KOLDA, UNE DIVERSITE CULTURELLE A PRESERVER
Ville d’art et de civilisation, la région de Kolda est promise à un bel avenir où la culture jouera un rôle de premier plan dans son développement durable et dans la création de richesses. Selon Abdoulaye Lamine Baldé, directeur du Centre culturel régional, la culture a un bel avenir à Kolda qui, avec ses caractéristiques locales, son patrimoine culturel et artistique, a confirmé sa vocation de ville de la culture et des arts, à la faveur de l’organisation du Festival national des arts et des cultures (Fesnac) en décembre dernier.
Fort de sa position de région carrefour ouverte sur trois pays (Gambie, Guinée-Bissau et Guinée Conakry), Kolda s’affirme comme un foyer dynamique de la création artistique. L’expression culturelle, qu’elle soit musicale, littéraire ou dans les arts plastiques, y connaît une véritable vitalité. Selon Abdoulaye Lamine Baldé, directeur du Centre culturel régional, le brassage ethnolinguistique noté dans la région n’y est pas étranger.
« Il y a une symbiose et une diversité culturelle à travers cette paix qui existe entre les différentes communautés issues de ce brassage, mais aussi à travers les expressions culturelles, aussi bien les rites que les cérémonies cultuelles et familiales », fait-t-il savoir.
Selon lui, Kolda est riche d’un patrimoine culturel qu’il est important de protéger et de sauvegarder, mais aussi de préserver de l’oubli. « Nous avons un répertoire très riche et diversifié légué par nos anciens. À titre d’exemple, je citerai les vestiges du tata de Moussa Moolo et de Amdallaye, l’arbre mythique de Moussa Moolo, sans parler de son tambour, ainsi que le puits de Kandia.
Le potentiel est réel, mais ce sont les moyens de diffusion, de promotion de l’utilité de ce patrimoine, mais aussi de le rendre accessible à tous qui pose problème », estime M. Baldé. À son avis, la réhabilitation de l’ensemble de ces sites participe à promouvoir l’élan touristique dans la région.
La conviction de Sadiki Sall, qui dirige une association dont les objectifs sont, entre autres, la recherche culturelle, la défense de l’authenticité, les échanges culturels, est que c’est la position de Kolda qui fait la richesse culturelle du Fouladou. Selon lui, les premiers occupants de Kolda sont des Bambaras qui sont arrivés avec leur culture, suivis des Peuls, lesquels, dans leurs mouvements en quête de pâturage, ont quitté les plateaux du Fouta Djallon, sont passés par la Guinée-Bissau pour arriver à Kolda avec leur culture.
Le mouvement, ajoute-t-il, s’est poursuivi avec les populations venues du centre du Sénégal et du nord de la Gambie qui sont arrivées avec leur culture, de même que des Sérères qui sont arrivés par la côte. M. Sall estime qu’il est difficile de parler de la culture du Fouladou sans mettre cela dans le contexte casamançais, parce que « le fond antérieur à tout cela, c’est le fond baïnouk, sur ce fond mandingue qui vient du Mali, du fond peul et d’autres communautés qui sont venues par la suite (Sarakholés, Wolofs, Sérères, etc.) ».
Finalement, indique-t-il, Kolda s’est retrouvé avec un kaléidoscope culturel qui est un gage de diversité et de richesse. « La culture, nous la vivons, mais nous ne l’exploitons pas. Parce que l’exploitation dépendrait aussi d’une certaine technicité et d’une certaine culture intellectuelle », argue Sadiki Sall.
La musique en poupe
À l’heure actuelle, la musique connaît une mutation décisive à la faveur d’une floraison de jeunes talents soucieux de promouvoir cet art. Riche de son potentiel et de ses expressions culturelles, Kolda se distingue à travers ses artistes dont les dignes ambassadeurs sont le groupe Gélongal, Daby, Abdou Diop, King Abib Coddé...
« La plupart des jeunes qui font de la musique urbaine utilisent leur langue maternelle, les langues du terroir, quand ils chantent. Ils sont conscients qu’on ne peut promouvoir la culture qu’à travers sa propre langue », indique Abdoulaye Lamine Baldé. Selon lui, on peut bien chanter en français ou en anglais, mais d’abord, il faudrait que sa propre communauté puisse déchiffrer le message que le chanteur veut diffuser. C’est une des raisons, dit-il, que ces musiciens ont commencé à introduire les sonorités locales dans leurs chansons.
« Rares sont, aujourd’hui, les musiciens qui n’utilisent pas dans leurs sonorités le nianiérou, hoddu, la kora qui sont des instruments phares de la musique du Fouladou. Ce qui était inimaginable il y a dix ou vingt ans. Ils ont compris que pour vendre, il faut d’abord être compris. Ils ont donc privilégié l’ancrage d’abord, puis l’ouverture. C’est une façon de promouvoir ces instruments de musique traditionnelle qui font la fierté du Fouladou », affirme-t-il. Et c’est de bonne guerre, apprécie M. Baldé.
