UNE COHABITATION HAUTEMENT EXPLOSIVE
SAR ET HABITANTS DE MBAO, THIAROYE, HANN BEL-AIR

Entre la Société Africaine de Raffinage (Sar) et les habitants de Mbao, Thiaroye-sur-mer et Hann Bel Air, c’est une relation trempée dans le soufre qui risque d’exploser un beau jour. Car nul ne doute que le danger est là. Et toutes les parties en sont conscientes…
Née sous les ailes de la SAP (Société Africaine de Pétrole), la Société Africaine de Raffinage a été créée en 1961 à l’initiative du gouvernement sénégalais, de la SAP et avec la participation des sociétés pétrolières opérant dans la distribution des produits finis. La Sar a donc pour vocation le raffinage du pétrole brut pour l’approvisionnement du marché sénégalais, mais aussi de la sous-région, en produits pétroliers. Après son implantation à Mbao et le démarrage de ses activités le 31 octobre 1963, la Sar fut inaugurée le 27 janvier 1964 par le président de la République d’alors, Léopold Sédar Senghor. Et depuis, la Société Africaine de Raffinage assure l’approvisionnement du marché domestique sénégalais en gaz butane, essence, kérosène, gasoil, diesel oil et fuel oil.
A l’époque, presque toute la zone aux alentours de la raffinerie était inhabitée, de même que les emprises des conduites de la SAR. Ce qui n’est guère le cas aujourd’hui où, du fait de la poussée démographique de Dakar, la raffinerie et ses installations se retrouvent au milieu d’une zone densément peuplée tandis que les canalisations traversent des zones d’habitations. Le danger est à ce point grave que c’est toute la population de Dakar qui risque un jour de « périr » en cas de catastrophe et si des mesures ne sont pas prises.
D’ailleurs, l’ancien ministre-conseiller et porte-parole de l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, M. Serigne Mbacké Ndiaye, avait eu à déclarer face à la presse que « la Société africaine de Raffinage est sous la menace d’une explosion ». Se voulant plus précis, le ministre avait ajouté : « J’ai été informé du fait que, depuis plus d’une année, la Sar n’a pas fait l’objet d’un quelconque entretien.
Or, pour une société de cette envergure et aussi stratégique dans le dispositif économique, la catastrophe risque d’être terrible si un accident se produisait ». Depuis cette révélation rien n’aurait été entrepris par les responsables de cette grande industrie pour remédier à la situation. Pour preuve, les bassins qui servent au stockage de ses produits inflammables sont là depuis sa création, de même que les pipelines qui sont enterrés sous le sol de Thiaroye-sur-mer mais aussi de Hann. Sans compter qu’il peut y avoir des fuites pétrolières sur les pipelines rongés par le sable et serpentant au milieu des habitations.
En cas d’accident, on voit d’ici la catastrophe pour ces populations. C’est cette conscience du danger qui avait poussé, en 2009, la direction de la Protection civile à prendre l’initiative de sensibiliser les populations sur les pipelines de la Sar construites depuis 1963 sur une longueur de 15 km qui va de Mbao à Hann Bel-Air avec des profondeurs variant entre 80 cm et 3 à 4,5 m.
Plus grave, la pollution de nappes mais aussi de l’air menace sans aucun doute les riverains de ces pipelines. Ne parlons pas des risques d’incendies. En effet, on constate un empiétement sur l’emprise de la conduite par les constructions à usage d’habitations, les commerces et les entreprises qui ne respectent pas la distance règlementaire de 5 mètres de part et d’autre imposée par le décret de 1963.
Ces pipelines, au nombre de quatre, servent au convoyage du fuel, du gasoil et autres hydrocarbures, alors que celui du butane n’était plus en service. D’autres risques sont aussi liés au piquage criminel opéré par des individus pour le vol des produits.
Des fourneaux et du gaz utilisés sur les conduites !
Dans une localité comme Thiaroye/Mer, les populations ont occupé toutes les emprises des pipelines. Ce même si les riverains ont conscience du danger qu’ils sont entrain de vivre. Interrogé, un riverain du quartier de ‘’Mbatal’’, sous le sceau de l’anonymat, a reconnu le danger qui les guette. « Nous savons très bien que nous sommes en danger avec les pipelines sur lesquels nous avons construit nos maisons.
Ce sont des produits inflammables qui peuvent exploser du jour au lendemain. C’est pourquoi nous appelons les autorités de la Sar et celles de l’Etat à prendre leurs responsabilités et, si possible, obliger les populations qui occupent ces emprises à déménager. Car, nous utilisons tous les jours des fourneaux et des gaz. Et si c’est pipelines explosent quelque part, on est foutus », nous a confié ce père de famille trouvé sur la plage de ‘’Mbatal’’, une localité située en bordure de mer, entre e site de la raffinerie et le village de Thiaroye-sur-mer. Plus grave, des bouteilles remplies d’essence ou vides remplissent cet espace interlope.
Les populations, malgré le danger, développent des activités économiques comme le séchage du poisson. Ce qui nécessite l’utilisation de feu. Trouvée à Thiaroye/Mer et vendeuse de poissons séché en congés à cause du Ramadan, la dame Aïda Thiam, la trentaine, ignore le danger qu’elle encourt en utilisant du feu dans sa maison et sur son lieu de travail. « J’ignorais franchement le danger que ça représente. Je suis obligée de m’adonner à l’activité de séchage pour subvenir à mes besoins », a-t-elle déclaré en toute insouciance.
Le danger est aussi présent à Hann Bel-Air et autres localités, où il y a une nette occupation sur les pipelines, avec des constructions de maisons, de mosquée, etc. Nous avons essayé de joindre les responsables de la SAR (SAR) pour les besoins de ce reportage mais n’avons pas réussi à les faire parler. Nos colonnes leur restent toutefois ouvertes pour d’éventuelles réactions.