Y EN A MARRE DE CE BAZAR NATIONAL
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Il faudra qu’on finisse par donner à ce maillot national la valeur qu’elle a. Celle d’un drapeau. L’emblème d’une patrie pour laquelle certains sont prêts à aller jusqu’au sacrifice suprême, habités de la devise selon laquelle on nous tue (mais) on ne nous déshonore pas». Des hommes et des femmes prêts à mourir pour l’honneur de la patrie. Pendant ce temps, il est récurrent de voir la venue d’un binational s’entourer de doutes et de transactions dignes d’une négociation sur un traité nucléaire. Le match amical Sénégal-Zambie qui se joue le 14 août prochain à Paris s’entoure de cette sempiternelle rengaine qui finit par lasser, voire énerver.
Le maillot de l’équipe nationale n’est pas une étoffe qu’on tend comme sur un marché aux puces. Du fëg jaay qu’on apprécie comme s’il s’agissait de choisir en torchons et serviettes. Une marchandise défraichie qu’on tourne et retourne sous toutes les coutures, pour finir par la laisser tomber du bout des doigts dans le tas, avec le dédain de ces pauvres hères du «marché samedi» qui, le plus souvent, ont la bourse aussi plate que les talons élimés de leurs chaussures. Ces clients faussement intéressés qui se gaussent d’une importance surfaite quand les camelots les hèlent, prompts à flétrir une marchandise dont la valeur dépasse souvent leurs vaines espérances.
Il faut qu’on arrête de tendre le maillot national à des garçons infatués de leurs talents (souvent maigres) ; il est temps d’arrêter de soumettre la fierté d’un peuple aux desiderata de garçons qui n’ont point conscience de la dimension de l’honneur qui leur est fait. Sénégalais, Français ou Alaskien, à chacun d’assumer ses choix. De les décliner clairement, plutôt que de laisser planer les silences et les positions ambigües.
Tout les choix sont valables et se défendent tous. Mais la «Tanière» n’est pas un bazar où le maillot se marchande selon les humeurs, les petits calculs et les arrières pensées opportunistes. Yen marre d’ergoter sur les petits soucis d’un Saivet ou sur les susceptibilités d’un Mbaye Niang-père et fils.
Aucune logique d’exclusion ne prévaut pour l’équipe nationale. De naissance ou de descendance, les différences se confondent dans une même égalité, pour les mêmes droits. Le reste, au moment du choix, tient au talent. Mais sauf que cette dimension «talentuesque» devrait être atténuée par le mérite.
La prise en compte de ce dernier paramètre devient fondamentale dans les appels pour la sélection nationale. Car il y a des attitudes qui font mériter ou non d’une convocation.
On court derrière les Niang et Saivet, comme naguère on s’est époumoné en vain sur les traces d’un David Bellion, d’un Bernard Mendy ou d’un Edouard Cissé. Peut-être que les deux premiers viendront. Peut-être rient-ils à en mourir des espoirs fous qu’on nourrit ici à leur endroit. Leur talent les distingue sans doute, mais il ne suffit pas pour être constitutif d’une identité qu’on veut leur coller.
Pour qu’une sélection se mérite, elle doit épouser un désir, rencontrer une attente, assouvir une fierté. Autant de sentiments qu’on sent chez Issa Cisskho. L’appel auquel il répond est la rencontre de deux volontés. Comme avec lui, la nation n’a pas à se mettre à genou pour user du talent d’un de ses fils.
Il appartient à la Fédération sénégalaise de football d’inscrire le processus d’identification et de sélection des binationaux dans un cadre moins erratique. Les choix des joueurs doivent tenir à des préalables tels que la convocation ne serait plus qu’un acte de validation. Cela se faisait naguère. Et d’aucuns vous racontent comment des «opérations commando» ont eu à être montés pour ferrer tel ou tel international, pour l’amener vers la «Tanière». Sans cafouillage aucun.
L’entregent du sélectionneur national est important. Ses choix techniques sont primordiaux. Les affinités qu’il cultive et les gages de confiance qu’il donne peuvent porter un joueur à se déterminer. Mais l’engagement de ce denier doit avoir valeur symbolique et impliquer l’autorité au plus haut niveau nécessaire pour que tout cela devienne sérieux.
Il faut donc cesser de créer des mythes rien que par des quêtes inassouvies ou des assentiments longtemps différés. Et enfin donner la valeur qui sied à ce maillot national.