WADE OU LA STRATÉGIE DU PIRE
Que l’ancien Président prenne la défense de son fils ! Soit ! Mais qu’il se dresse comme un fauve contre le pouvoir quand foirent ses négociations obscures avec Macky Sall, c’est inacceptable !
À moins que Wade ne prenne les Sénégalais pour des branques, on voit mal, comment on pourrait ingurgiter passivement ses paroles et ses fatwas insensés.
En relisant la longue litanie des griefs du Secrétaire Général du PDS contre le régime de Macky Sall, on peut bien se demander s’il ne s’adressait pas à lui-même. Et de fait, si le portrait et les pratiques qu’il a dressés de son successeur n’étaient en réalité un clonage de son système et de son ex-poulain, "son meilleur Premier ministre", disait-il.
A la différence que malgré tout, le régime actuel, en termes de dérapages, de gabegie, de bavures policières, de contorsions démocratiques et de tripatouillages constitutionnels, n’a pas encore atteint les records du régime wadien.
Il serait presque superfétatoire de tenter d’énumérer la liste longue des inconvenances et dysfonctionnements du régime précédent,tous domaines confondus. Wade n’a pas seulement laissé le Sénégal dans une situation économique calamiteuse. La liste des maux qu’il nous a légués est longue et leurs conséquences fâcheuses : une dette publique abyssale de plus 3000 milliards de francs CFA, un taux de croissance en chute libre, le plus faible de la sous-région, des investissements fantômes de 450 milliards pour l’OCI, la mise à mort de notre tissu industriel, le bradage de secteurs entiers de l’économie, dont le tourisme, le choix hasardeux de production agricole comme la GOANA, le dérèglement de l’administration, le démantèlement de notre système éducatif, le désarmement de codes fonciers, du travail et des marché, entre autres.
Wade a tout simplement détricoté les valeurs éthiques et morales qui sous-tendaient la société sénégalaise, en valorisant à souhait la recherche effrénée de l’argent au détriment des valeurs du travail. Il a du coup assuré la promotion des passe-droits, des non-droits, des passavants, des privilèges et la patrimonialisation du pouvoir comme jamais les Sénégalais ne les avaient vécus. Il suffisait, entre 2000 et 2012 de voyager à travers l’Afrique, de participer aux réunions internationales, pour entendre des voix désolées et jadis envieuses du Sénégal, s’interroger sur le délitement total de notre pays.
Et d’autres de railler les pitreries invraisemblables d’un des présidents les plus "vieux" au monde. Notre pays était tout simplement déclassé à tous les niveaux et exposé aux plus risibles supputations. Qui a favorisé, certes malgré lui, la réintroduction dans le langage médiatique, du concept de "dévolution monarchique du pouvoir" ? Qui a fait de son fils un potentat adulé, couru et même déifié par des chasseurs de primes de tous formats ?
C’est fort heureusement le 23 juin 2011 que les jeunes qu’il avait abusés par des promesses démagogiques, ont sonné le glas de son régime. Cette démarche prométhéenne fait aujourd’hui tâche d’huile en Afrique. Mais, c’est là une fierté sénégalaise, dont notre peuple se serait bien passé, à vrai dire. L’ex-Président de la Banque Mondiale M. Wolfenson ne disait-il pas du Président Wade qu’il était "atypique" ? En langage diplomatique, cette insinuation vaut une caractérisation méprisante et repoussante.
Qui a osé faire tête de liste électorale le Khalife général des mourides ? Est qu’un activisme politique peut aller aussi loin dans la tentative de diviser les Sénégalais sur des bases religieuses ?Quel régime a autant méprisé la communauté chrétienne jusqu’à oublier de l’associer à des formations du gouvernement ? Quel régime a autant corrompu les dignitaires religieux, distribué autant d’argent, de vivres, de passeports diplomatiques, et autres prébendes à ceux qui en avaient le moins besoin? Passons sur les emprisonnements arbitraires, les gouvernements pléthoriques, kaléidoscopiques, instables, les audits commandités et téléguidés pour asservir les opposants socialistes et les recycler en zélateurs infatigables du Pape du Sopi !
Que les ruptures attendues de l’actuel régime ne soient pas encore à la hauteur des attentes des Sénégalais ! Soit. Mais force est de reconnaître qu’aucune forme de crise politique n’existe au Sénégal, qui nous mette dans l’obligation d’organiser de nouvelles élections en 2015. Les Sénégalais ne sont pas des commensaux en politique et savent bien apprécier les situations et se déterminer librement par voie pacifique. En 2000, et 2012, ils l’ont fait. Et en 2017, ils le feront, en toute conscience. Et tout le monde, y compris le régime du Président Macky doit se le tenir pour dit.
Que la CREI soit un tribunal inique à vocation politique, cela ne fait aucun doute. Que Karim Wade ait organisé tout un réseau mafieux pour s’enrichir et enrichir les siens. C’est certain. Mais les preuves de cette forfaiture organisée avec une rare technicité, doivent être fournies clairement et sans acharnement. Or, il faut bien s’en convaincre la CREI patauge dans ses contradictions en prenant des rumeurs pour des preuves. L’emprisonnement de Karim est injuste, et l’acharnement sélectif contre les dirigeants du PDS, (27 d’entre eux sont traqués et harcelés,) insupportable. La protection assurée aux transhumants, coupables de graves malversations comme Mme Awa Ndiaye, l’est tout autant. Le combat de Wade contre cette justice à deux vitesses pourrait être celui de tous, s’il n’était gangréné par ses amalgames dangereux.
Que Wade prenne la défense de son fils au nom des principes d’équité, de droit et de justice ! Soit ! Mais qu’il se dresse comme un fauve contre le pouvoir quand ses négociations obscures avec le Président Sall, foirent. C’est tout simplement inacceptable ! Qu’il veuille entraîner tout le Sénégal dans une sorte d’in-gouvernabilité, dans l’unique dessein de tirer Karim de ses geôles, cela relève tout net de la manipulation dont il est passé maître. Mais la ruse quand est au pouvoir, elle peut prospérer pour un temps. C’est moins évident, quand les rênes du pouvoir sont ailleurs et que la voix du peuple est encore libre.Me Wade, les Sénégalais vous écoutent, mais ne vous suivront pas dans la stratégie du pire.