«LE PRIX NOBEL DE LITTERATURE PEUT-ETRE L’ANNEE PROCHAINE»
NABIL HAIDAR, EDITEUR D'AMINATA SOW FALL
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Après 12 longues années de silence littéraire dirait-on, la romancière Aminata Sow Fall publiait son très attendu roman : «L’empire du mensonge». Un ouvrage dont le président de l’Association des écrivains du Sénégal (Aes), le dramaturge Alioune Badara Bèye, n’avait pas hésité à dire, à l’époque, que c’était tout simplement un «chef d’œuvre» ; «de la lignée des best-sellers»…Et disons que le temps lui-même lui a donné raison : «3000 exemplaires» de vendus dès le premier mois, selon l’éditeur Nabil Haidar, qui avoue qu’il ne s’attendait pas vraiment à ce succès de librairie. Dans cet entretien téléphonique qu’il a bien voulu accorder à Sud Quotidien, hier, mardi 19 septembre, notre interlocuteur, qui laisse entendre que le côté «authentique» et l’«envergure» de cet auteur «incontestable» y seraient pour quelque chose, avoue qu’il pense déjà au Nobel de Littérature. Toujours dans cet entretien, Nabil Haidar évoque ce projet : une librairie dakaroise «de référence», maison d’édition et de diffusion aussi, qui souhaiterait «pouvoir réunir tous les auteurs africains».
«Le best-seller des livres africains»
Ça se vend vraiment très bien. Au début, je pensais vendre 300 ou 500 exemplaires, et le reste, on l’échelonnerait lentement. Mais là, comme par magie, on a dépassé 3000 exemplaires dès le premier mois. J’ai donc dit : on va faire un autre tirage, et là j’espère que d’ici la fin de l’année, nous aurons dépassé les 50.000 exemplaires vendus. C’est vraiment le best-seller des livres africains.
«Avec Aminata Sow Fall, c’est différent»
Vous savez, je comprends finalement pourquoi ça s’est passé comme ça. Ici au Sénégal, les Sénégalais sont des lecteurs, les gens aiment lire ici, mais ce qui les intéresse, c’est une bonne lecture, qui soit authentique, qui soit originale…Les ingrédients sont là, le livre marche. On voit beaucoup de titres publiés au Sénégal, mais il n’y a pas beaucoup de ventes, c’est normal : d’abord au niveau de la forme, ce n’est pas ça, et même au niveau de l’authenticité de certains livres, ça laisse à désirer. Avec Aminata Sow Fall c’est différent : c’est une femme qui est authentique, qui puise dans ses racines traditionnelles, c’est tout à fait extraordinaire.
«L’envergure de l’auteur a aussi contribué à…»
L’envergure de l’auteur elle-même n’est plus à démontrer, elle est incontestable, c’est un auteur international, qui est publié un peu partout et qui a été traduite dans 24 langues, et je pense que la notoriété de Madame Aminata Sow Fall a aussi contribué à la vente de ce livre, qui est vraiment un best-seller, qui est le best-seller, je pense, de la littérature sénégalaise.
12 ans après «Les Festins de la détresse», une certaine nostalgie ?
Oui, c’est possible que pendant ces 12 années de silence…Quand pendant 12 ans, un auteur au Sénégal, qui est lu, ne publie pas, on se pose des questions, et quand son livre paraît enfin, on se l’arrache. De tous les pays du monde, on m’appelle, pour avoir un exemplaire de «L’Empire du mensonge». Je suis très heureux d’avoir publié Madame Aminata Sow Fall. Je suis très content et c’est une très bonne nouvelle pour la maison d’édition Khoudia et le Caec, qu’elle ait quand même un auteur qui soit très bien vendu.
Un contrat avec un grand éditeur parisien
Il y a autre chose : nous avons décroché, il y a à peu près un mois, un contrat avec un important éditeur parisien, qui est intéressé pour revendre «L’Empire du mensonge», et qui veut le publier en France, en Europe, et le diffuser un peu partout. Pour l’instant, je peux juste dire que c’est un éditeur qui fait partie du groupe La Martinière, qui comprend les Editions du Seuil, les Editions de l’Olivier, etc. Pour l’instant, je ne peux pas en parler. J’espère que ce livre sera diffusé un peu partout dans tous les pays francophones, jusqu’au Vietnam, jusqu’au Liban, et que l’envergure de l’auteur et sa notoriété feront peut-être de Madame Aminata Sow Fall, l’année prochaine, le prix Nobel de Littérature.
