REGARDS CROISÉS D’ARTISTES
Restitution des rencontres internationales d’art de Saint- Louis
La Galerie nationale d’art de Dakar, dans une exposition collective, redonne le titre de capitale à la ville de Saint-Louis. Cela, à travers la restitution des rencontres internationales d’art de 2009, 2011 et 2015 de l’ancienne métropole sénégalaise. 30 artistes dont des invités, Caroline Guèye et le défunt Kara, présentent du 4 au 15 mars prochains l’étendue de leur savoir-faire avec pas moins de 64 œuvres à voir absolument. De la mode en passant par les beaux clichés de l’ancienne capitale aux œuvres abstraites, «Regards croisés» (Ndlr, le nom de l’exposition) montre une farandole de couleurs et de styles pour les passionnés de peinture et de photographie.
Il y avait certes pour cette exposition intitulée Regards croisés de grands artistes : Chalys Lèye, Corentin et Camara Guèye... Mais c’est bien la belle Caroline Guèye qui a été la vedette du jour lors de la cérémonie de vernissage vendredi dernier à la Galerie nationale. Avec ses 2 fresques imposantes, le travail de la jeune artiste métisse occupe une place de choix dans l’exposition. Un choix sûrement dicté par la taille de ces tableaux.
En effet, Memories (souvenir en français) et Evolution mesurent respectivement 1,50m sur 1,20m et 3,40m sur 1,75m. Ce besoin d’espace, pour Caroline, est l’expression de son désir de conscientiser sur les valeurs du travail. «C’est souvent le leitmotiv de faire passer le travailleur» pour l’ingénieure en physique atmosphérique et sûreté nucléaire. Cette jeune artiste n’est pas de ceux qui font de l’art leur gagne-pain, même si l’idée de cette exposition, d’après l’organisateur Daouda Dia, est d’«aider les artistes à faire la promotion de leur travail».
Caroline, elle, garde son authenticité jalousement. En atteste la frasque Evolution. Sur un fond orange de 3,40 m sur 1,75m divisé en 2 parties, Evolution conte le progrès accompli par l’homme. Des terres vides que les reliefs renvoient, à gauche du tableau, jusqu’aux multiples figures géométriques symbolisant les networks. Caroline Guèye retrace l’évolution tout en mettant l’accent sur l’effort fourni. Elle y exalte les vertus du travail.
Inspirée par les sujets actuels, la physique et son propre être, elle utilise la couleur orange pour éclairer ces tableaux. Elle donne en exemple Mandela qui a travaillé toute sa vie pour un idéal : Vivre dans un pays où Noirs et Blancs naissent libres et égaux. C’est avec du crayon à papier qu’elle représente d’ailleurs souvent Madiba. Une signature authentique qui cache mal tout le respect qu’elle a pour son personnage. Les détails du visage sont très frappants.
On se croirait devant une vraie photo de l’ancien Président de l’Afrique du Sud. «Il a sacrifié sa vie pour son pays. Il devrait être notre exemple. Je trouve que ça rend humble», affirme Caroline Guèye qui se prosterne presque devant son chef-d’œuvre. L’idée de fédérer les peuples, Caroline en a fait son combat. A travers Memories, son message est d’inviter au dépassement et au pardon. «Certes il y a des stigmates, mais parfois on a tendance à se fixer sur le fait qu’on ait été colonisé alors que je pense qu’il faut aller de l’avant en remettant le passé à sa place», invite-t-elle. Ces tableaux sont logés au fond de la salle pour une meilleure visibilité.
Chalys Lèye est lui aussi l’un des artistes qui exposent dans cette galerie et qu’on ne présente plus. Ses œuvres continuent de «se rapprocher de l’art nègre (l’art premier)». Cette fois-ci inspiré par des signes africains et le xaatim (rite africain pour s’attirer la chance, etc.), les tableaux de Chalys Lèye sont à peu près identiques, mais aucun ne ressemble à l’autre, trait pour trait. Ils sont faits de couleurs sombres qu’il qualifie de «sahélien».
En effet, l’artiste utilise l’enduit de peintre mélangé avec du goudron pour donner ce teint monocoque. De loin, ces œuvres ont l’air d’être réalisées avec une peau d’animale. Ces tableaux ont un côté assez mystique. En somme, entre les figures géométriques de Caroline et les xaatim de Chalys Lèye, les clichés de la ville de Saint-Louis donnent un côté nostalgique à la limite vintage à cette exposition. En noir et blanc ou en couleur, ces clichés font (re)visiter l’ancienne capitale avec ses symboles.