VISION ET PRAGMATISME
Il y a des raisons d’espérer que la coopération sénégalo-marocaine s’élève à d’autres niveaux jamais égalés. Les actes posés durant le séjour au Sénégal du Roi Mohammed VI permettent d’être optimiste
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Dans l’histoire de la coopération entre le Sénégal et le royaume chérifien, la visite que sa Majesté le Roi Mohammed VI est en train d’effectuer au Sénégal sera marquée d’une pierre blanche.
Par sa durée, environ une dizaine de jours, et par le champ des partenariats ouverts, cette visite est tout à fait exceptionnelle, entre deux pays amis, que l’histoire, la géographie et l’Islam en partage unissent depuis fort longtemps.
Avec quinze accords de partenariat signés, la remise des clefs à la cité des fonctionnaires, le raccordement de 127 villages au réseau solaire, la remise symbolique de camions gros porteurs, la pose de la première pierre du quai de pêche de Soumbédioune, et la mise en place du Groupe d’impulsion économique, les deux hommes d’Etat ont apporté une innovation importante et ont réalisé une rupture pragmatique dans la coopération entre les deux pays.
Partageant la même vision sur la coopération sud-sud, dans un contexte de mondialisation, le Roi Mohammed VI et le président Macky Sall ont posé des actes concrets dans un partenariat fécond et bénéfique aux deux peuples, aux deux gouvernements et à leurs secteurs privés respectifs.
Cette vision partagée n’est point fortuite. Le Roi Mohammed Vi et Macky Sall sont deux hommes d’Etat que beaucoup de choses rapprochent.
Avec deux ans de différence d’âge, ils sont de la même génération, comme l'ont été le Roi Hassan II et le président Senghor. L’appartenance à une même génération a ainsi facilité le partage de cette même vision du monde et de ses enjeux économiques et géopolitiques, notamment en Afrique.
Par ses performances économiques et des résultats flatteurs dans le domaine social, le Maroc a bien appris de l’Europe et dispose d’une économie diversifiée, ouverte et compétitive. La longue tradition de coopération économique qui lie le Maroc et le Sénégal voudrait donc que Dakar s’inspire de Rabat, dans un contexte de mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (Pse) sur lequel le président Macky Sall fonde beaucoup d’espoir.
Il y a 20 ans environ, le Maroc avait initié la mise à niveau de ses entreprises pour les rendre aptes et mieux préparées à une concurrence saine avec les entreprises européennes.
Cette mise à niveau avait été menée conjointement avec une série de réformes économiques de fond, lesquelles ont permis au Maroc de respecter ces fondamentaux économiques sans lesquels toute stratégie de croissance est vouée à l'échec.
Ce pays africain qui a ainsi réussi à attirer les investissements directs étrangers, à travers les politiques de délocalisation de grandes firmes européennes et américaines, constitue un modèle.
Le Sénégal, appartenant à deux zones économiques que sont l’Uemoa et la Cedeao, s’avère être un partenaire pour des entreprises marocaines, elles aussi tentées par la délocalisation vers des marchés plus vastes et porteurs de croissance. Et dans un monde de globalisation, les frontières ne représentent plus des barrières pour les capitaux à la recherche de zone et de secteurs d’opportunités.
Autant le Maroc a bénéficié de la délocalisation d’entreprises occidentales, autant le Sénégal peut tirer un grand profit de l’arrivée et de l’implémentation d’entreprises marocaines. Pour ce faire, le respect des fondamentaux économiques et l’assainissement du cadre macro-économique sont des atouts de taille. Avec le Pse, déjà, le Sénégal a volontairement choisi d'asseoir son développement économique sur le socle du respect de ces fondamentaux.
Le Fmi et la Banque mondiale ont récemment décerné des satisfécits. Aussi, à travers les critères du Doing Business, des avancées significatives ont-elles été enregistrées.
Aujourd’hui, il y a des raisons d’espérer que la coopération sénégalo-marocaine s’élève à d’autres niveaux jamais égalés, sous l'impulsion conjointe du président Macky Sall et du Roi Mohammed VI. Les actes posés durant le séjour de ce dernier permettent d’être optimiste. En effet, la mise en place du Groupe d’impulsion économique est un acte fort, alliant réalisme et pragmatisme, pour permettre une coopération mieux aboutie.
C’est d’ailleurs dans la foulée d’un volontarisme salué notamment par les deux secteurs privés nationaux que le Sénégal et le Maroc ont signé, avant-hier, dans le nouveau cadre du Groupe d’impulsion, quinze accords de partenariat économique public-privé et privé-privé. Ces accords sont ambitieux et traduisent tout l’intérêt que les deux hommes d’Etat et les chefs d’entreprise des deux pays accordent à la coopération sud-sud.
Ils portent sur différents secteurs, dont particulièrement un mémorandum d’entente pour le développement de la cité des affaires de l’Afrique de l’Ouest à Dakar, un accord de coopération dans le domaine de la pêche maritime et de l’aquaculture, une convention entre le Groupe Banque centrale populaire (Bcp) du Maroc et l’Etat du Sénégal.
Les accords concernent aussi la banque et les finances, les investissements stratégiques, le secteur des assurances et celui des transports, l’énergie solaire et renouvelable, l’environnement, l’enseignement et la formation, etc.
Ils ouvrent un nouveau boulevard pour la coopération entre les deux pays, axée sur l’engagement et la volonté réaffirmés des deux hommes d’Etat. Sur ce registre, les deux secteurs privés nationaux ont été largement impliqués afin que la coopération dépasse le cadre des Etats pour impulser une création de richesses à la base, dans les entreprises.
Nul doute que les chefs d’entreprises des deux pays sauront saisir au rebond toutes les opportunités ouvertes par ces accords. Dans le contexte de mondialisation, l’Etat-marchand a fait place à l’Etat-stratège qui implémente un cadre assaini pour l’éclosion d’un secteur privé national gagnant, créateur de richesses et d’emplois.