UNE INTENTION GÉNÉRALEMENT REJETÉE PAR LES POPULATIONS
RETOUR ÉVENTUEL DU SÉNAT
Interpellés sur un retour éventuel du Sénat, des Sénégalais interrogés dans la rue en rejettent l’opportunité et rappellent au chef de l’Etat qu’il y a d’autres priorités.
Les Sénégalais n’approuvent pas l’idée de la résurrection du Sénat. Du moins une écrasante partie des personnes interpellées sur la question. Trouvé au Point E, cet agent de sécurité qui a requis l’anonymat a soutenu que revenir sur le Sénat serait du wax waxeet (se dédire).
“On ne peut pas supprimer le Sénat et revenir trois ans après pour le reconduire. Quand on croit à une chose, on doit l’étudier d’abord. On doit être constant dans la prise des décisions. Pourquoi supprimer le Sénat et revenir sur la décision ?“ Expert en marketing, Anthié Bâ, la soixantaine, s’inscrit dans le même sillage : “A l’état actuel, je ne vois pas l’utilité du Sénat et sa reconduction contribuera à alourdir les dépenses de l’Etat”.
Chez les jeunes, le sentiment de rejet de cette institution est une réalité forte. A quelques mètres de l’arrêt de bus, en face de l’Université, Khadim Sané, en uniforme bleu et blanc, s’exclame : “quel est l’intérêt du Sénat pour le peuple sénégalais !” Et l’étudiant de poursuivre : “je pense que cet argent doit être investi dans le secteur de l’éducation, entre autres. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont quasiment le même rôle. On ne doit pas reconduire le Sénat car il n’a pas d’utilité pour le peuple”.
“Ça n’a pas de sens”, renchérit une étudiante sous l’anonymat. Habillée en mini jupe, pagne tissé, elle soupire : “Chaque président qui vient supprime le Sénat et le reconduit. C’est la même chose avec la Cour suprême aussi, connue souvent sous le vocable de Cour de Cassation”.
Toujours dans la même optique, un homme d’affaires trouvé au volant de sa Berlingo explique : “la situation économique du Sénégal ne nécessite pas le retour du Sénat”, lâche-t-il. A ses yeux, il s’agirait d’une ruse pour pourvoir des postes aux partisans du régime en place, car l’échéance électorale de 2017 approche. “C’est juste une salle d’applaudissement”, déclare t-il avant d’ajouter, “il y a d’autres priorités. Actuellement, les problèmes sociaux sont terribles”. Ce qui pousse Mme Sidibé à prophétiser ceci: “si Macky reconduit le Sénat, il risque de perdre la prochaine élection présidentielle.”.
Au marché Sahm, les chauffeurs de taxis sont eux aussi déjà convaincus de l’inopportunité de ressusciter la chambre haute du parlement. Entouré de ses amis sous un abri de fortune, le temps de faire le plein de passagers, Daouda Ndiaye livre son opinion : “Il y a autres choses à faire : que Macky Sall s’occupe du chômage en priorité. En plus, il avait promis de diminuer les charges budgétaires. Mais hélas, on constate le contraire”. Venu pour laver son taxi, Matar Diop pense que ce serait du gaspillage car l’Assemblée nationale suffit pour voter et proposer des lois.
Oui pour le retour du Sénat mais…
Sur un autre registre, d’autres Sénégalais soutiennent cette idée prêtée au chef de l’Etat. “C’est normal de restaurer le Sénat. Si le gouvernement juge nécessaire de le reconduire, c’est parce que son utilité s’impose”, déclare Abdoul Sow, assis sur une natte en compagnie de son amie.
Pour cet homme rencontré sur l’Avenue Cheikh Anta Diop, le retour du Sénat peut être une bonne chose si sa composition est bonne. Mais précise-t-il, la manière dont on nomme les sénateurs laisse à désirer. Il pense que cette probable reconduction est dictée par des mesures d’accompagnement de l’acte 3 de la décentralisation. La vendeuse Awa Dia elle, ne cherche pas trop loin. Elle estime juste que : “si le gouvernement juge utile de le reconduire, c’est parce que le besoin est certainement justifié par un intérêt des Sénégalais. Macky Sall a été élu pour régler les problèmes et non pour en apporter”, rappelle-t-elle.
Le Sénat a été institué pour la première fois au Sénégal sous le magistère d’Abdou Diouf en 1999. Il a été supprimé ensuite en 2001 par l’ex-président Abdoulaye Wade (après un référendum), avant d’être rétabli en 2007 toujours par le même homme. Il a de nouveau été supprimé en 2012 par l’actuel président, à son arrivée au pouvoir.
Dans sa dernière version, le Sénat était composé de 100 membres, dont 35 élus au suffrage indirect dans les départements et 65 autres choisis par le chef de l’Etat. Son président était élu pour 5 ans. Jusqu’à la suppression de l’institution, le président du Sénat était la deuxième personnalité de l’Etat, et assurait les plus hautes charges étatiques en cas de vacance du pouvoir, pendant 90 jours, le temps d’organiser un nouveau scrutin présidentiel…