UN NOUVEL OBSTACLE POUR DANGOTE
LES POPULATIONS RIVERAINES S’EN PRENNENT À LA CIMENTERIE
Les obstacles se multiplient pour empêcher la mise en service de la cimenterie de Pout. Après les nombreuses péripéties administratives et crypto- personnelles, c’est maintenant sur le plan du respect des normes environnementales et des règles sociales que l’usine est attaquée en justice.
La cimenterie de Pout n’aura pas été, pour la multinationale Dangote, un long fleuve tranquille. Après les multiples péripéties qui en ont retardé la construction, voilà que d’autres obstacles veulent se dresser sur la voie de son inauguration.
Cette fois-ci, il s’agit plutôt de populations des villages environ- nants, en l’espèce, celles des localités de Niakhip, Ngomène, Seune Ouoloff et Seune Sérère, toutes situées dans l’arrondissement de Keur Moussa. A ces personnes physiques, il faut ajouter l’Association des ruraux agriculteurs de l’arrondissement de Notto (Aran).
Tout ce monde a envoyé une demande au juge du Tribunal régional de Thiès de délivrer une assignation en référé à la direction de la cimenterie de Pout. Le motif en est que les requérants craignent que la mise en service de celle-ci ne puisse avoir des impacts négatifs sur leur environnement et leur mode de vie.
Les villageois craignent en particulier les nuisances sonores provoquées par des machines de l’usine. Ils assurent que depuis les essais, le niveau de décibels délivrés par l’usine est à la limite du supportable par les humains. Il y a en plus des probables effets sur la nappe phréatique, étant donné que la centrale à charbon que va installer la cimenterie va pomper près de 4 500m3/jour pour son système de refroidissement.
Les villageois font noter que la zone de Pout est une zone de maraîchage par excellence, et que la compétition pour l’utilisation de l’eau de la nappe phréatique qui va ainsi se développer risque d’être préjudiciable à leur activité.
Il y a également les risques éventuels de pollution de ladite nappe, du fait des émanations et des multiples rejets de l’usine. Les conséquences pour les produits de consommation, aussi bien maraîchers que du bétail élevé dans la zone, ne sont pas encore bien connues.
Etudes contre études d’impacts
L’Aran a préparé plusieurs études d’impact qu’elle a jointes à sa requête. Et en plus, ces gens ont montré que la cimenterie de Dangote par contre s’est, elle, implantée sans avoir au préalable fait une étude d’impact.
L’assignation en référé devrait être tranchée le jeudi 13 novembre prochain, si les parties se présentent. Il reste à savoir si la direction de la cimenterie de Dangote sera présente.
Les concernés avaient en effet refusé de recevoir l’huissier venu leur présenter le document de justice. Ce dernier a dû se résoudre à le déposer à la mairie de Pout. A charge pour le maire de le transmettre à la cimenterie.
Quoi qu’il en soit, cet artifice a permis à la direction de Dangote d’affirmer n’avoir pas connaissance de ladite assignation. Elle a même pu, à travers un membre du personnel contacté par Le Quotidien, prétendre avoir tenu une rencontre avec les représentants des villages cités comme requérants, et les échanges avaient été très fructueux.
Cette déclaration n’a pas semblé surprendre les représentants de l’Aran, qui assurent s’y être attendus. Pour eux, il était évident qu’une fois l’assignation connue, la direction de Dangote allait tout faire pour «retourner» certains d’entre eux.
Mais, assurent- ils, «même avec deux représentants de villageois, la procédure va se poursuivre, car nous avons besoin de savoir exactement ce qu’il en est». Quoi qu’il en soit, du côté de Dangote, on se veut sereins, assurant que toutes les études d’impact avaient été faites et qu’elles n’ont rien indiqué de contraire à l’implantation de l’usine.
L’avocat des requérants, Me Assane Dioma Ndiaye, a tenu à faire remarquer que si Dangote semble mis en avant, la cimenterie n’est pas la seule visée par les assignations.
Le mémorandum des parties civiles parle également des exploitants des carrières, comme Soeco, dont les explosions provoquent des fissures dans les murs et soulèvent des tonnes de poussière.
Il y a aussi la faible part réservée à la main-d’œuvre locale dans les politiques de recrutement de toutes les entreprises établies dans la zone. Toutes ces questions sont celles qui sont visées par l’assignation.