UNE AUTRE ONU
La machine de la démocratie universelle reçoit des grains de sable. Les conflits en Ukraine, en Syrie, de même que les bourbiers irakien et libyen, sont les révélateurs d’une crise d’autorité face à l’autoritarisme de certains Etats
«Je viens au rapport, mon Général... de Gaulle !»
Si la vie avait gagné ce dernier combat contre la mort, l’Homme du 18 juin aurait entendu cette phrase d’un de ses aides de camp. Lui, le père de la libération, avait qualifié l’Organisation des Nations unies, née des cendres de la Société des nations (Sdn), de «machin».
En lieu et place d’un fidèle compagnon militaire, c’est un détachement de plusieurs notabilités diplomatiques qui vient au rapport, à l’occasion des 70 ans de l’Onu. Concédons, par respect, à l’institution onusienne le fait de ne pas être le « machin » dépeint par le charismatique chef de guerre.
Force est de reconnaître que la machine de la démocratie universelle reçoit des grains de sable. Les conflits en Ukraine, en Syrie, de même que les bourbiers irakien et libyen, sont les révélateurs d’une crise d’autorité face à l’autoritarisme de certains Etats s’érigeant en régulateurs des rapports internationaux.
Hélas, la normalisation enregistre un point de dérèglement sur la question de l’équité entre Etats partenaires. La complainte est constante : plus de démocratie, plus de transparence, plus d’implication !
Le recours au mot « changement » pour légitimer ce rapport de 130 pages n’est pas un simple emballage stylistique. Ce vocable traduit une rupture mentale renforcée par la com- paraison entre la situation de la gouvernance internationale et les professions de foi consignées dans la Charte des Nations unies, en son article 1 : « Maintenir la paix et la sécurité inter- nationales ; développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes... ; être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes. »
Cette comparaison est au cœur de l’article publiée, en janvier 2009, par Arnaud Blin et Gustavo Martin sous le titre : « L’Onu et la gouvernance mondiale ». Ils comparent la promesse de « sécurité collective » à l’absence de démocratie dans le Conseil de sécurité et l’exclusivité dans l’exercice du droit de veto au profit des « Grands du monde ».
La tribune du monde réserve une place de choix aux voix les plus fortes en milliards de dollars et en euros. Ils représentent le centre de cette citoyenneté internationale dans laquelle le principe de l’égalité est un horizon imprécis.
Les investigations sur les armes de destruction massive en Irak ont révélé les limites de cet instrument de gouvernance mondiale face à la puissance de quelques-uns de ses membres. La locomotive Onu, censée tirer le progrès sous toutes les latitudes, est devenue le wagon remorquée par des Nations prospères. Pour la France du président Jacques Chirac et du ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, le refus de s’engager dans une guerre sans des motifs pertinents est édifiant.
Le souci d’équité habite également nombre de partenaires au sein du Fmi et de l’Omc. La sentence est nette, selon Joseph Stiglitz ("Global public goods and Global finance:...) : « Les institutions internationales sont non-démocratiques. »
Ces propos pourraient être traduits en slogan par les chantres de la gouvernance alternative. Dans un contexte où se développe l’altermondialisme, les idées ne sont plus gouvernées par la pensée unique portée par un pôle central.
L’idéal d’un monde juste est confronté à la réalité d’un centrisme non-démocratique. Sans un égal accès aux tribunes du monde, la citoyenneté universelle est un « mythe », selon Dominique Wolton (« L’Autre mondialisation »).
On le remarquera : tous les concepts sont affinés autour de la racine « Autre ». L’autre Onu - et pas l’Onu des autres - est, naturellement, dans l’air du temps !
C’est le temps de la fin des cloisons dans le même besoin d’affirmation qui a entraîné la chute du Mur de Berlin. Aujourd’hui, le vent de démocratisation doit souffler sur cette auguste institution de la scène internationale.È