Une modification pour alléger les procédures
SYSTEME DE PASSATION DES MARCHES PUBLICS AU SENEGAL
Un atelier de réflexion sur le système de passation des marchés publics en vue de la modification de certaines dispositions du Code des Marchés s’est tenu jeudi dernier à l’hôtel King Fahd Palace. L’objectif affiché étant de rendre plus efficaces les procédures.
« Quelles alternatives pour rendre le système beaucoup plus performant ? », ce thème a mobilisé des acteurs d’horizons divers, pour réfléchir sur la modification de certaines dispositions du Code des marchés publics. Au cours des débats, les contraintes liées aux procédures de passation des marchés (PPM) ont été au menu des préoccupations. Notamment l’alinéa 1, soulevant la question de savoir si la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) a un pouvoir de validation des PPM ou si ces allers et retours incessants sont nécessaires entre la Dcmp et l’Autorité contractante (Ac), avant validation et publication.
Cette situation impacte sur les délais puisque l’élaboration du PPM est de la compétence de l’Autorité contractante. Pour cela, les panélistes ont proposé que la direction chargée du contrôle émette un avis sur les manquements constatés au niveau des plans qui lui sont transmis. Et si dans un délai de sept jours, à compter de la réception dudit avis, l’Autorité contractante ne tient pas compte des observations formulées par la Dcmp, celle-ci doit informer l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) de la situation, afin de solliciter son arbitrage.
Mis en place depuis 2008, le système de passation des marchés publics a permis à notre pays de se doter d’un « nouveau dispositif en phase avec les standards internationaux » qui s’inscrivent dans la dynamique d’une plus grande transparence et d’une meilleure gouvernance dans la gestion des deniers publics. « La commande publique fait l’objet de beaucoup d’attention et le Président de la République attache une importance particulière à la bonne tenue des procédures, surtout sur la transparence des dépenses publiques », a constaté le ministre du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo.
Pour rendre le système de passation des marchés publics beaucoup plus performant, le ministre avance l’idée que l’application du Code des marchés publics pose des soucis, notamment en ce qui concerne la question des délais. Il arrive que la procédure dure plus de six mois, pour une dépense devant être exécutée dans l’année. « Nous devons aller nécessairement vers la réduction de ces délais qui doivent être réduits de trois à quatre mois », a-t-il indiqué.
En ce qui concerne la modification de certaines dispositions du code actuel, le ministre du Budget précise que : « nous ne validons pas un document général, mais une étude du Ministère des Finances. Les textes règlementaires seront toujours une émanation de l’administration publique. Une fois nos travaux terminés, nous les partageons avec l’ensemble du gouvernement, tout en passant par la Primature. Avant d’atteindre l’autorité supérieure qu’est le Président de la République, qui doit signer le décret de remplacement des dispositions actuelles ».
L’ARMP boycotte l’atelier
La validation du Code des marchés publics sans l’implication de l’Armp serait-t-il le motif du boycott de cette autorité de régulation lors de l’atelier de réflexion sur le système de passation des Marchés publics ? Beaucoup de questions taraudent l’esprit puisque l’Armp est au cœur du système de passation des Marchés publics. Interpellé sur le boycott de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) à cet atelier de réflexion, Abdoulaye Daouda Diallo donne son point de vue : « l’Armp a toujours été associé à cette étude, il s’est trouvé qu’il a eu effectivement un problème de présence ou de compréhension qui a fait qu’ils (agents de l’Armp) n’ont pas déféré à notre invitation ».
Il ajoute que l’Armp et l’Etat ont le même objectif et la même vision. Et dans le nouveau dispositif fiscal, ils ont supprimé le système du précompte. Le prestataire ou le fournisseur peut se voir rétribuer la totalité de sa prestation, sans que la Taxe sur la valeur ajoutée (Tva) ne lui soit retirée en amont.
Pour Adama Mboup, Dg de la Direction centrale des marchés publics (Dcmp), le Sénégal, en internalisant les directives de l’UEMOA, a cherché à s’adosser sur les bonnes pratiques fondées sur la bonne gouvernance et la transparence en matière de passation de marché. Le pays a cherché à prendre les standards les plus adoptés à ce qui se fait dans ce domaine, pour pouvoir faire un système retenu et reconnu par les partenaires au développement qui, dans le cas d’appui budgétaire, pourrait éventuellement utiliser ce système dans la passation des marchés au niveau de tous les projets et de tous les investissements qui seraient financés par ces partenaires.
