UNE PRESSE AUX AGUETS
On ne saurait trop recommander vigilance et discernement tant que le travail du journaliste risque d’être une arme d’une partie contre une autre
À son corps défendant, la presse- ou plutôt son travail- est devenue un élément de la défense dans le dossier du chanteur Thione Seck, incarcéré pour, entre autres faits, «falsification de signes monétaires ayant cours légal à l’étranger». Du faux-monnayage, en somme. Les avocats du mis en cause prétextent de ce que certaines informations sur cette affaire, certainement la publication, par le journal Le Quotidien, du procès-verbal de recherches, d’enquête et d’interrogatoire de la gendarmerie nationale, pour demander l’annulation de la procédure contre Thione Seck dans le cadre de cette affaire de détention de fausse monnaie.
Mais qui, plus que les avocats du présumé détenteur de faux billets d’euros et de dollars, a transmis d’informations sur cette affaire ; les plus récentes étant la décision des défendeurs de porter plainte contre la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) à laquelle il est fait grief d’un abus de s’être mêlée d’un dossier qui ne la concernerait nullement, la monnaie falsifiée n’étant pas le franc Cfa émis par la banque communautaire ?
Dans les posts sur des portails internet, des internautes vraisemblables connaisseurs en droit ont tourné en bourrique ces arguments de l’avocat.
Bien sûr, cette récupération à des fins de défense de leur client ne saurait être un motif de dissuasion pour la presse, tant que cette dernière est consciente de la fiabilité de ses informations et de l’honnêteté du traitement qu’elle en fait. Mais, on ne saurait trop recommander vigilance et discernement tant que ce travail du journaliste risque d’être une arme d’une partie contre une autre.
Bien des journalistes faits-diversiers savent que les exploitations des informations contenues dans la main-courante et registres des commissariats de police peuvent servir à ériger des lignes de défense à une partie ou des arguments d’une attaque de l’autre. Il est arrivé qu’une personne visée par une plainte dans des faits relatés par un journal proteste et crie au dénigrement, voire à la diffamation, par voie de presse.
À presque toutes les étapes, les avocats ont sollicité une presse aux aguets et qui rapportent tout ce qui est intéressant à savoir sur cette affaire Thione Seck. Tout ou presque a été dit concernant leur client, surtout son état de santé, avec- de nouveau-, toujours cette information sur un état de santé défaillant. Et revoilà le coup du détenu dont l’état de santé ne serait pas compatible avec l’incarcération. Cet argument de la santé défaillante est devenu un fourre-tout qui perd de plus en plus de la crédibilité et de la consistance. Les lieux de détention de ce pays comptent certainement beaucoup de malades sur l’état de santé desquels on ne fait pas du tout autant de tintamarre.
C’est le Ramadan et les chaînes de télévision rivalisent dans les productions humoristiques, des sketches destinés à, pour ainsi dire, dilater la rate à ceux qui ont le ventre creux aux heures où ils s’apprêtent à couper le jeune ou alors pendant qu’ils sont en train de le faire. Ces productions qui ne viennent dans les grilles de programmes qu’en période de Ramadan sont désormais des marronniers que s’imposent de fleurir presque toutes les chaînes de télévision- mais une certaine presse écrite aussi s’y met. Mais, ces sketches «Spécial Ramadan» sont un prétexte pour les annonceurs de faire connaître leurs produits ; et de manière outrancière et pour les télés d’accroître leurs recettes publicitaires.
S’en fout si les écrans s’en trouvent envahis, pollués… Des tabliers de cuisinières, les nattes sur lesquelles les personnages prennent leur repas… tout porte le label de l’annonceur. Et l’histoire n’est plus qu’un prétexte à la pub qui se déploie de plus en plus et plus que de raison, jusqu’à devenir agressive.
Et tout cela finit par renvoyer cette impression que le Ramadan est un mois du rire. Certes, il y a les prêches et causeries religieuses, mais les publicitaires sont peu prompts à se ruer vers ces programmes pour les soutenir autant qu’ils le font avec les sketches rigolards. Peut-être qu’il faudrait envisager d’autres concepts, d’autres orientations que l’humour et la drôlerie pour ne pas que le Ramadan soit perçu autrement que le mois du rire à la télé.