MULTIPLE PHOTOSUN INSTRUMENT DE PRÉVENTION ET DE DISSUASION CONTRE LA MAL GOUVERNANCE
LA DÉCLARATION DE PATRIMOINE
La déclaration de patrimoine a fait l’objet de débats et continue encore d’occuper l’opinion publique. Il faut rappeler que la déclaration de patrimoine est une nouveauté dans notre pays, elle a fait son apparition avec l’alternance, mais c’est sous le magistère du Président Macky SALL qu’elle a commencé à être appliquée de façon systématique, avec l’élargissement de son champ d’intervention, par une loi.
Avant, la déclaration ne concernait que le Président de la République, mais avec cette loi, elle s’étend non seulement aux personnalités des autres institutions comme le Président de l’Assemblée nationale, le Questeur de l’Assemblée nationale, le Président du Conseil Economique, Social et environnemental, le Premier ministre, mais elle fait également obligation à tous les administrateurs de crédits, ordonnateurs de recettes et dépenses, effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard de FCFA, de faire une déclaration sur leur patrimoine.
Il faut comprendre l’esprit de cette loi, elle n’est pas sortie du néant. C’est une loi qui vient à son heure. La déclaration de patrimoine est fortement justifiée par la situation de mal-gouvernance que nous avions connue et vécue depuis fort longtemps. Et cette situation avait été exacerbée avec l’alternance politique de 2000 qui a sécrété une mentalité caractérisée par l’insouciance, la désinvolture, l’irresponsabilité, etc. qui sont devenues un effet de mode dans la gestion des biens publics. C’était le règne de l’impunité.
S’il y avait des textes exigeant une déclaration de patrimoine à l’entrée et à la sortie, c'est-à-dire au moment de la prise et de la cessation de fonction à un poste de responsabilité, on n’aurait certainement pas connu ce genre de situation. La conséquence est que l’on voit aujourd’hui des personnes qui ont eu à occuper des postes de responsabilité dans l’ancien régime habiter dans des zones où avant 2000, on les aurait prises pour des rôdeurs.
Je me dis que le Président WADE est le Président qui aurait pu réaliser l’émergence car des moyens, il en a eus, avec des trombes de milliards qui se sont abattues sur notre pays durant son règne. Mais cela n’a pu être possible, à cause de son manque de rigueur dans la conduite des affaires de la nation, ce qui a non seulement plombé le développement du pays, mais il a également hypothéqué notre avenir, car il nous faudra encore du temps pour sortir de cette situation, puisqu’une partie importante de ces fonds est constituée de dettes qui n’ont malheureusement pas été utilisées de façon appropriées et qu’il faudra rembourser aux bailleurs.
Et ceci n’est qu’un aspect du lourd héritage qu’il nous a légué. On ne reproche pas à WADE d’avoir manqué d’ambitions, mais de n’avoir pas été à la hauteur de ses ambitions malgré les moyens importants et le temps dont il avait bénéficiés.
En effet, des chantiers ouverts à coup de milliards sont restés inachevés. Ces chantiers dont a hérités le Président Macky SALL constituent pour celui-ci un handicap sérieux qui explique, dans une large mesure, la situation actuelle du pays. On ne peut aller à son propre rythme, encore moins avec les autres quand on a des épines aux pieds. Il pourrait être laborieux pour celui qui boîte de gagner à une course de quelque allure que ce soit.
Il faudra terminer les chantiers laissés par Wade pour pouvoir partir de bon pied. On ne peut pas ne pas terminer l’aéroport de Diass ou l’autoroute à péage, entre autres. Tout ceci constitue autant de facteurs de retard dans l’ouverture et la réalisation de nouveaux chantiers. A coup sûr, les chantiers inachevés de Wade ont un impact négatif sur le programme politique du Président Macky SALL.
Il faut donc rompre avec cette situation pour que les actions envisagées dans son programme puissent être mises en œuvre dans les meilleures conditions. Mais cela demande du temps. Le problème est que les gens n’ont pas changé dans leurs comportements de tous les jours. C’est comme si nous avions acquis une culture de situation de rente, celle de la facilité, dans laquelle nous nous complaisons, et nous semblons nous en accommoder.
Mais cela est incompatible avec la rigueur et la responsabilité nécessaires pour le développement de la société. Il faut donc rompre. Et la rupture a commencé avec l’élection du Président Macky SALL qui a mis en place les mécanismes de cette rupture. La volonté de rupture s’est traduite par des actes tels que la réactivation de la loi sur l’enrichissement illicite, la création de l’OFNAC (l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption) créé par la loi 2012-30 du 28 décembre 2012 et maintenant la loi sur la déclaration de patrimoine qui intègre cette dynamique pour renforcer et rendre encore plus cohérente, la démarche tendant à l’instauration d’une politique de gouvernance vertueuse sans laquelle aucun développement n’est possible.
