LE JOUR ET LA NUIT, UN HYMNE À LA MORALE
Écrit dans un style simple auquel il doit sa beauté et son originalité, ce livre d'Oumar Sankharé, réédité à titre posthume en 2016 par les Éditions Maguilène, traduit toute la personnalité de son auteur
Décédé en octobre 2015 à Dakar, Pr Oumar Sankharé a marqué son époque grâce à sa dimension intellectuelle. L’homme, seul double agrégé en Afrique de Grammaire et de Lettres classiques, était du lot de ces professeurs qui maîtrisent parfaitement le Grec et le Latin. Son roman « Le jour et la nuit », réédité à titre posthume en 2016 par les Éditions Maguilène, a traversé toute une génération de lecteurs. Écrit dans un style simple auquel il doit sa beauté et son originalité, ce récit passionnant où la « douleur de l’homme » constitue la trame, traduit toute la personnalité de son auteur.
Agrégé de Lettres classiques et de Grammaire, feu Oumar Sankharé est né en 1950 à Thiès. Il a enseigné à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Son ouvrage « Le jour et la nuit » occupe, sans aucun doute, une place de choix dans la collection des plus belles œuvres littéraires sénégalaises. Édité pour la première fois en 1992 par les Nouvelles imprimeries du Sénégal (Nis), il lève un coin du voile sur le caractère particulier de son auteur. Un homme singulier qui, au-delà de ses qualités intellectuelles reconnues de tous, était aussi un humaniste d’une extrême sensibilité. La rigueur de sa plume montre combien il tenait à l’ordre et à la discipline. À l’humilité. « Le jour et la nuit » constitue l’une de ses productions les plus connues. Elle aura traversé toute une génération de lecteurs. Pr Oumar Sankharé semble y mêler tous les genres littéraires : poésie, conte, épopée, théâtre…Ce récit qui prend souvent la forme d’une autobiographie, célèbre les us et costumes de la société sénégalaise. Il s’agit d’une célébration de nos valeurs dans toute leur splendeur ; un hymne à la morale. La trajectoire mouvementée du personnage principal, Doudou, nourrit la trame de ce roman d’initiation riche d’aventures. Dans cet ouvrage, le sort s’acharne sur le héros dès les premières pages. À la suite du décès accidentel de son père, les jours se suivent et se ressemblent pour Doudou qui connaîtra une succession de déchéances qui le mèneront même jusqu’à la prison. Une vie qui n’a été qu’un tissu de revers.
Extrait
Perdu dans les profondeurs de la brousse, Ndiobène offre l’aspect habituel des villages africains. Des pistes tortueuses le reliant au reste du pays. Près d’une petite rivière, s’étendent de vastes champs bordés d’arbres. Çà et là, entre des ruelles minuscules, se dressent des agglomérations de cases en argile recouvertes d’un toit de chaume.
Je fus d’abord frappé par l’aimable hospitalité des habitants. En peu de temps, je me fis de nombreux camarades parmi les garçons de mon âge. Nous formions une bande joyeuse dont les activités étaient partagées entre les promenades à travers la brousse et les jeux de plein-air. Armés d’un lance-pierres, nous allions à la chasse des passereaux qui pullulent dans cette contrée. Le tireur qui réussissait à atteindre le plus grand nombre d’oiseaux était déclaré victorieux et, selon la règle du jeu, les autres devaient lui remettre leur gibier. Par les soirs de clair de lune, derrière une concession, nous nous installions en rond. Au milieu se tenait un joueur qui s’efforçait de se délivrer par tous les moyens. L’enfant se débattait de toutes ses forces pour rompre son encerclement. Repoussé, il remontait à l’assaut. S’il arrivait à passer entre deux camarades, ceux-ci étaient éliminés et le jeu reprenait sans eux. Nous organisions également des séances de cinéma. Entre les branches d’un arbre, l’opérateur suspendait un morceau d’étoffe transparente. Derrière cet écran et à la lueur de quelques bougies, il manipulait des pantins confectionnés à l’aide de bûchettes…