Un autre best-seller, après «La Grève des bàttu» ?
On parle d’un best-seller quand vous dépassez les 25.000 exemplaires. Elle (Aminata Sow Fall, Ndlr) a déjà eu un best-seller avant «L’Empire du mensonge», elle avait publié, je pense, «La Grève des battù», qui a dépassé 100.000 exemplaires. C’est un roman qui a une envergure internationale, qui a été traduit dans une dizaine de langues, dans le monde entier, en arabe, en serbo-croate, en chinois, c’est assez extraordinaire. Là, «La Grève des bàttu» sera publié ce mois, dans une traduction espagnole, et c’est rare qu’un écrivain sénégalais soit publié en espagnol. Et là nous aurons ce livre traduit en espagnol qui va déferler dans les pays latinos.
«Tous les romans d Mme Aminata Sow Fall seront…»
Il y a des titres qui sont complètement épuisés, que Madame Aminata Sow Fall a écrits il y a à peu près une dizaine d’années, et donc on a pensé récupérer les droits, avec les éditeurs français d’abord, on les a republiés avec le CAEC (Centre d’animation et d’échanges culturels, Ndlr), il y a peu près deux semaines, et nous espérons qu’ils seront sur le marché, dans toutes les librairies, d’ici la fin du mois. Il y a deux titres en fait : «Sur le flanc gauche du Belem» (Grand Prix de l’Engagement Littéraire, Ndlr), qui est une nouvelle de 44-45 pages, et un roman, «Un grain de Vie et d’Espérance», qui a reçu deux distinctions internationales : Best in French et Best of the world (Gourmand Awards). Et nous ne nous arrêtons pas à ça, nous avons aussi d’autres projets : tous les romans de Madame Aminata Sow Fall seront repris et publiés par le CAEC inch Allah, et nous ferons des collections, des collections privées, que nous pourrons vendre aux gens qui seront intéressés, qui aiment cet auteur.
Le CAEC/éditions Khoudia
Les éditions Khoudia, en fait, dépendent du Centre africain d’animation et d’échanges culturels, qui est le CAEC, qui était installé il y a quelques années à Fass Delorme à Dakar, mais comme les bâtiments, les locaux n’étaient plus assez vastes pour ça, on a déménagé à Saint-Louis. Maintenant le CAEC et les éditions Khoudia sont à Saint-Louis, dans la résidence de Madame Aminata Sow Fall, où nous avons aussi le Centre international d’Etudes de Recherches et de Réactivation sur la Littérature, les Arts et la Culture (CIRLAC). J’espère que d’ici la prochaine rentrée, ce Centre africain d’échanges culturels sera effectif, et qu’on pourra recevoir du monde.
Ouverture d’une Librairie-Diffusion-Editions
Comme le CAEC était fermé à Fass, parce qu’on a ensuite déménagé à Saint-Louis, on a pensé à ouvrir une librairie sur la VDN, juste en face de Mermoz, une librairie-diffusion-édition, et les auteurs qui seront intéressés, du monde entier, francophones, pourront déposer leurs manuscrits, pourront avoir des contacts avec le CAEC, avec la maison d’édition Khoudia, qui va servir aussi de librairie et de maison de diffusion. Et nous avons aussi le projet de réunir dans cette librairie tous les auteurs africains du monde entier et de les diffuser dans cette librairie. Ce sera une librairie de référence. Si quelqu’un cherche un auteur qui est introuvable au Congo, au Gabon, à Abidjan, il pourra toujours venir au CAEC, à la librairie Khoudia, et voilà.
Normalement c’était prévu en fin octobre, mais il se pourrait qu’on l’ouvre avant, parce qu’en octobre, on a aussi une grande séance de signature à travers le Sénégal, à Kaolack, Saint-Louis, Dakar, Ziguinchor, qui sera plus ou moins couverte par l’Institut français de Dakar. Si on peut ouvrir la librairie avant octobre, on le fera.