UN RÉFÉRENDUM LOURD DE DANGERS
Le gouvernement burkinabè a annoncé, avant- hier, la tenue d'un référendum pour lever la limitation des mandats présidentiels et offrir au président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans, l’occasion de briguer un cinquième mandat à l'élection présidentielle de l’année prochaine.
C’est un conseil extraordinaire des ministres convoqué pour examiner la question qui a adopté un projet de loi portant révision de la Constitution et l’a soumis à l’Assemblée nationale qui devra voter à la majorité simple la convocation du corps électoral.
Une saisine de l’Assemblée nationale qui a mis fin au faux suspense qui dure depuis plusieurs mois et plonge le pays dans une période d’incertitude tant les positions sont divergentes.
Depuis plusieurs mois, la tension n’a cessé de monter et l’opposition a mobilisé toutes ses forces pour s’opposer à un referendum et la tentative de dialogue politique initié par le président n’avait aucune chance d’aboutir tant les positions sont tranchées et inconciliables entre sa majorité et l’opposition.
Il ne pouvait en être autrement car la loi fondamentale dont le pays s’est doté souverainement est claire en son article 37 qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels et empêche le président, en fin des deux mandats, de se présenter au scrutin de novembre 2015. Tenter d’y revenir à un an de l’élection présidentielle, relève d’un tripatouillage en passe de devenir une règle en Afrique noire.
La question est de savoir ce qui peut faire courir le président burkinabé sortant après deux septennats et deux quinquennats. Doyen des chefs d’Etat, il a stabilisé le pays dans des conditions où il était plus facile d’échouer que de réussir et réalisé de réels progrès économiques. Sur le plan sous- régional, il a joué un rôle prépondérant dans la résolution des crises notamment ivoirienne et malienne.
Un bilan élogieux réalisé en 27 ans à la force de l’âge et qui lui permet une sortie honorable à 63 ans n’ayant plus rien à prouver. Sans doute qu’il est otage du système qu’il a mis en place et que des caciques tapis à l’ombre le poussent à rempiler pour un autre mandat par crainte que son régime ne disparaisse avec lui.
Que peut-il prouver d’autre qui ne soit déjà fait en plus d’un quart de siècle de gouvernement alors que des exemples d’une nouvelle vie après la présidence se démultiplient de plus en plus à travers le continent d’au- tant qu’il peut permettre à son pays de prendre un nouvel élan avec une nouvelle présidence.
L’enjeu du référendum à venir signifie, en clair, une élection anticipée pour le président Blaise Compaoré. Une victoire du oui sera un renouvellement anticipée de son mandat car sa mainmise, 27 ans durant, sur les rouages de l’Etat et ses ressources lui offrent toutes les conditions d’une éclatante victoire. Mais autant une victoire galvanisera le pouvoir autant elle démobilisera l’opposition pour longtemps.
Le vote du projet de loi à l’Assemblée nationale à la majorité simple de 64 voix sur 127s'annonce comme une formalité pour le pouvoir qui dispose de 70 sièges mais une bataille pour la survie de l’opposition qui entend maintenir la mobilisation et la pression par des perturbations néfastes pour l’économie.
Pour cela, elle bénéficie d’un atout avec les 60% des 17 millions d'habitants qui ont moins de 25 ans et peuvent faire basculer la balance pour tenter autre chose à la place d’un régime qui entend se maintenir alors qu’ils n’étaient pas encore nés.
Par ailleurs, autre temps autre réalité : la tournure sanglante de 1987 qui avait coûté la vie au président Thomas Sankara n’est plus possible. Entre temps, la circulation quasi instantanée de l’information grâce à internet, la pression des organismes des droits de l’homme et les risques de poursuite de la CPI en cas de débordement sanglant constituent des gardes fous.
La balle est surtout dans le camp du pouvoir car le moindre coup de feu sera mis à son actif et certains n’hésiteront pas à attirer le gouvernement sur le terrain de cette violence sanglante.