commencé à se faire entendre.
Incompréhension dans la salle
Avec fracas, forçant les portes du haut de l’amphithéâtre, une meute d’étudiants envahit la salle en criant en intimant l’ordre de « dégager ». La circonspection et l’incompréhension se lisent sur les visages des participants. Les étudiants envahisseurs n’en ont cure. Ils se dirigent vers le présidium où avaient pris place les deux conférenciers, le maître de cérémonie, le Pr Aminata Diaw Cissé, le directeur de la Fondation Léopold Sédar Senghor, Alphonse Raphaël Ndiaye, et le recteur Saliou Ndiaye. Agglutinés au pied du présidium, les fauteurs de troubles, fiers de leur coup, lèvent les bras en signe de croix et entonnent des chants guerriers.
Sur les motifs de leur geste, ils ne parlent pas le même langage. Chacun est son propre chef, une « armée mexicaine », selon le terme usité. Certains disent dénoncer la blessure à l’oeil d’un de leurs camarades lors des affrontements de mardi contre les forces de l’ordre, d’autres évoquent la cherté des droits d’inscription, tandis qu’un groupe déclare en vouloir au Pr Souleymane Bachir Diagne qui, à leurs yeux, en tant que coordonnateur de la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Sénégal, est la cause de tous leurs malheurs.
Dès lors, ils l’ont déclaré persona non grata à l’Ucad. Pour éviter que la situation ne dégénère, des éléments de la police, dont le véhicule était immobilisé non loin de là, ont été obligés d’entrer dans la salle pour évacuer les personnalités dans une pièce à côté.
« Nous avions invité des hommes de cultures, des intellectuels, à cette rencontre essentielle où une personnalité de choix, en la personne de Paulin Hountondji, qui devait nous entretenir d’une thématique qui devait nous permettre d’avoir une vision cohérente de 80 ans d’histoire des idées en Afrique. L’augmentation des frais d’inscription ne doit pas justifier la perturbation d’un événement comme celui-ci. C’est quelque chose que nous regrettons profondément », déplore le directeur de la Fondation.
Après leur forfait commis, ces étudiants sont repartis comme ils étaient venus en laissant derrière eux une salle vide et des coeurs meurtris de honte. Six mois de préparatifs viennent de tomber ainsi à l’eau. La mémoire de Léopold Sédar Senghor n’est pas du tout honorée par cette attitude de jeunes étudiants dans le temple du savoir.