M. Sadiki Sall estime, pour sa part, qu’il y a une tyrannie de la musique sur la culture. « Il ne faut pas réduire la culture à la musique », indique-t-il. « C’est la musique qui rapporte le plus de ressources facilement, parce qu’ils sont prêts à y mettre des ressources, alors que Kolda regorge de génies dans tous les domaines », note-t-il.
Un festival pour promouvoir la culture
Si les grandes villes sont, aujourd’hui, connues, c’est grâce à la culture ou au sport. C’est l’avis du directeur du Centre culturel de Kolda. « Gorée a sa maison des esclaves, Saint-Louis a son festival de jazz. Nous voulons promouvoir le label Kolda. C’est ce qu’a compris la municipalité en initiant le Festikolda. Et ce qu’il faut saluer, c’est que nous avons associé les pays limitrophes pour consolider et raffermir notre lien entre ces différents pays », relève Abdoulaye Lamine Baldé.
De l’avis du maire, ce festival était une opportunité pour l’équipe municipale de montrer la culture koldoise et d’offrir aux jeunes acteurs culturels un plateau de production. « La manifestation a été une réussite. Pour la première fois, la ville, la région, a pris l’initiative d’organiser un évènement culturel que nous voulions certes locale, mais qui a pris une dimension nationale. C’est au sortir de ce grand évènement que le ministre de la Culture a décidé de confier l’organisation du dernier Fesnac à Kolda au mois de décembre », se félicite Abdoulaye Bibi Baldé.
Une multitude d’évènements (exposition d’œuvres d’art plastique et de produits d’artisanat d’art, carnaval, veillée culturelle traditionnelle, concert son et lumière, un gala de lutte traditionnelle, soirée culturelle) organisée à cet effet a permis de mettre en valeur les potentialités culturelles du terroir et de renforcer son rayonnement sur le plan national, voire international.
La culture constitue, selon Abdoulaye Bibi Baldé, un secteur extrêmement important pouvant créer de la richesse, de la valeur ajoutée et de l’emploi. « À travers la culture, on peut bâtir une industrie forte et dynamique étant entendu que nous avons les potentialités », assure-t-il. « Il suffit, pour y arriver, de mettre tout cela en synergie, d’accompagner les artistes, pour que la culture puisse jouer un rôle de premier plan de développement durable de notre ville, de notre région », indique le maire de Kolda.
Soutenir davantage la culture
La culture se porte bien à Kolda. Le potentiel est là, mais il faut qu’il soit valorisé, boosté et vulgarisé, selon le directeur du Centre culturel. Pour M. Baldé, l’avenir est prometteur, surtout avec les projets qui vont bientôt sortir de terre. « Avec l’engagement pris par le ministre de la Culture de construire un complexe culturel digne de ce nom, nous avons bon espoir que les acteurs culturels auront enfin un espace d’expression très bien équipé, avec studio d’enregistrement.
Les jeunes ne seront plus obligés de se déplacer jusqu’à Dakar ou en Gambie pour avoir du bon son », indique M. Baldé. Le centre culturel a acquis tout récemment un important lot de matériel, mais aussi un véhicule qui, selon lui, va bien les aider dans leur mission de promouvoir le tourisme. Seulement, déplore Abdoulaye Lamine Baldé, le Centre culturel fait face à un manque de moyens humains pour encadrer l’ensemble des acteurs de la culture. « Il y a un seul agent technique pour toute la région.
C’est un handicap. Aussi, il n’y a pas de services départementaux à Médina Yoro Foula et à Vélingara. C’est le service régional qui est chargé de promouvoir, de propulser, de vulgariser, mais aussi de préserver et sauvegarder la richesse culturelle (patrimoine matériel comme immatériel). Le personnel d’appoint provient du conseil départemental », déplore-t-il.
Pour M. Sall, la recherche culturelle peut être très bien valorisée. Mais, au Sénégal, la culture est un parent pauvre de notre politique. « La culture est mal outillée, mal servie, pour fonder le développement local », dénonce-t-il.
A l’en croire, le développement de la culture passe par l’appui au Centre culturel régional, aux associations culturelles, etc. M. Sall plaide pour que les budgets gérés par les collectivités (communes, conseils départementaux) soient mis à la disposition des acteurs culturels qui vont pouvoir les utiliser à bon escient.
« S’il faut que l’autorité politique décide d’un évènement pour y mettre toutes les ressources, ces dernières ne pourraient pas soutenir la créativité ailleurs. Si on croit à la culture, on doit y mettre des moyens », martèle-t-il.