VA-T-EN-GUERRE
On n’avait pas besoin d’être Nostradamus pour deviner le discours que le vieillot pape du Sopi allait seriner à ses partisans réunie à la place de l’Obélisque ce 21 novembre. Le même que celui qu’il a tenu lors de son retour d’exil volontaire de Marianne, deux ans après la perte du pouvoir. Un véritable casus belli contre le régime de Macky Sall.
Dans un discours ardent, il a alterné diatribes, accusations et menaces contre son tombeur du 25 mars 2012. Après avoir extrapolé sur les difficultés vitales auxquelles sont confrontés les souffre-douleurs sénégalais, le libéral en chef, versant dans la tragi-comédie, n’a pas manqué, dans une allocation en français mâtinée de wolof, de flétrir une justice impartiale et subordonnée, qui agit sous les ordres du premier magistrat du pays. Et c’est pour trouver une transition lui permettant de parler de ses collaborateurs embastillés notamment de son fils Karim Wade.
En sus le dossier ArcellorMittal (et non métal comme il l’a répété tout au long de son discours) s’est invité dans son intervention tout comme les actions «illégales» d’Aliou Sall, administrateur à la société pétrolière Pétro-Tim et jeune frère du président de la République. De la même façon, la hantise rémanente et permanente d’un coup d’Etat l’habite au point qu’il en parle par l’absurde. C’est dire que le président déchu et vindicatif est loin de se rassasier de ses douze ans de magistère.
L’obsession de la libération Karim Wade
Maintenant la question est de savoir si l’ex-président veut mettre la pression sur les autorités actuelles pour faire libérer son fils. Au moment où certains ex-collaborateurs de l’autre président Abdou Diouf accuse de mémoire faillible volontairement, il serait bien de rappeler à Abdoulaye Wade que son pouvoir a fait emprisonner ses plus proches partisans (Idrissa Seck, Salif Bâ, Modibo Diop). A ceux-là s’ajoutent les responsables socialistes (MM. Abdou Aziz Tall, Ibrahima Gaye, Ibrahima Ndiaye, respectivement anciens directeurs généraux de la Lonase, du Soleil, de la Snhlm et Mme Khady Diagne de la Sodida) qui avaient refusé, pour des questions d’éthique politique, de rejoindre les nouveaux seigneurs bleus du Sénégal.
Ces gens ont été blanchis par la justice et jamais le Ps n’a jamais procédé à des manifestations de rue ou utilisé des expédients subversifs pour faire libérer les prisonniers du régime bleu. C’est à travers des écrits et des propos relayés dans les médias que les dirigeants du Ps dénonçaient l’incarcération arbitraire de leurs camarades.
Tel le juge attitré de la Cour de répression et de l’enrichissement illicite (Crei), Abdoulaye Wade a blanchi, comme d’habitude Karim Wade, son fils, lequel a occupé les 60% de son discours. Il est allé jusqu’à parler des médiateurs de Macky qui lui auraient fait part de son intention de faire libérer Karim. Mais il se heurte à un dilemme cornélien parce que pris en tenaille entre la cruelle alternative de libérer Wade fils ou de le maintenir en prison.
De toute façon les démentis apéristes ne vont pas tarder car laisser de tels boniments sans réponse accrédite la thèse selon laquelle la justice sénégalaise est aux ordres d’un Prince.
Même si Abdoulaye Wade, équilibriste, parlant de son fils, a greffé les noms de certains de ses collaborateurs ou d’autres responsables libéraux actuellement en prison, il appert que dans son discours Karim Wade reste le point nodal. D’ailleurs si Macky a envoyé, selon lui, son fils en prison comme il le décrit subjectivement, c’est parce qu’il le redoute comme l’adversaire le plus coriace, le seul à pouvoir le terrasser à la prochaine présidentielle. Ce qui veut dire en filigrane que les autres responsables du Pds ne sont que des éternels non-ambitieux caudataires, des faire-valoir, des ectoplasmes qui n’ont pas l’envergure de son champion de fils.
On aurait bien aimé entendre ces responsables, qui ont blanchi sous le harnais libéral et qui ont des ambitions présidentielles, même cachées, apporter leur réplique à leur mentor sénescent.
Mais si Abdoulaye Wade a le toupet d’adouber son fils actuellement en prison (qui a obtenu sa carte d’identité sénégalaise en 2000) devant les libéraux de la première heure, c’est parce qu’il sait que ces derniers n’ont pas l’étoffe et l’envergure d’un présidentiable et par conséquent manquent d’ambition présidentialiste. Ainsi l’héritier légitime, c’est le fils-surhomme, sans égal au sein d’un Pds qui, sans la tribu Wade, est en déshérence.