« Dans la mise en œuvre, on s’est rendu compte que nous avons eu des options très ambitieuses. Ces procédures sont pour la satisfaction des besoins de seuil d’approbation de la Dcmp, les raccourcis et les relevés, aux fins de donner plus de responsabilité à l’Autorité contractante et à tous les acteurs », a laissé entendre le Dg de la Dcmp.
Le Code des obligations de l’administration (Coa) et le décret n° 2007 -545 du 25 avril 2007 portant Code des marchés publics ont fait l’objet de plusieurs modifications, avant d’être abrogés et remplacés par le décret n° 2001-1048 du 27 juillet 2011 portant nouveau Code des marchés publics. D’après l’allocution d’Amadou Kane, le ministre de l’Economie et des Finances, la revue du système de passation des marchés du Sénégal est concluante, selon les indicateurs de l’OCDE. Ceci a permis au Sénégal de connaître à trois reprises un taux de conformité supérieur à 80%. Mais malgré cette satisfaction, le système est confronté à des « insuffisances et goulots d’étranglement » qui entravent son efficacité.
Parmi ceux-ci, on peut citer la lenteur des procédures qui impacte négativement sur le taux d’absorption des crédits et qui pourrait hypothéquer l’atteinte de certains objectifs de développement fixés par le gouvernement et inscrits dans nos instruments de planification stratégique, comme la Stratégie nationale de développement économique et social (Sndes). Si l’on en croit Amadou Kane, des études ont montré que la computation des délais de déroulement donne un résultat de 188 jours réglementaires, alors que les statistiques tirées font état, en moyenne, d’une durée de déroulement de 209 jours en 2009 et 194 jours en 2010, soit une compression de 7%.
Les insuffisances relevées dans l’efficacité de l’exécution de la dépense publique, notamment sur le niveau et le rythme de l’absorption des crédits, découlent de ce phénomène. De même, il a été également constaté que le faible taux d’absorption des crédits alloués à notre pays par suite des accords de financement signés avec nos partenaires au développement, est en partie imputable à cette situation, surtout du fait de la double revue appliquée sur les procédures.
Le motif du boycott de l’Armp
L’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) a boycotté l’atelier organisé par le ministère des Finances. « Nous ne comptons pas servir de caution dans une démarche que nous n’approuvons pas et qui est en porte-à-faux avec les engagements initiaux de l’Etat », a laissé entendre Abdoulaye Sylla, président du conseil de surveillance de l’Armp. Pour lui, Amadou Kane le ministre de l’Economie et des Finances n’a pas respecté la procédure normale et n’a pas associé l’Armp, en amont sur ce projet de réforme.
« Le fil conducteur de la réforme du Code des marché a été rompu. (…) le Conseil est un cadre de concertation qui a toujours travaillé avec ses différents acteurs et les partenaires financiers. L’Etat prend l’initiative de la régulation et l’Armp organise la concertation autour des idées », a laissé entendre Abdoulaye Sylla avant d’ajouter : « l’Etat a manqué la démarche de la concertation qui a toujours prévalue ». Il poursuit dans les colonnes du quotidien Libération : « rien n’interdit à l’Etat de prendre des initiatives, mais il y a des manquements relatifs à la démarche (…) chaque fois qu’il s’est agi de modifier les textes, l’ARMP qui s’est spécialement outillée pour ça, organise la concertation avec les acteurs. Il n’y a aucune concertation sur les propositions qui seront faite ».
Qu’appelle-t-on « Marché public ? »
Le terme « Marché public » désigne un contrat écrit, conclu à titre onéreux par une autorité contractante pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fourniture ou de service. Le Code des Marchés publics a pour objectif de définir les règles de mise en concurrence pour ce qui concerne l’achat de fournitures, de prestations de services ou de travaux par les personnes publiques (ministère, services déconcentrés de l’Etat, établissements publics, collectivités territoriales, entre autres). D’après l’article 52, la participation aux appels à la concurrence et aux marchés de prestation et fournitures par entente directe dont le financement est prévu par les budgets des autorités contractantes énumérées à l’article 2 du présent décret, est réservée aux seules entreprises sénégalaises et communautaires, régulièrement patentées ou exemptées de la patente.
Ces dernières doivent être inscrites au Registre du commerce et du crédit mobilier ou au Registre des métiers, au Sénégal ou dans l’un des Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) ou encore aux entreprises des Etats appliquant le principe de réciprocité.