"ON VEUT NOUS IMPOSER UNE RÉPUBLIQUE DES COPAINS ET DES PARENTS..."
ALIOUNE NDOYE, MAIRE DE LA COMMUNE DE DAKAR-PLATEAU
Le maire de Dakar-Plateau ne compte pas abdiquer dans le bras de fer qui l'oppose au sous-préfet de ladite localité et au ministre de l'Intérieur qu'il accuse d'oeuvrer pour le blocage du fonctionnement de sa mairie. Dans l’interview qu’il nous a accordé, hier, Alioune Ndoye dit refuser qu'on veuille lui imposer une «République des copains et des parents».
Quel commentaire faites-vous de la sortie du ministre de l'Intérieur réfutant les accusations que vous avez portées contre lui par rapport au blocage du fonctionnement de la mairie de Dakar-Plateau ?
Pour moi, la sortie du ministre est un aveu de taille. Il a confirmé mes dires, à savoir que c’est bien lui qui est derrière tout cet acharnement exécuté par le sous-préfet de Dakar plateau. Son communiqué n’est rien d’autre qu’un rappel des textes qui, apparemment, ne sont pas très maîtrisés. Il rappelle principalement deux choses, à savoir que le préfet dispose d’un délai d’un mois pour approuver nos budgets, et deuxième chose, que le sous-préfet doit veiller à l’inscription des dépenses obligatoires. Je rappelle au ministre que le sous-préfet, à la date du 8 septembre, nous a adressé une lettre dans laquelle il rejette notre budget. Donc, on ne peut plus parler de délai d’approbation. Nous avons en notre possession cette lettre qui est datée du 8 septembre 2014 dans laquelle le sous-préfet nous disait qu’il est au regret de nous signifier son désaccord par rapport à l’approbation de notre budget. Sur la deuxième chose, ce que le ministre ignore, c’est que, d’abord, des dépenses obligatoires sont listées par le Code général des collectivités locales. Dans notre entendement, cette dette commerciale qui est en question n’est pas à ranger dans cette catégorie de dépenses. Raison pour laquelle, aujourd’hui, nous avons fait un recours en cassation contre les deux arrêtés que le sous-préfet avait pris.
Ces éléments également le ministre semble les ignorer. Le sous-préfet avait déjà pris un précédent arrêté modifiant le budget de la commune de Dakar-Plateau et un second arrêté dans lequel il avait fait mandat valant dans le paiement de cette dette. Des arrêtés ont fait l’objet d’un recours au niveau de la Cour suprême, et les autorités savent qu’il y a un effet suspensif et nous devons, coûte que coûte, avoir la décision de la Cour suprême pour s'y plier. Nous avons fait un pourvoi au niveau de la Cour suprême, cela, également, est un second élément qui oblige l’administration à attendre pour que cette dette puisse entrer dans la chose jugée pour pouvoir apprécier.
Pour en revenir au rejet du budget, que s'est-il réellement passé ?
Le sous-préfet a reçu notre budget avant, et nous a fait une mise en demeure datée du 8 septembre, tout de suite accompagnée d’une lettre du sous-préfet du 8 septembre dans laquelle il rejetait l’approbation pour nous signifier son refus d’approuver le budget. Donc, on n'est plus inscrit dans un délai. Lui, il a raccourci en une journée ce délai. Par la suite, ce sous-préfet nous a dit que c’est un problème d’appréciation et il nous a demandé de lui retourner les documents pour qu’il les approuvent. Et on est en train de repartir sur ce nouveau délai. Donc, voilà pourquoi, je parle de mascarade et de volonté d’acharnement à vouloir bloquer notre fonctionnement. Nous avons des écritures du souspréfet dans lesquelles il nous dit carrément que si nous n’inscrivons pas ces dépenses, il n’approuvera pas notre budget. Nous lui rappelons que tous les deux, nous devons attendre la décision de la Cour suprême, parce qu’il y a un recours à ce niveau. Nous ne comprenons pas l’empressement de vouloir, aujourd’hui, nous obliger à inscrire ces dépenses dans notre budget. Nous notons simplement qu'on est en train de nous imposer la République des copains et des parents, au détriment de toute la population de Dakar-Plateau qui, aujourd’hui, est confrontée aux réalités de l’heure. Si le sous-préfet dispose d’un mois pour approuver notre budget, je suppose que ce délai est valable pour toutes les communes. Je rappelle qu’il a eu à approuver tous les autres budgets à l’exception de celui de Dakar-Plateau, et dans les mêmes délais.