Les actes ainsi posés vont rendre opérationnelles et plus efficaces, les structures déjà existantes telles que l’OCTRIS (l’Office Central de Lutte contre le Trafic Illicite de Stupéfiants) et la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières). La réactivation de la loi sur l’enrichissement illicite donne ainsi un sens à la création de ces structures ainsi qu’à la loi sur la déclaration de patrimoine.
C’est une façon de combler une lacune, une manière de se rattraper. L’objectif que l’on peut atteindre à travers le mécanisme mis en place, c’est l’instauration dans notre pays, d’un système de dissuasion à l’endroit de ceux qui sont appelés à gérer les biens publics. Cet arsenal de mesures renforce des structures de contrôle déjà existantes comme l’Inspection Générale d’Etat et la Cour des Comptes qui pourraient être réformées ou dotées de moyens modernes d’intervention et d’investigation.
Le Président dispose ainsi d’un système de contrôle dont le fonctionnement effectif et efficace accompagnera la mise en œuvre et donnera plus de chance de réussite à la politique d’émergence économique qu’il est en train de déployer, pour qu’enfin, on puisse combler les retards que nous avons accumulés au fil des années du fait de notre mode gestion fondé principalement sur le masla.
Mettre fin au goût de l’argent facile
Les réactions des personnes interrogées dans la presse sur ce sujet semblent marquer une sorte de réticence ou de manque d’adhésion, lorsqu’elles invoquent le manque de crédibilité, de sincérité de la déclaration, l’absence de moyens de vérification de la déclaration et la non-conformité avec nos valeurs, nos traditions. L’on peut comprendre leur réticence et leur scepticisme par rapport à la crédibilité, à la sincérité de la déclaration.
Par contre, ce qui paraît assez inquiétant, c’est le fait de soutenir que cette loi est contraire à nos valeurs de soutoura, kersa, diom, etc. C’est tout à fait le contraire. Les détournements, la gabegie, le blanchiment, le goût de l’argent facile, etc. sont des comportements aux antipodes de ces valeurs, et on semble les banaliser alors qu’il faut impérativement y mettre fin.
Ce sont des attitudes répréhensibles, car elles sont incompatibles avec le fonctionnement des institutions modernes qui va de pair avec le contrôle de la gestion des personnes auxquelles des biens publics ont été confiés. Elles expliquent, dans une large mesure, le retard de notre pays par rapport aux autres nations, parce que nous avons, à bien des égards, négativement évolué par rapport à certaines de nos propres valeurs.
Cette loi apporte une véritable révolution dans la gestion de nos maigres ressources. Il s’agit de créer un système de contrôle et de dissuasion pour une gestion sécurisée des ressources publiques. La déclaration de patrimoine est, en réalité, à la fois un moyen de dissuasion, de vérification a priori, de contrôle à postériori, mais aussi de prévention.
En effet, le contrôle (vérification) à posteriori peut avoir un effet psychologique sur le comportement des personnes appelées à gérer des biens publics. A cela s’ajoute la conscience en permanence dans le subconscient des gens, de l’existence des structures de veille ou de contrôle que sont l’OFNAC et la CENTIF. Il y a aussi et surtout, le spectre de la loi sur l’enrichissement illicite qui n’est plus un simple épouvantail.
Le magistrat Mafal FALL, Agent judiciaire adjoint de l’Etat se prononçant lors du procès au fond de l’affaire Karim WADE, le lundi 16 février 2015 sur le sens de la loi sur l’enrichissement illicite, déclare : "le développement économique et social se heurte à des pratiques ayant pour non, mal gouvernance, détournements de deniers publics et corruption. Ceci a poussé les autorités à créer la CREI afin de réprimer ces actes préjudiciables à l’économie commis par des agents peu scrupuleux et pressés à s’enrichir illégalement".
Tout ceci va contribuer à l’instauration d’une culture de gestion vertueuse qui fait tragiquement défaut à notre économie.
A travers ces réactions, on peut se demander si des gens, notamment des hommes politiques, ont bien analysé et saisi le sens, l’esprit, le but visé, autrement dit, la philosophie qui sous-tend le mécanisme mis en place pour mettre fin à ce fléau qui gangrène notre économie.
En effet, la loi sur la déclaration de patrimoine concerne les personnes qui s’apprêtent ou qui ont eu à gérer des biens publics, des ressources qui appartiennent à nous tous. C’est donc une mission patriotique qui demande de la part de ceux qui ont accepté de se mettre dans cette position, une éthique de responsabilité. Cela demande un état d’esprit, une disposition morale à toute épreuve. Il faut être préparé et prêt à assumer.
Le soutoureu, la kersa, le diom sont des valeurs bien de chez nous que l’on peut utiliser pour renforcer la gestion moderne de nos ressources publiques, plutôt que de les invoquer pour protéger ceux qui utilisent ces ressources à des fins personnelles.
Il serait bon, pendant que l’on y ait, de réfléchir comment les intégrer dans le fonctionnement de nos institutions modernes. Ku am diom, dou diel allal bou gneup mom. Ku bouga soutoureu, dou dieul yeufou diambour. Ku am kersa, da fay ragal niou koy toumaal.
Doudou Mané
(Agro-économiste/Consultant)