UNE MESURE CONSERVATOIRE SALVATRICE POUR L’HONNEUR DE LA RÉPUBLIQUE
DÉMISSION DES COLONELS MOCTAR SOW ET MOUSSA FALL
Selon le colonel Ndaw, la première ligne de la «garde prétorienne» (p. 157, tome 2) du général Abdoulaye Fall était composée des colonels Moussa Fall et Moctar Sow, respectivement ancien commandant de la redoutable Section de recherches et ancien chef de cabinet du Haut commandant de la Gendarmerie Nationale.
Aujourd’hui, le colonel Moctar Sow est l’un des 12 membres de l’Office nationale de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et le colonel Moussa Fall est l’actuel Gouverneur militaire du Palais présidentiel.
Les accusations portées à leur égard sont gravissimes si elles sont avérées. Elles rendraient ces deux officiers supérieurs inaptes à occuper une quel- conque fonction dans une institution de lutte contre la corruption pour le premier et à exercer la fonction de Gouverneur militaire du palais de la République pour le second.
Le colonel Ndaw a consacré un chapitre entier (le second de son tome 2) aux supposés comportements très éloignés de l’éthique, de la loi et de l’honneur militaire dont les colonels Sow et Fall se seraient rendus coupables dans leurs relations avec un sulfureux homme d’affaires au nom de Yousssou Guèye, «un des plus grands truands du Sénégal» (p. 42, tome 2).
En effet, le colonel Ndaw affirme que Youssou Guèye lui aurait dit que la Section de recherches de la Gendarmerie nationale, dirigée alors par le colonel Sow, «lors d’une perquisition, lui avait pris une mallette contenant des lingots d’or, des montres et chaînes en or et des devises en dollars et euros, le tout d’une valeur d’au moins de 500 millions FCfa» (p. 43, tome 2).
Cette perquisition et la confiscation de la mallette qui s’en était suivie, auraient été faites en dehors de toute procédure établie en la matière. Plus grave, la Section de recherches, selon les dires de Youssou Guèye rapportés par le colonel Ndaw, «gardait par devers elle la mallette et il devait verser chaque mois une somme de 5 à 10 millions pour ne pas avoir maille à partir avec la justice» (p. 43, tome 2).
Le colonel Ndaw se fait plus précis lorsqu’il écrit que les colonels Sow et Fall (ainsi que d’autres sous-officiers) «ont largement profité de Youssou Guèye, qu’ils tenaient sur des dossiers clefs et qui leur versait des sommes prédéterminées, pour assurer non seulement sa liberté, mais encore plus grave, lui permettre de continuer ses escroqueries» (p. 48, tome 2). Ce qui serait une vraie infamie !
Le colonel Ndaw décrit le colonel Moctar Sow comme une personne qui «fait preuve de beaucoup de servilité et d’une indignité totale» (p. 50, tome 2). Il est «capable de toutes les bassesses pour compter et durer» (p. 50, tome 2). C’est une personne «minable et ambitieuse» (p. 50, tome 2) trempée dans des «magouilles» (p 38, tome 2) et, surtout, caractérisée par un «esprit, tordu, ambitieux et revanchard» (p. 38, tome 2).
Quant au colonel Moussa Fall, il est peint comme «un allié sûr et complice qui tient toute la famille Fall» (p. 50, tome 2) et constitue, à lui seul, «l’arme destructeur et une bombe incendiaire» (p. 50, tome 2) au service du général Abdoulaye Fall qu’il a connu en Casamance et avec qui il a fait des «magouilles» (p. 50, tome 2).
D’après le colonel Ndaw, «leurs magouilles et malversations les ont liés et justifient ce destin commun et cet esprit de prédation qui qualifie l’ensemble de leur action. Le général a une confiance totale en Moussa Fall et Moussa est capable de tuer pour ses intérêts et les intérêts du général» (p. 93, tome 2).
Le but ultime des colonels Sow et Fall était, avec la complicité de l’épouse du général, «de mettre en place un système mafieux qui pouvait leur permettre de peser sur les décisions et contrôler les circuits de corruption de la gendarmerie» (p. 54, tome 2).
A cet égard, la Section de recherches était utilisée comme un «organe de répression et d’information» (p. 203, tome 2) où Moussa Fall (qui en était devenu le chef après), avec l’appui du général, était parvenu à y faire affecter des «gendarmes, et gradés sans états d’âme, malhonnêtes, indisciplinés et sans foi. Une bande de voyous [...] pour les bas- ses besognes» (p. 94, tome 2).
Face à ces révélations, le sens des responsabilités et l’honneur d’un officier auraient dû amener les colonels Sow et Fall à se mettre en réserve de la gendarmerie pour aller laver les salissures et infamies dont ils sont accusés. Leur patron, le général Abdoulaye Fall, vient de leur montrer le chemin en renonçant à son poste d’ambassadeur du Sénégal au Portugal.
Le Commissaire divisionnaire Abdoulaye Niang en avait fait de même lorsque le scandale de la drogue avait secoué la police. S’ils s’entêtent à rester en poste et de continuer à faire comme si rien ne s’était passé, alors, le président de la République doit prendre, lui, ses responsabilités en les démettant.
La République ne saurait s’accommoder d’officiers supérieurs sur lesquels pèsent des accusations ou soupçons de mise en place d’un système mafieux visant à contrôler les circuits de la corruption au sein de la Gendarmerie nationale. C’est une exigence minimale d’un État de droit, dans lequel le respect des principes d’éthique et celui des lois doivent prévaloir en toute circonstance et quelle que soit la personne concernée.