Et maintenant, qu’est-ce que vous comptez faire?
C’est de la responsabilité des autorités. Nous avons eu à prendre tous les actes que nous devions prendre en tant que maire. Nous ne prendrons aucune décision contraire à la loi. Nous ne le ferons pas. Nous avons estimé qu’une dette est anormale, nous l’avons attaquée au niveau des juridictions. Nous devons attendre la décision de ces juridictions, avant de les ordonner ou de faire autre chose. Parce que cet empressement, c’est comme si on voulait nous dire qu’on en a cure de ce que dira, demain, la Cour suprême. Seule la décision du ministre de l’Intérieur, aujourd’hui, prime sur tout ça. Et cela est inacceptable, et je ne comprends même pas que ce soit lui qui n’est pas ministre rattaché à ce département- là qui porte le flambeau. C’est le ministre qui répond, ce n’est pas le sous-préfet dont les actes sont attaqués.
Et si la Cour suprême tranchait en votre défaveur, allez-vous payer la dette ?
Si la Cour se prononce en faveur d’Ouseynou Diaw, en ce moment, nous laisserons le préfet faire son travail. Mais, pour l’instant, nous disons qu’il a pris des actes qui sont attaqués. C’est suspensif. Nous attendons la décision de la Cour suprême qui doit déterminer notre position de demain.
En attendant, nous demandons au ministre de l’Intérieur de cesser cette pression qu’il met sur un représentant de l’Etat, juste pour satisfaire un ami. Nous lui disons que cet ami, sa dette, c’est du pipeau. Une fois que la Cour suprême aura décidé, nous pourrons apprécier tous ensemble dans l’intérêt des populations. Aujourd’hui, on ne peut prendre en otage toutes les populations de Dakar-Plateau pour satisfaire un ami. Je rappelle que cette dette est antérieure à ma mandature. Elle date de 2007. Donc, nous sommes en train de nous battre, parce que, si cela passe, nous mettrons en danger les 599 communes qui sont au Sénégal, à savoir que la libre administration ne sera qu’une simple théorie.
Cette affaire intervient au moment où le Président Macky Sall appelle à l'unité de «Benno bokk yakaar». Doutez-vous de la sincérité du chef de l'Etat ?
Je ne pense pas que ces éléments soient portés convenablement à la connaissance du président de la République. Je demande au ministre de revoir, de fond en comble, ce dossier, et notamment d’échanger avec les supérieurs du sous-préfet pour avoir le fond de ce dossier. Nous ne sommes pas en train de combattre la décision d’une autorité administrative. Nous sommes en train de dire qu’il y a une décision qui n’est pas définitive, qui n’est pas entrée dans la force de la chose jugée et qu’aucune administration ne doit exécuter une telle décision. C’est ce que nous sommes en train de faire, et je pense que le ministre, s’il comprend nos arguments, s’il va au-delà des affaires de copains à protéger, il comprendra le bien-fondé de notre position, et logiquement, il devra la défendre.
Ne pensez-vous que c'est la candidature annoncée du Parti socialiste en 2017 qui dérange, notamment celle de Khalifa Sall ?
2017, c’est encore dans deux ans. Et je pense que Macky Sall doit plus penser à ses résultats qu’à cela. La candidature de Khalifa Sall est souvent brandie, mais il ne l’a pas encore posée. Celle-ci ne me concernera que quand le Congrès d’investiture du Parti socialiste la portera. Et on est loin de cela encore.