PRINCIPES DE RÉVOLUTION INTELLECTUELLE
Felwine Sarr présente "Afrotopia"
L'écrivain et économiste Felwine Sarr présentait ce samedi 9 avril à la librairie Athéna, son tout nouvel ouvrage, qui est aussi son premier essai, un texte de 151 pages publié chez l'éditeur Philippe Rey sous le titre "Afrotopia". Un néologisme conçu quelque part entre l'Afrique et l'utopie, et qui n'exprime ni afro-pessimisme, ni afro-euphorie. L'auteur met en garde contre la transposition d'un "mythe occidental du Progrès", au mépris de certains de nos traits culturels. Aux Africains de "se réconcilier avec leur Histoire" et leur discours, et à l'économie de "renouer avec son archéologie" ou son côté moral.
Arrêtons avec ce discours tristounet pour ne pas dire défaitiste qui voudrait que l'Afrique soit toujours plus ou moins à la traîne… L'écrivain Felwine Sarr dit d'ailleurs que l'Afrique "n'a personne à rattraper", des propos que l'on retrouve tels quels en quatrième de couverture de son tout nouvel ouvrage, qui est aussi son tout premier essai, après trois précédentes publications. Intitulé "Afrotopia", un néologisme conçu quelque part entre l'Afrique et l'utopie, et publié chez l'éditeur Philippe Rey, le texte de 151 pages se dévoilait ce samedi 9 avril au public de la librairie Athéna dont il est lui-même copropriétaire.
Dans ce qu'en dit le journaliste Vieux Savané, Felwine Sarr ne serait pas très à l'aise avec tous ces concepts, modèles et autres "critères occidentaux" empruntés et plus ou moins à la mode, que ce soit l'émergence, la croissance ou le développement, et que l'on se contenterait de copier-coller ou de plaquer tels quels ; en les réduisant à quelque calcul mathématique, au point de les désincarner, et au mépris de certains de nos traits culturels.
Certaines choses échappent pourtant à tous nos pourcentages, même les plus sérieux: nos relations avec les autres, par exemple, ne se mesureraient pas à coups de données chiffrées, et la vie serait moins une "performance" qu'une "expérience". Felwine Sarr plaide pour une Afrique décomplexée, pour ne pas dire émancipée de tous ces principes importés, parfois "abstraits et inopérants" ; une Afrique qui ne s'encombrerait pas de cette "compétition (…) infantile" sur la richesse, qui n'aurait pas peur de ne pas correspondre au moule ou au "mythe occidental du Progrès", et qui ne craindrait pas non plus d'inventer ses propres représentations ou ses propres "métaphores du futur". En toute autonomie dit Vieux Savané, mais sans tomber dans le piège de l'"autarcie", autrement dit sans repli sur soi.
Si "Afrotopia" parle bien d'économie, de politique et de culture, comme dirait Vieux Savané, on y ramasse aussi quelques notions de psychologie, lorsque Felwine Sarr écrit par exemple que plusieurs siècles d'aliénation et d'asservissement laissent forcément des traces ou des séquelles, ce qui explique sans doute que certains Africains souffrent comme il dit de "blessures narcissiques", entre le manque de confiance en soi, et le complexe d'infériorité vis-à-vis de ce fameux "mythe du sorcier blanc".
D'objet à sujet de discours
Même si le double traumatisme de la colonisation et de l'esclavage ne saurait à lui seul nous donner bonne conscience, en donnant peut-être une certaine légitimité à tous "nos discours victimaires", ou en nous servant tout simplement de caution morale.
"Afrotopia" est né d'un constat : l'Afrique a toujours été plus objet de discours, que sujet de son propre discours. En remontant jusqu'à l'Antiquité, où on lui trouvait quelque chose d'"étrange", Felwine Sarr en arrive à cette période autour des années 1980, traversée par une sorte d' "afro-pessimisme". Viennent ensuite les années 2000, sujettes à une "afro-euphorie" qui voudrait que l'Afrique soit "le continent du futur". Tout au long de ces périodes, on n'entendra d'ailleurs que très peu les Africains eux-mêmes. Felwine Sarr, qui se demande d'ailleurs ce que nous avons vraiment fait de l'héritage des Indépendances, laisse aussi entendre que la jeunesse africaine serait désabusée : elle vous parlera d'un pays pauvre, de crise politique ou de dictature…
Si Felwine Sarr est écrivain, il est aussi économiste, en plus d'être musicien…Il dit pourtant que les "questions économiques sont importantes", sans être "fondamentales", et que cette dimension-là a "phagocyté le débat", en occultant "le discours sur l'Homme, sur les valeurs, sur l'altérité".Et si l'auteur est économiste, "Afrotopia", précision du professeur de philosophie de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Bado Ndoye, "n'est pas un livre d'économie". Autre précision, l'utopie, dans cet ouvrage, n'est ni une "douce rêverie", comme dirait Felwine Sarr lui-même, ni un "vol fantasmagorique" pour parler comme Bado Ndoye. C'est à la fois "une invention du futur" et un "idéal", et "les logiques révolutionnaires se nourrissent (justement) de ces désirs de changement". Aux Africains de se "réconcilier avec leur Histoire", dit Bado Ndoye, et à l'économie, ajoutera Felwine Sarr, de "renouer avec son archéologie", ou avec son côté "moral"
"Afrotopia", ce sont les mots de Bado Ndoye, c'est "une écriture somptueuse" sur une "argumentation précise" ; autrement dit sans verser dans "la formule pour la formule".