SEULE L'ÉMOTION CRÉE UNE BELLE IMAGE
Adama Thiam, photographe : La réalité photographique peut être déformée, manipulée pour arriver certes, à une perfection, mais loin de l’image de départ. Cela soulève des questions quant à la transparence. Jusqu’où peut-on modifier une photo ?
Étudiant, Adama Thiam rêvait de devenir informaticien. Admis à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (Ucao-Dakar), tout ne se passera pas comme il l’aurait souhaité faute de moyens. Le séjour fut bref. Très vite, il va faire un virage à 180° pour faire une formation accélérée en webmastering et en sortir infographiste. Puis il se lance dans la vie active. Arrivé dans la photographie par effraction, Adama Thiam y est resté confortablement. Il en est devenu un passionné. Il a trouvé sa vocation. Une belle trouvaille. De fait, aujourd’hui il cumule infographie et photographie, et a créé son propre label. Mais son ambition va plus loin. Le jeune artiste veut se lancer dans la production de documentaires, entre autres. Dans cette entrevue exclusive avec AfricaGlobe.net, Adama nous livre une analyse fine des métiers du numérique et de la pratique photographique. Très avisé, il revient aussi sur l’éthique professionnelle dans la photographie. Jusqu’où un photographe peut aller dans son métier pour capter des instants précieux pour l’histoire et la mémoire. ENTRETIEN.
Qui est Adama Thiam pour nos internautes ?
Adama Thiam est un jeune homme de profession photographe. Et je suis le propriétaire de la marque Lamdo. Je vis à Dakar depuis toujours.
Quel est votre parcours avant de vous lancer dans la photographie ?
J’ai été à l’école qu’au supérieur (première année) avant d’arrêter en 2017 après avoir fait une formation en webmaster (création site internet). J’ai d’abord suivi une formation de technicien en micro-informatique à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO). Ensuite, je suis devenu un agent dans une boutique de transfert d’argent et j’ai travaillé dans une usine de production comme journalier. J’ai créé une marque de t-shirt et j’ai commencé à commercialiser mes produits. Je fais de retouche photo, montage vidéo et photo, infographie (création logo, collection t-shirt, tableau publicitaire, affiche …)
Où et dans quel contexte avez-vous commencé la photographie ?
Je suis devenu photographe en avril 2019, j’avais un petit appareil photo et je photographiais souvent mes sœurs ou je postais sur ma page Instagram. Beaucoup ont apprécié et on a commencé à me contacter pour des séances de shooting. C’est comme ça que tout a commencé et on a commencé à me contacter.
Lorsque vous avez décidé de faire de la photographie votre métier quelle a été la réaction de votre famille et proches ?
Jusqu’à présent je n’ai pas pris une décision formelle et officielle en tant que telle de devenir photographe, mais je le suis de fait. Donc la famille commence à voir du sérieux vu que j’investis beaucoup d’argent pour ce métier. Lamdo est ma propre structure. Je suis à mon suis à mon propre compte et je fais dans la communication et le marketing.
Que pensez-vous de l’avènement du numérique dans la photographie ?
Comme nous le savons tous, on est dans un monde typiquement informatique. Le numérique est fondamentale, incontournable, dans la photographie aujourd’dui. Le numérique nous permet aussi de mieux développer nos œuvres.
D’aucuns voient le numérique comme une menace pour la photographie. Qu’est-ce que vous en dites, vous ?
J’ai n’ai pas cet avis du numérique parce que le numérique non seulement englobe l’informatique, mais son périmètre est plus large car il recouvre aussi les télécommunications (téléphone, radio, télévision, ordinateur) et Internet. Au quotidien, on ne peut plus imaginer nos activités sans smartphone ou sans les réseaux sociaux par exemple. Ces nouveaux usages génèrent des masses énormes de données (informations) qu’il faut être capable de traiter. Si le numérique modifie nos activités, il change en même temps notre façon de comprendre et de penser. Notre univers entier est transformé par cet ensemble de technologies. On entend d’ailleurs souvent parler de culture numérique ou encore de révolution numérique. À noter que «Numérique » est spécifique au français, dans la majorité des autres langues, on utilise le mot anglais « digital ».
Quelles émotions peut provoquer une photo très forte sur celui qui la regarde?
La photographie est émotion. Elle nait de l’émotion, elle la fige puis elle la retranscrit. Il faut travailler avec l’émotion pour construire une belle image. J’ai beaucoup travaillé ma technique en enchainant les formations, les livres, les tutos. J’ai travaillé comme une dingue pour mon plaisir personnel, parce que cela me passionnait. J’ai vu peu à peu mes images changer. Elles sont devenues plus précises à force de travail. Je me suis appliqué à les rendre plus nettes, plus douces, plus fine. L’émotion, elle, ne se travaille pas. Elle se vit. Depuis, j’ai fait en sorte de l’allier à la qualité pour chacun de mes petits modèles.
Avec vous eu un mauvais souvenir dans le cadre de votre pratique, du genre une photo prise sans consentement du sujet et que ça a dégénéré?
Le photographe rencontre différentes personnes, il m’est arrivé une seule fois de travailler avec une dame pour la couverture du baptême de sa fille mais ça a mal tourné. Elle ne m’a pas payé le reste parce que j’avais une seule caméra. Au moment où l’iman donnait le nom au nouveau-né j’étais allé filmer le mouton et j’ai raté ce instant. Et comme elle ne l’a pas vu dans la vidéo, elle a été frustrée et ça m’a servi de leçon.
Doit-on demandez l’autorisation à quelqu’un avant de le photographié dans certaines circonstances ?
Normalement, il faut demander l’autorisation avant de photographier quelqu’un. Le droit à l’image est dans certains pays le droit de toute personne physique à disposer de son image, entendue comme l’ensemble des caractéristiques visibles d’un individu permettant son identification. Les lois relatives au droit à l’image sont différentes selon les pays.
C’est quoi l’éthique du photographe ?
La photographie représente des milliards d’images capturant la réalité chaque jour. C’est la raison pour laquelle la prudence et l’éthique doivent être de rigueur. Cette réalité peut être déformée, manipulée pour arriver certes, à une perfection, mais loin de l’image de départ. Cela soulève des questions quant à la transparence; jusqu’où peut-on modifier une photo ? Quelle est la frontière entre vie privée et publique ? Quelles sont les limites à ne pas dépasser ? En d’autres termes, comment être un photographe éthique ?
Y a -t- il des projets qui vous tiennent à cœur ?
Oui. Je voudrais m’investir dans d’autres domaines comme faire le cinéma, des documentaires, par exemple. Je veux marquer mon empreinte sur tout ce qui va avec le monde numérique.
Propos recueillis par Fred ATAYODI - (AfricaGlobe Dakar)