QUAND LES FEMMES DEFIENT LES HOMMES
Le mouvement hip hop Galsen célèbre cette année ses 30 ans d’existence - Même si la contribution des femmes reste minime jusque-là, il n’en demeure pas moins que la gent féminine cherche aujourd’hui à se faire une place dans le milieu hip hop
Le mouvement hip hop Galsen célèbre cette année ses 30 ans d’existence. Même si la contribution des femmes reste minime jusque-là, il n’en demeure pas moins que la gent féminine cherche aujourd’hui à se faire une place dans le milieu hip hop. Toutefois, il faut noter que ce n’est point chemin aisée pour les femmes car elles font face à d’énormes difficultés.
Depuis quelques années, les femmes s’intéressent de plus en plus au hip hop jusque-là dominé par les hommes. La gent féminine cherche à se frayer un chemin dans ce genre musical comme l’avait réussi le groupe Alif il y’a de cela plus de 10 ans.
D’Omg en passant par Mamy Victory jusqu’à Moona sans oublier le groupe Gotal composé de quatre filles, elles ne sont pas les seules à signer leur entrée dans le hip hop.
«Ce qui m’a poussée à m’engager dans le hip hop, c’est juste une passion mais également le fait de voir le hip hop comme une musique éducative, informative qui fait passer des messages importants et qui est beaucoup plus proche de la population », explique Omg de son vrai nom Oumy Guèye. Celle qui a été parmi les dix finalistes du Prix Découvertes Rfi 2017 ne cache pas sa passion pour le hip hop. « C’est une musique qui te permet de comprendre une société donnée et je l’ai adoptée dès l’adolescence », dit l’auteure du célèbre titre « Koti Koti ».
Autre femme qui a le hip le hop dans son ADN, c’est Ina Thiam. Plus connue sous le nom de Ndéye Fatou Thiam, cette photographe, vidéaste et manager d’artistes du groupe Gotal trouve comme raisons, les médias. Seulement pour elle, les femmes ont longtemps été dans le hip hop mais le seul hic, c’était le manque de visibilité. « Je trouve qu’actuellement, on est beaucoup médiatisé, ce qui n’existait pas. Il y’avait des femmes qui étaient dans le hip hop mais on n’arrivait pas à les connaitre mais aujourd’hui, on a internet et on peut faire notre propre promotion depuis chez nous», a fait savoir la présidente de l’association Genji hip hop qui regroupe des actrices culturelles. Ce qui lui fait dire d’ailleurs que « c’est un effet qui a beaucoup marqué l’actuelle génération et qui fait que d’autres femmes peuvent s’identifier à elles et faire la même chose ».
En effet, cette présence des femmes dans le hip hop est constatée par le journaliste culturel Alioune Diop même si les hommes ravissent toujours la vedette. A l’en croire, «en terme d’égalité de genre, les hommes dominent dans le mouvement hip hop largement d’ailleurs mais on sent cette volonté des femmes de vouloir changer les choses mais elles ne sont pas nombreuses». Dans la foulée, le journaliste à la Rsi dira « qu’il y’a des femmes qui s’organisent de plus en plus pour que leurs voix passent, pour qu’elles se fassent connaitre ». Sur ce, Alioune Diop cite l’artiste pluridisciplinaire Fatou Kandé Senghor qui selon lui, « appuie les femmes qui s’organisent pour parler de cultures urbaines de façon globale ». Cependant, même si les femmes sont à l’assaut du hip hop, il reste encore beaucoup à faire. Car, selon Fatou Kandé Senghor, « la culture hip hop masculine a une avance sur la culture hip hop féminine ». Elle explique cela par le fait que « les femmes ne vont pas au spectacle, elles n’ont pas l’opportunité de développer leurs compétences comme les garçons ».
« LA PLUPART DES FEMMES PRENNENT LE RAP COMME UNE AFFAIRE DE MODE »
A en croire Fatou Kandé Senghor, les femmes ne creusent pas jusqu’au fond pour donner véritablement du sens au rap. « Elles jouent le rap alors que ce n’est pas ça et il y’a un manque d’encadrement ». Elle trouve comme raison que « leur compréhension du hip hop n’est pas la même que chez les hommes qui comprennent qu’il y’a toute une logique dedans et il y’a trop de ruptures dans la chaine pour être un bon rappeur ». Mieux, dit-elle, la « plupart des femmes prennent le rap comme une affaire de mode ». « Tu peux avoir la passion, le flow mais le rap, c’est du contenu et il faut que les femmes aient une sorte de conscientisation aussi bien pour les hommes », dixit Fatou Kandé Senghor.
« LE PROBLEME PRINCIPAL DES FEMMES, C’EST LA VISIBLITE »
En effet, il faut dire que le chemin des femmes dans le hip hop n’est pas sans embûches. Avec un public majoritairement composé d’hommes, les pesanteurs sociales, la gent féminine a parfois du mal à se faire place dans le hip hop. « Le problème principal des femmes, c’est la visiblité. On a du mal à être visible parce que déjà, on est entourées que d’hommes et c’est eux qui sont vraiment au devant de la scène dans ce mouvement », dit-elle. Parmi ces difficultés que rencontrent les femmes, Omg ajoute le manque de moyens et de producteurs. «On n’a pas toujours un producteur, une personne qui veut nous aider gratuitement. Déjà pour un artiste, il faut un staff permanent, un producteur, quelqu’un qui puisse s’occuper de l’audiovisuel, des photos, des vidéos, des sons. Et quand on n’a pas de producteur, c’est très difficile parce que les sons coûtent chers et c’est très difficile de réaliser tout ça en tant que femme », relève-t-elle. Mieux, dit-elle, « il y’a beaucoup de concerts qui se font au Sénégal mais on ne voit pas les femmes, à la limite on les oublie ». Quant à Ina Thiam, « le premier problème, c’est ce que subissent les hommes aussi, c’est-à-dire que le hip hop est un art qui est assez stigmatisé, on assimile le hip hop au banditisme».
« PARFOIS, LES GENS PENSENT QU’ON EST LA JUSTE POUR MONTRER QU’ON EST BELLE OU POUR CHERCHER UN COPAIN »
Enumérant leurs problèmes en tant que femmes dans le hip hop, le manager de projet à Africulturban ajoute parfois que le « public ne s’attend pas vraiment à avoir une femme sur le podium ou faire du graffiti ». Pis, dit Ina Thiam, « parfois, les gens pensent qu’on est là pour montrer qu’on est belle ou pour chercher un copain alors qu’on a des choses à dire comme tout le monde car le hip hop c’est un art de revendication à 80% ». Toutefois, Ina Thiam est d’avis que la femme a vraiment son rôle à jouer dans le hip hop. « Il y’a des sujets comme le viol qu’un homme ne peut parler trop et il faut que la femme en parle pour que ce débat puisse avoir l’impact qu’il faut », a-t-elle expliqué. Quoi qu’il en soit, les femmes restent intéressées au hip hop. Elles cherchent ainsi à atteindre le niveau des hommes. Et Alioune Diop croit en leur réussite. « L’artiste Moona avait gagné une médaille d’argent aux Jeux de la Francophonie, elle peut jouer un rôle de leader par rapport à cette volonté féminine de se frayer un chemin », a-t-il indiqué. Même si les femmes ne sont pas aussi nombreuses dans le milieu hip hop à l’instar des hommes, elles cherchent à se frayer un chemin. A signaler que dans le cadre des 30 ans du hip hop Galsen, elles ont tenu la 6ème édition de Urban Women Week, premier festival de Hip Hop féminin dans Dakar et dans sa banlieue.
Mariame DJIGO