Transition politique et élection anticipée
Seules les informations sur Métal (que dis-je ?) sur Mittal ont été la seule embellie du laïus de Wade avec des chiffres précis. Encore que l’actuel ministre des Mines et de l’Energie, Aly Ngouille Ndiaye, a déjà démenti le chiffre inexact de 200 millions de dollars versés par ArcelorMittal à l’Etat du Sénégal. Mais le point noir des propos de Wade a été cette partie où il parle de coup d’Etat avec des relents et accents comminatoires.
D’ailleurs il compte, dit-il, après le sommet de la Francophonie, mettre à exécution cette menace de lâcher ses troupes sur le palais si Macky ne daigne pas répondre à sa requête, laquelle consiste à quitter son pouvoir dans le premier semestre de 2015 afin de favoriser une transition politique suivie d’élection anticipée.
Ces propos irresponsables sont à la mesure de la vacuité intellectuelle dont souffre sénilement Abdoulaye Wade. Et on aimerait aujourd’hui entendre les auto-proclamés militants des droits de l’homme, qui avaient sévèrement cloué au pilori le pouvoir quand il a tenté d’interdire le meeting du Fpdr, condamner sans aménités ces propos inacceptables émanant de la bouche d’un homme politique ayant dirigé l’Etat sénégalais pendant douze ans.
Parler d’une transition politique au moment où le Sénégal ne souffre d’aucune crise institutionnelle, c’est insulter l’intelligence et la maturité citoyenne de ces millions de Sénégalais qui ont eu à accorder, le 25 mars 2012 dernier, au leader de l’Alliance pour la République, leurs suffrages pour sept ans.
Wade n’est plus dans l’air du temps démocratique. Il vit une ère oppositionnelle désuète qui détonne celle que nous vivons en 2014. Même quand en 1988 il disait qu’il n’irait pas au palais en marchant sur des cadavres, ce n’était que des affabulations qui ont fini par prendre les contours d’une réalité, car jamais le pouvoir n’a été chancelant comme il l’a toujours fait croire fallacieusement et durablement à des millions de Sénégalais.
Coup d’État en permanence
Abdoulaye Wade doit cesser de prendre les Sénégalais pour des demeurés ou des éternels hurluberlus panurgistes. Ce qu’ils ont refusé (parce que respectant la légalité constitutionnelle) avec une responsabilité citoyenne le 23 juin 2011 (rush vers le palais) après le retrait de son projet de loi qui avait suscité les émeutes partout au Sénégal, ils le refuseront pour toujours même si l’initiative vient d’un président déchu et débile qui pense être le deus ex machina de notre pays.
De tels propos, il les aurait tenus dans un autre pays démocratique, il serait conduit dans un asile psychiatrique pour troubles mentaux ; il les aurait tenus dans certains pays africains où la démocratie est encore dans une phase embryonnaire, il aurait droit à aller finir ses jours dans une prison crasseuse.
Aujourd’hui Abdoulaye Wade se pare de son immunité présidentielle, de sa vieillesse excusable et de sa pseudo-popularité pour débiter des balourdises délirantes sans encourir des conséquences fâcheuses. Si ses menaces non voilées émises contre l’actuel président de la République émanaient d’un autre leader de l’opposition, ce dernier aurait reçu, dans les heures qui suivent son meeting, une convocation de la Division des investigations criminelles.
Par conséquent, comme Néron, Wade est prêt à brûler le pays pour libérer son fils Karim. Mais il oublie qu’on n’est plus en 1988 où les Sénégalais, sous sa férule, saccageaient et brûlaient à la moindre foucade.
Il est vrai que les Sénégalais épris de paix et de justice ont eu à flétrir l’actuelle juridiction qui juge Karim et compagnie parce que ne garantissant pas un procès équitable. Mais cela ne doit servir d’alibi pour jeter l’opprobre sur les magistrats et les menacer au cas où ils condamneraient le poupon de Wade. Le fils de l’ex-président n’est pas au-dessus des lois de même que ses codétenus. Si au terme de leur procès, rien ne leur est reproché, il appartiendra à la justice, en toute indépendance et en toute impartialité, de les libérer comme elle l’a fait avec d’autres mis en cause en d’autres circonstances.
Maintenant il revient au pouvoir en place et notamment au président de la République de faire respecter l’ordre constitutionnel si des sicaires, qui ont tristement marqué l’histoire politique du Sénégal, veulent mettre ce pays à feu et à sang pour satisfaire les desiderata d’une momie politique. L’assassinat sordide en 1993 de Maître Babacar Sèye dans lequel Wade et ses ouailles sont trempés à fond, surnage fraichement dans la tête des Sénégalais. Et un vieil assassin, même amené à résipiscence par les vicissitudes du temps, garde toujours les gènes d’un assassin.