UN NOUVEAU DÉPART VERS LA MODERNISATION DU SYSTÈME DES TRANSPORTS
LA GARE DES BAUX MARAICHERS OUVERTE HIER
Malgré les nombreux dysfonctionnements notés pour le démarrage hier des activités de la gare des Baux maraîchers, autorités et transporteurs estiment qu’il s’agit d’un jalon important vers la modernisation du système de transports interurbains.
La gare routière des Baux maraîchers a officiellement démarré ses activités hier. Fruit d’un investissement de 7,5 milliards de FCfa consenti par l’Etat du Sénégal, l’ouvrage s’étend sur 12 hectares. Les travaux de la deuxième tranche sont toujours en cours. Ce qui en fait l’une des plus grandes gares en Afrique de l’Ouest. Initialement prévus pour quatre ans, les travaux ont finalement duré dix ans.
Pour El Hadji Seck Ndiaye Wade, directeur des transports routiers, cette nouvelle gare s’inscrit dans la politique de modernisation des transports routiers. « L’Etat a fait beaucoup d’efforts en renouvelant les autocars avec l’Aftu, une expérience qui est en train d’être élargie à six régions pilotes. Le prochain chantier concerne la modernisation du parc interurbain et les gros porteurs. Mais on ne peut pas le faire sans moderniser les terminaux », explique-t-il. Il appelle le concessionnaire à s’ouvrir à tous les acteurs pour que tout le monde s’y retrouve.
De son côté, le directeur général du Conseil exécutif des transports urbains de Dakar (Cetud), Alioune Thiam, souligne la modernité de l’ouvrage. « C’est une plateforme qui regroupe tous les transports interurbains et internationaux. Désormais, tout passager venant hors de Dakar doit débarquer ou embarquer à partir d’ici. Et on a toutes les commodités pour offrir un système de transport selon les normes internationales », dit-il.
Néanmoins, pour ce premier jour, « nous avons constaté beaucoup de problèmes d’exploitation dus aux nouvelles procédures d’enregistrement des véhicules dans la base de données. Il y a aussi de nouvelles normes que les clients ne comprennent pas. Il faut du temps pour que tout le monde s’adapte. C’est un problème d’organisation que nous allons régler dans les plus brefs délais », assure-M. Thiam.
Dans l’immédiat, il informe qu’une mesure d’urgence a été prise consistant à alléger, au maximum, l’enregistrement par informatique et de le faire manuellement, voire de le reporter ultérieurement. Tout comme le directeur des transports terrestres, il salut l’esprit de dépassement des syndicats de transporteurs.
Toutefois, ces derniers, par la voix d’Alassane Ndoye, président du Syndicat national des travailleurs des transports routiers du Sénégal (Snttrs/Cnts), demandent à l’Etat de revoir les conventions qui le lie à ses voisins, notamment le Mali.
Selon lui, les transporteurs sénégalais sont lésés dans cette convention. En guise de réponse, le directeur des transports terrestres indique que l’Etat travaille à améliorer ces conventions pour permettre à nos transporteurs d’avoir des quotas beaucoup plus importants.
Cependant, prévient-il, on ne peut pas avoir de bons quotas sans un système de transport répondant aux normes internationales. Alassane Ndoye demande aussi aux autorités de tolérer les cars interurbains en attendant de trouver une solution viable.
Il veut aussi que les gargotes soient tolérées à l’intérieur de la nouvelle gare parce que, dit-il, les chauffeurs n’ont pas les moyens pour acheter de la nourriture chère. Quant au concessionnaire, El Hadji Mbaye Sarr, son souhait est de « satisfaire tout le monde », tout en prévenant que tout début est difficile.
Chauffeurs et usagers perdus dans les procédures
L’embarquement a été difficile, hier. Pour une première, chauffeurs et usagers semblaient être perdus dans ce nouvel environnement et ses procédures jugées complexes.
Les activités ont démarré hier sur fond de récriminations et de plaintes de la part des chauffeurs et des usagers rencontrés sur place. Sur le tronçon reliant la nouvelle gare à la route nationale, règne un embouteillage monstre. Les véhicules restent immobilisés.
Le long de cette artère est jalonné d’une dizaine de policiers, de gendarmes et d’éléments de l’Agence de sécurité de proximité (Asp). Malgré leur présence pour réguler la circulation, le trafic reste toujours difficile. La suite de véhicules se déplace à peine sinon à pas de tortue.
Une situation qui a été surtout favorisée par certains chauffeurs qui n’hésitent guère de s’immobiliser pour prendre des clients en cours de route afin de combler le nombre de places restantes. Vu de loin, on se rend compte déjà de l’ambiance qui se déroule à l’intérieur de la nouvelle gare routière ainsi qu’aux alentours.
