UNE LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT MACKY SALL
Sénégalais d’Air Afrique, des «damnés de la Terre ?»
Monsieur le Président, nous vous savons occupé par les urgences du moment qui ont pour noms inondations, campagne agricole et autres mais vous nous permettrez de solliciter une parcelle de votre attention pour vous interpeller sur la lancinante question du paiement de nos droits, qui traine comme un boulet depuis 11 ans et qui a fait ces jours-ci l’actualité avec la remise de leurs chèques à 250 ex-employés d’Air Afrique dont les montants variaient entre 2 et 4,3 millions CFA.
Cette remise de chèques a sans doute apaisé les 250 bénéficiaires (tant mieux pour eux !) mais elle aura également créé d’énormes frustrations auprès de 380 autres agents doublement pénalisés, d’une part pour ne pas avoir reçu leur dû et de l’autre, pour s’être vus interdire l’accès de la salle par un cordon de gendarmes alors que tous avaient été convoqués par un communiqué du Ministère des Transports.
Notre sentiment est que répartir la modeste somme d’argent disponible (700 millions CFA issus du fonds social)entre tous les agents aurait été plus judicieux et équitable, en attendant de pouvoir régler définitivement le problème. Cela parce que contrairement à ce que disait le Ministre des Transports, M.Sall non seulement les 380 «exclus» ne travaillent pas mais la notion même de «démuni» est très discutable, un manutentionnaire ou un simple agent de l’ex Air Afrique réembauchés à SHS ou AHS et jouissant donc d’un traitement étant dans une situation financière plus avantageuse qu’un ancien steward ou une ancienne hôtesse de l’Air ne travaillant plus. Il y a même, à l’heure actuelle des ex-cadres et agents de maitrise, malades qui souffrent dans la dignité et qui auraient accueilli l’avance, si minime fut-elle, comme une bouffée d’oxygène…
Monsieur le Président, nous ne reviendrons sur les nombreux dégâts collatéraux causés par le dépôt de bilan d’Air Afrique (enfants déscolarisés, divorces, décès par manque de couverture médicale, etc.) dont vous avez eu largement connaissance que pour nous étonner de ce que cette liquidation ait pu, contrairement d’ailleurs à tous les textes de l’OHADA, durer aussi longtemps (11 ans).Et être aussi nébuleuse car on ne peut que s’interroger sur la réalisation des actifs d’Air Afrique qui, rappelons le, en possédait tout de très nombreux au Sénégal(le siège de la place de l’Indépendance, les villas du Point E, le terrain du CEFOPAD, les pièces de rechange des avions, etc.) estimés à plusieurs milliards qui auraient du permettre de payer les solde de tout compte et dont on aimerait bien connaitre aujourd’hui la destination.
Vous-même, M. le Président, ému par la situation, êtes plusieurs fois monté au créneau pour demander que cette affaire soit réglée, notamment lors de plusieurs conseils des Ministres. En vain !. C’est comme si des forces tapies dans l’ombre s’amusaient à torpiller toutes les solutions de sortie de crise. A preuve, le retrait de la question du prêt de 4 milliards CFA devant être consenti à l’ANACIM par une banque de la place à la veille du conseil d’administration de cet organisme. En dehors de ce prêt qui peut être réactualisé, les solutions existent, M. le Président comme les ressources du Syndic, la valorisation des 12.000 m2 restant des 88.000 m2 du terrain du CEFOPAD, l’affectation d’une partie des recettes de l’assistance en escale ou handling au règlement de cette affaire. A noter que c’est par ce dernier moyen que la quasi-totalité des Etats membres a procédé au règlement des droits de ses ressortissants alors que le Sénégal était à l’époque donné en exemple.
Monsieur le Président, Il est plus que temps que cette affaire soit réglée car nous avons enregistré la semaine dernière une 55 éme disparition dans nos rangs et commençons à nous demander si nous ne serions pas, nous les Sénégalais d’Air Afrique, les « damnés de la terre » si chers à Frantz Fanon ?
Mody Diop
Collectif des ex agents d’Air Afrique