UNE VIE CONTRE LES HEPATITES
Aminata Sall Diallo professeur agrégé en phylosophie
Professeur de physiologie à la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie, Aminata Sall Diallo mène un combat sans merci contre les hépatites. Elle a été à la base de la mise en place du Programme national de lutte contre les hépatites au Sénégal qui devient ainsi le premier pays subsaharien ayant introduit les vaccins contre ces pathologies. Le dépistage des personnes est aussi en cours. Aujourd’hui, la prévalence dans la population générale est passée de 17 % d’infection par l’hépatite B dans la population générale à 11 %. L’universitaire assume bien l’héritage de ses maîtres, les professeurs Ibrahima Mar Diop, Sankalé et Birame Diop, qui ont démontré, pour la première fois, qu’il y a une évolution de l’hépatite C vers la cirrhose et le cancer du foie.
Le Pr Aminata Sall Diallo ne laisse pas de détails tant sur la forme que sur le fond. Elle apparaît toujours dans les cérémonies officielles comme dans les amphithéâtres avec la mise juste. Elle aime bien une grande tresse ondulante tombante en avant. . Les stylistes auront peu à redire sur son port vestimentaire. Rien d’étonnant. Lorsqu’on est née à Saint-Louis, on grandit avec la propension de s’identifier aux valeurs qui caractérisent, au fil des années, les habitants de la première capitale du Sénégal.
L’enseignante chercheure, comme la plupart des Sénégalais nés dans cette presqu’île, chante cette ville. Son père et sa mère y ont vu le jour. «Je suis née à Saint-Louis du Sénégal. Une vieille ville française, centre de la « Téranga » et de l’élégance. Je suis très fière d’être née à Saint-Louis. Mes parents sont de Saint-Louis, ma mère comme mon père », déclame la dame. Le port vestimentaire est une pièce de mode chez-elle. Sa parure véhicule aussi ses convictions.
La spécialiste de la physiologie est en quête de la différence à travers le choix des habits et de la couleur. « Un enseignant doit être un modèle dans ses comportements de tous les jours, dans sa manière de se présenter, dans les valeurs qu’il porte. Et c’est ce que j’essaie de faire. Je ne peux pas accepter d’entrer dans un amphithéâtre en ne me distinguant pas en tant qu’enseignante. Je viens pour éduquer. Je pense que cela fait aussi partie des armes pour pouvoir éduquer », détaille l’universitaire.
Et de fil à aiguille, elle tisse un look à part. Puisqu’elle laisse paresseusement une écharpe en pagne tissé sur une épaule. Elle pose aussi un petit chapeau légèrement penché. Ces accessoires, par leur forme et motif, trahissent à la fois l’ouverture et l’enracinement d’une intellectuelle qui n’a pas oublié qu’elle est africaine.
« Je suis très focus sur le plan professionnel. Mais je consacre aussi beaucoup de temps à mon mari, à mes enfants, à mes frères et sœurs et à toute ma famille élargie », confie Aminata Sall Diallo.
Elle a le sens de la mesure y compris dans le choix des mots et sur leur prononciation. Sa diction est nette. C’est la forme.
Descendante d’El Hadj Omar Tall
Dans le fond, Amina Sall Diallo est un Professeur Titulaire de Physiologie à la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Si l’on remonte à ses premiers pas à l’école, cette universitaire a fait ses études à l’école primaire Kléber de Dakar, puis à l’Ecole Sainte Jeanne D’Arc de la même ville. Cette descendante d’El Hadj Omar Tall n’a pas connu une vie d’enfance tumultueuse.
Elle est née sous la bonne étoile. Son père fut le premier directeur du Budget après les indépendances au moment où André Peytavin était ministre de l’Economie et des Finances. « J’ai été à Kléber et Jeanne D’Arc dans le privé. Mon père tenait à notre éducation. Il s’était beaucoup investi », reconnaît- t-elle.
Son grade actuel est la rançon d’un sacrifice et de l’investissement de ses parents. Aminata Sall Diallo avait reçu une éducation qui l’a conduite sur le chemin de la matérialisation de ses rêves, de ses ambitions d’enfance.
