UN METIER QUI SE MEURT
MENUISERIE EBENISTE
Du fait de la forte concurrence des meubles importés, le métier de menuiserie ébéniste se meurt à petit feu au Sénégal. Les produits de ces artisans se vendent difficilement.
Depuis quelques années, notre pays est inondé de plus en plus par les produits importés. A chaque coin de rue, l’on peut retrouver des habits, des chaussures, des mobiliers de bureaux, entre autres produits importé, exposés devant des magasins. Et ces produits importés, couramment appelés «venants», concurrencent rudement nos produits locaux. Parfois même, ils tuent certains petits métiers qui permettent à beaucoup de nos concitoyens de pouvoir subvenir à leurs besoins. Et parmi ces métiers, figure la menuiserie ébéniste.
En effet, ce métier qui, il y a quelques années était extrêmement florissant, se meurt à petit feu.
La situation qui prévaut au niveau du Canal 4 de la Gueule Tapée renseigne à suffisance sur cette situation dudit secteur. En effet, armoires, lits, canapés, mobiliers de bureaux, tous des produits purement locaux, y étaient exposés hier. Mais, le seul hic, c'est que ces meubles trouvent très difficilement preneurs.
Assis sur un canapé, Vieux Ba, menuisier ébéniste, guette les potentiels clients. Amer, il nous lance: «Les produits importés sont plus chers mais les Sénégalais ne voient que l’aspect esthétique. C’est pourquoi, ils préfèrent les acheter au détriment de nos produits locaux».
Et pourtant, argumente le menuisier, «ce que nous fabriquons ici est plus solide et plus garanti que ce qui nous vient de l’extérieur. Mais les Sénégalais préfèrent mettre beaucoup plus d’argent dans ces mobiliers importés», déplore le menuisier. Pour étayer ses propos, il explique: «Une personne peut acheter un mobilier de bureau importé à 1 million 500 mille francs Cfa. Mais il n’acceptera jamais de débourser 1 million 500 francs pour acheter un mobilier de bureau que nous fabriquons ici. Et pourtant, nos produits sont plus garantis. Ils disent que les produits importés ont plus de finesse que les produits locaux. Mais, si on nous donnait assez d’argent, on peut fabriquer des produits aussi parfaits que les importés. Avec toute la finesse nécessaire. Mais les Sénégalais n’acceptent pas de mettre les moyens qu’il faut», fustige notre homme.
Son collègue Moussa Diop, lui, ira plus loin en estimant qu’il y a un deal au niveau de l’Etat qui favorise l’importation de mobiliers.
«Quand un ministère lance un appel d’offres pour un mobilier de bureau pour 15 000.000 de francs Cfa par exemple, l’entreprise qui gagne ce marché fera des bénéfices et le ministère aussi y gagnera quelque chose. Et puisque nos produits sont plus garantis, il préférera acheter les meubles ‘venants’ pour que, chaque année, il lance un appel d’offres dans le but d’amasser de l’argent», dit-il furieux. Et aujourd’hui, ce qui est dramatique, alerte M Diop, «les produits importés sont en train de tuer nos produits locaux». «Les clients viennent mais n’acceptent jamais de payer le bon prix».
Etabli au niveau de la Corniche Ouest, Cheikhna Ndiaye est également menuisier ébéniste. Très affecté par la forte concurrence des meubles importés, il crache : «Nous fabriquons tout ce qui est mobilier de maison. Ce sont des produits fabriqués ici au Sénégal. Mais notre véritable problème ce sont les ‘’venants’’. Les produits importés». De son avis, la main d’oeuvre locale est qualifiée.
Le problème, ce sont les moyens : «La main d’oeuvre locale est qualifiée. Nous n’avons pas les moyens
mais la volonté est là. L’envie de faire est là mais nous n’avons pas le soutien des autorités. Elles ne nous aident pas», regrette M. Ndiaye.
Quant à la qualité de leurs produits, le menuisier assure: «Nous utilisons les bois de Dibouti. C’est un bois de qualité. Nos meubles sont garantis pour au moins 10 ans, les salons sont garantis pour au moins 5 ans mais les Sénégalais ne l’achètent pas». Et d’ajouter: «Je pense que les autorités devraient promouvoir le consommer local dans tous les secteurs. Elles doivent lever les taxes pour les produits importés. Elles disent qu’elles veulent promouvoir le consommer local, mais quand vous partez dans leurs bureaux presque 80% voire 90% sont des produits importés. Nos clients sont des Sénégalais mais ce sont les autorités qui doivent nous aider, on a toutes les difficultés pour promouvoir nos produits. Le secteur informel ne marche pas au Sénégal », dénonce le menuisier. Pis, «les produits importés commencent à nous tuer, à tuer ce que nous faisons, alors que nos produits sont plus garantis. Nous interpellons Macky Sall, par rapport à cela», peste le jeune homme.