Devant la porte principale, en face de l’entrée du marché central de poisson, clients, badauds, apprentis se massent sur les lieux en discutant. Aucune filtration n’a été mise pour vérifier l’entrée et la sortie des visiteurs. Mame Amy Diop, une dame voilée, classeur entre les mains, délivre les bons de sortie aux véhicules.
Selon elle, les taxis qui sortent de la gare routière doivent s’acquitter au paiement d’un ticket d’un montant de 500 FCfa et 250 FCfa pour les minibus tata. Des bagagistes, vêtus de gilets verts fluorescents comme en portent les employés des pistes, acheminent sacs, valises et autres articles appartenant aux voyageurs à l’aide de chariots de couleurs orange et bleu.
A l’intérieur de la nouvelle gare routière, quelques véhicules « 7 places », bus et minibus qui venaient de faire le plein commencent à quitter les lieux vers leurs destinations respectives. Des passagers, sac à la main ou porté à la tête, se perdent dans l’endroit plongé dans un vacarme électrique. Ils ne savent pas à quelle personne s’adresser.
Mais de temps en temps, ils sont guidés par des éléments de l’Agence de sécurité de proximité (Asp). Ceux-ci les orientent vers les quais numérotés où sont stationnés les véhicules devant relier les différentes localités du pays. « Cela fait bientôt une heure que je cherche le véhicule devant m’amener à Kaolack, mais je peine à me retrouver », lance Sokhna, la soixantaine.
Elle dit avoir quitté chez elle, à Diamaguène, depuis 5 heures. Un autre voyageur, un peu plus âgé, accompagné d’un de ses petits-fils, lui servant d’assistant, déplore les dures conditions dans lesquelles il a rejoint la gare routière. « On nous a promis monts et merveilles, qu’avec la délocalisation de la gare routière de Pompiers, la situation allait s’améliorer, mais c’est regrettable de constater qu’il n’y ait eu aucun changement », se désole-t-il.
Elle invite les responsables de cette infrastructure à veiller à la bonne organisation de son fonctionnement. Ces reproches formulées par les clients traduisent ainsi la difficile situation ayant marqué l’ouverture de la gare routière des Baux maraîchers de Pikine. En attestent les longues files de véhicules formées devant les guichets, causant une lenteur dans la mobilité des voitures.
Des chauffeurs très remontés déplorent la perte de temps due à leurs enregistrements. D’autres cherchent à remettre en cause le manque d’expérience des gens qui s’occupent de la délivrance de ces papiers. « C’est très compliqué pour nous qui devons payer, chaque jour, des redevances pour sortir avant d’embarquer. En plus, les bagages sont pesés et tout un tas de papiers doit être rempli », se plaint M. Cissé, chauffeur de minicar.
Certains demandent le retour des rabatteurs ou « coxeur » à la nouvelle gare routière des Baux maraîchers pour faciliter le travail. Un agent du ministère des Transports terrestres, ayant requis l’anonymat, rencontré sur les lieux, pense que la permutation des portes d’entrée et de sortie de la gare routière faciliterait le mouvement des véhicules.
Les bagages soumis désormais à la pesée
Des jeunes avec leur chariot conduisent les bagages des clients jusqu’aux véhicules. On se croirait dans un aéroport. Les voyageurs qui auront des bagages dépassant les 5 kilogrammes devront passer au pesage. C’est la formule proposée à la nouvelle gare routière des Baux maraîchers.
Cette innovation n’a pas pu prospérer au premier jour de l’ouverture, car elle a été sitôt arrêtée en raison des dysfonctionnements notés dans le travail, selon un bagagiste rencontré, tenant un chariot. Il estime que ceux qui sont chargés de cette tâche ne maîtrisent pas, pour le moment, les outils. En plus, ils manquent d’expérience. « La meilleure manière, c’était de continuer avec l’ancien système en menant progressivement les changements », préconise-t-il.
SECURITE
Un système de vidéosurveillance mis en place
Les responsables des Baux maraîchers n’ont pas lésiné sur les moyens pour assurer la sécurité des personnes et des biens. Au-delà de la patrouille effectuée par des éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi), ceux de la gendarmerie et de l’Agence de sécurité de proximité (Asp), il a été mis en place un système de vidéosurveillance.
Installées un peu partout dans la gare, ces caméras viennent ainsi renforcer le dispositif de sécurité qui semble être un grand défi dans un endroit fréquenté à tout moment par des gens venus de tous les horizons. « C’est vraiment une avancée. A Pompiers, nous rencontrions des cas de vol. Avec la présence des forces de l’ordre et les caméras de surveillance, nous espérons que la question de sécurité sera un mauvais souvenir », s’est félicité Gora Dieng, propriétaire d’un minicar.