Comme pour son père, elle témoigne sa reconnaissance à ses maîtres, les professeurs Ibrahima Mar Diop, Sankalé et Birame Diop. Ils ont renforcé la notoriété et l’autorité scientifique de la Faculté de Médecine de l’Université Cheikh Anta Diop. En effet, c’est l’Ecole de médecine de Dakar qui est la première au monde à avoir démontré l’évolution de l’hépatite C vers la cirrhose et le cancer du foie.
« La filiation hépatite C, cirrhose, cancer du foie a été établie par l’Ecole de médecine de Dakar. A l’époque, j’étais très jeune. Le mérite revient à nos maîtres », précise l’universitaire. Elle est une digne héritière de ses maîtres, puisque le Sénégal a consolidé sa place au niveau mondial dans la lutte contre les hépatites. L’expertise sénégalaise sert de référence au niveau international. Sur le plan national, le Pr Aminata Sall Diallo a réussi à inscrire les hépatites sur l’agenda sanitaire du Sénégal.
Elle était à l’avant-garde du combat pour la mise en place d’un programme national dédié aux hépatites. « Le Sénégal est le premier pays africain subsaharien qui a mis en place un programme national de lutte contre les hépatites en 1999. Je porte ce programme depuis sa création. Parce que je pense qu’il s’agit d’un problème de santé publique », estime la spécialiste de la physiologie. Après sa création, il fallait justifier sa pertinence.
Equité dans l’accès aux traitements
L’enseignante se retrouve avec d’autres convaincus sur le terrain de la sensibilisation et du plaidoyer. Ses actions portent leurs fruits. Des pays de la sous-région suivent le Sénégal en lançant aussi des programmes dédiés à ces maladies.
« Au moment où nous mettions en place ce programme, personne n’y croyait. C’était la première fois qu’on échappait, en réalité, à la gouvernance mondiale de la santé, parce le Sida, la tuberculose et le paludisme étaient prioritaires », se souvient Mme Diallo.
La lutte se mène sur deux terrains : dans des structures sanitaires par la prise en charge médicale des patients et aussi dans des instances de prise de décisions. En effet, les hépatites n’étaient pas une priorité devant le Vih/Sida, le paludisme et la tuberculose. C’était paradoxal. Les taux de mortalité des hépatites étaient plus élevés que le cumul des pourcentages des décès liés au Vih/Sida et du paludisme.
« Nous avions eu plusieurs plans d’actions. Nous nous sommes focalisés sur les programmes de vaccination. Aujourd’hui, je peux dire que nous avons des résultats encourageants. Nous sommes passés de 17 % d’infection de l’hépatite B dans la population générale à 11 %. Cela est énorme. Nous avons perdu 6 points. Je pense que nous sommes fiers », juge le professeur de Physiologie.
Le Sénégal s’est lancé dans le dépistage et le traitement des malades. Aminata Sall Diallo est à la tête de l’Initiative panafricaine de lutte contre les hépatites qui regroupe 20 pays franco- phones et 6 anglophones. Rien n’est encore gagné pour elle. Pourtant, des progrès ont été enregistrés. Aminata Sall Diallo a encore ouvert un autre front : celui de l’accessibilité financière des nouveaux médicaments plus efficaces qui guérissent le malade ou stabilisent les infections à 90% des cas.
« Nous avons la chance, aujourd’hui, de disposer de médicaments très efficaces contre l’hépatite C avec des possibilités de guérison à 100 %. Nous avons des médicaments contre l’hépatite B qui nous permettent de contrôler l’infection à 80 %. Nous avons des outils de diagnostic performants, des plateformes innovantes. Nous ne pouvons pas faillir. Il nous faut absolument saisir toutes ces opportunités pour pouvoir aider notre pays à éradiquer ces infections chez- nous », plaide la conseillère technique au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en charge de la recherche et de la coopération.
Mme Diallo est aussi membre titulaire de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal.