VICTIME DE MARABOUTAGE, J’AI PERDU LA VOIX PENDANT UN BON MOMENT
ABDOU RASS… MUSICIEN
Tout le prédestinait à une brillante carrière. Qui ne se souvient pas de son premier album avec les titres phares «Khoury» et «Trahison». Des opus qui lui ont valu la reconnaissance du public. Abdou Rass était bien parti pour briller sous les feux des projecteurs. Mais hélas, il sera freiné dans son élan. Après un deuxième album moins connu des mélomanes, il disparaît dans la nature et devient introuvable. Grande-Place est parti à sa recherche et a pu le dénicher. Sa longue absence sur la scène musicale sénégalaise ? Les raisons de sa rupture d’avec Jololi ? Ses projets sur le plan artistique ? Tant de questions qui taraudent bon nombre de mélomanes qui ont connu et apprécié Abdou Rass. Dans un habillement léger, avec un Lacoste bleu blanc et un pantalon blanc, le natif de Diourbel dévoile et se dévoile.
Grand-Place : Qui est Abdou Rass et quels sont ses débuts dans la musique ?
Abdou Rass : Je m’appelle Abdoulaye Wagne, plus connu sous le sobriquet d’Abdou Rass. Je suis né à Diourbel, mais j’ai débuté ma carrière musicale à Kaolack. Par la suite, je suis venu à Dakar où j’ai rencontré Djimy Mbaye Doggo qui a eu à travailler dans mon premier album. Je suis retourné à Diourbel où j’ai fait la connaissance de Fatou Guéwel Diouf avec qui j’ai travaillé pendant cinq ans. Ceci avant de faire un duo avec Papa Ndiaye Guéwel. C’est ce qui m’a d’ailleurs permis de rencontrer Ngoné Ndour.
Vous avez combien d’albums sur le marché ?
Mon premier album, intitulé Trahir, est sorti en 2004 et le 2e, Koleré en 2008.
Depuis lors, plus de nouvelle. À quoi est due cette longue absence ?
J’ai eu à voyager en Suède de 2010 à 2011. Depuis mon retour, je continue mes activités musicales avec les répétitions et autres prestations au Sénégal. Mais le monde de la musique est rempli de difficultés et de tentations. Raison pour laquelle, j’ai préféré reculer pour mieux sauter.
Je n’ai jamais arrêté de faire de la musique. Dans la vie, dans certaines situations, il est préférable de se retirer afin de mieux savoir là où l’on va. Je suis un musicien et je compte bien continuer à faire plaisir à mes fans. Même s’il y a mon business que je mène parallèlement, la musique reste toujours ma priorité.
«En 2004, j’ai vendu plus d’albums que Youssou Ndour»
Vous avez rompu avec Jololi. Pourquoi ?
Dieu en a voulu ainsi. Nous étions liés par un contrat arrivé à échéance, et chacun a pris sa route. Néanmoins, je garde tout de même de très bonnes relations avec les membres de Jololi. Ngoné Ndour est une sœur pour moi, je l’appelle parfois même. On n’est pas des ennemis.
Certaines rumeurs disent que votre départ est dû au fait que vous vous sentiez exploité ? Qu’en est-il exactement ?
Dans le monde du show biz, l’exploitation est mot de passe pour accéder au succès. C’est le chemin à emprunter pour réussir dans le monde de la musique et c’est inévitable. Je ne refuse pas le fait d’être exploité, des musiciens ont vécu pire que moi.
«On a saboté mon 2e album»
Donc, dites-nous la véritable raison de votre départ.
Jololi n’était pas prête à produire le deuxième album d’Abdou Rass, alors que je suis resté trois ans à attendre la sortie de l’album. J’ai même signé un deuxième contrat pour une maquette de six morceaux que j’ai remise à Youssou Ndour. Mais, on est arrivé à un moment où je me suis rendu compte qu’il y avait anguille sous roche. Des personnes malintentionnées - dont je préfère taire les noms - ont tout fait pour me créer des noises au sein de Jololi. Dans notre société, il y a toujours des personnes sournoises qui usent de tous les moyens pour te porter préjudice. Ils ne veulent pas te voir réussir.
Qu’est-ce qui a poussé ces personnes à vouloir vous détruire ?
Quand je suis entré à Jololi en 2004, mon album a eu un franc succès. J’avais pris le dessus sur tous les artistes ; et même Bouba Ndour m’a avoué que j’ai vendu plus d’exemplaires que Youssou Ndour. J’ai eu à vendre plus de 31 mille cassettes. Ce qui est énorme. Mais, je n’ai pas su gérer ce succès, car non seulement j’étais jeune, je ne disposais pas d’un bon staff et certaines personnes me mettaient les bâtons dans les roues. Et c’est là que mes problèmes ont commencé. Maintenant, je rends grâce à Dieu d’être toujours en vie.
Je suis tombé gravement malade. Il y a eu un moment, en 2005, où j’étais devenu muet, je communiquais par des signes. Alors que je faisais une tournée européenne démarrée en Italie où je n’ai pas pu assurer le show vu que je n’arrivais plus à parler. Mais, je rends grâce à Dieu et à mes parents qui m’ont beaucoup assisté. Ceci peut arriver à chacun. Après cette expérience, j’ai préféré me retirer pour mieux sauter.
«Il y a des gens tapis dans l’ombre qui décident de qui va aller loin ou pas»
Selon vous qui est derrière tout cela ?
(Il sursaute en riant) Au nom de Dieu, je ne sais pas de qui il s’agit et même si je le savais je ne vous le dirai pas. Il y a eu tellement de personnes qui ne voulaient pas me voir. Tant de personnes que ma musique dérangeait. Donc, je ne pense pas être en mesure d’identifier tous ces individus. Et ces personnes qui veulent me nuire, je suis toujours en bons termes avec elles. Quand je les croise, je leur tends la main, mais je veille à ma personne. Je connais mes limites.
Par la suite, vous avez rencontré votre deuxième producteur Babacar Lô ? Comment s’est déroulé votre compagnonnage ?
J’ai eu à rencontrer Babacar Lô, au moment où je m’y attendais le moins. À cette période, je venais de quitter Jololi et j’étais à la recherche d’un producteur. C’est ainsi que j’ai fait la rencontre de Babacar qui était le producteur de pas mal d’artistes à cette époque. Nous avons travaillé ensemble sur mon deuxième album intitulé Kolere qui est sorti en 2008.
Mais ce deuxième album n’a pas connu le même succès que le précèdent. Quelles explications donnez-vous à cet insuccès ?
Kolere a manqué de promotion, mais je pense que ce dernier était mieux que le premier. Grâce à la qualité de la musique et des thèmes abordés. Mais, c’est la promotion qui a fait défaut, car on n’avait plus les moyens de faire le suivi de l’album. Babacar Lô a eu des problèmes financiers et nous étions obligés de faire le reste du travail avec nos maigres moyens.
Alors quelle est la cause de votre séparation ?
Comme je vous le disais tantôt, le producteur a eu des problèmes et n’a pas pu continuer le travail déjà entamé. Mais, je précise que nous n’avons eu aucun problème. Il a fait tout ce qu’il fallait pour cet album.
On vous a entendu parler de lobbying dans le monde de la musique. À qui et à quoi faites-vous allusion ?
Vous savez, il y a des gens tapis dans l’ombre qui décident de qui va aller loin ou pas. Ils ont le pouvoir de propulser un artiste au-devant de la scène comme de le détruire musicalement. C’est une minorité qui fait la pluie et le beau temps. Et pour te faire voir, tu es obligé d’être avec eux. Mais, seule la volonté divine finit par triompher.
Comment voyez-vous la musique sénégalaise ?
La musique ne marche plus comme elle se doit. Il n’existe plus de producteurs. Les artistes préfèrent opter pour la faciliter et produisent des musiques qui ne sont plus de bonne qualité. Ceux qui doivent chanter sont laissés en rade. On chante n’importe quoi et n’importe comment. Et comme ils n’ont plus rien à dire, ils se rabattent sur les danses pour en faire des chansons. C’est l’exemple de «Mborokhé-Mborokhé», «Goana». On entend du tout et du n’importe quoi.
Et pourtant, dans votre première chanson, vous parliez d’amour…
Il est vrai que j’ai parlé d’amour, mais sous un angle différent de celui qu’on a l’habitude d’entendre. J’ai parlé de l’autre aspect de l’amour dans le tube «Trahison». Et c’est un sujet qui a touché toutes les couches sociales et toutes les tranches d’âges. Il arrivait même que des dames m’interpellent pour me faire part de leur appréciation. C’est une histoire que chaque individu a eu à vivre dans sa vie.
Actuellement, vous en êtes où pour la suite de votre carrière ? Et quels sont vos projets ?
Je suis en plein travail. Je fais des recherches et j’essaie de perfectionner ma musique. J’essaie de toucher à d’autres sonorités musicales afin d’élargir mes horizons. J’aimerais juste dire à mes fans que je suis en plein travail. Qu’ils se ne découragent pas, car le meilleur est à venir. Pour le moment, je suis en studio pour la préparation d’un nouveau single. Il sera bientôt sur le marché. Il y a également la sortie prochaine d’un nouveau clip, Sant Sama Yaye, une chanson extraite du second album.
Abdou Rass est-il marié ? A-t-il des enfants ?
Je me suis marié juste après la sortie de mon premier album et j’ai des enfants.