SORANO REND HOMMAGE A UN «SEIGNEUR DES PLANCHES»
Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale du théâtre, la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano a rendu, hier, un vibrant hommage à Abdoulaye Douta Seck, acteur-comédien, ancien pensionnaire de cet établissement
Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale du théâtre, la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano a rendu, hier, un vibrant hommage à Abdoulaye Douta Seck, acteur-comédien, ancien pensionnaire de cet établissement. C’était à travers une exposition et représentation d’extraits de « La Tragédie du Roi Christophe »
Artiste exceptionnel au parcours atypique, Abdoulaye Douta Seck appartient au cercle restreint des immortels. Si l’acteur comédien continue de marquer notre époque, c’est parce qu’il était l’incarnation d’un talent achevé à tout point de vue. Il avait cette chose que les autres n'ont pas et qui fait de l'homme un génie. L’exposition, à l’initiative de la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano, dans le cadre de la Journée internationale du théâtre, rend un vibrant hommage à celui qui aura fait l’unanimité, toute sa vie durant, dans son art. Elle s’inscrit également dans le cadre de la célébration du centenaire de la naissance de ce monument du théâtre et du cinéma sénégalais. Des coupures de la presse locale, particulièrement celles du quotidien national « le Soleil », ainsi que des photographies, permettent au visiteur de découvrir le parcours fascinant, la vie et l’œuvre de cet acteur hors pair. « C’était un artiste multidimensionnel qui a fait les beaux jours du Théâtre national Daniel Sorano », soutient l’écrivain-dramaturge, président de l’Association des écrivains du Sénégal, Alioune Badara Bèye. Né en 1919 à Kayes, dans l’Afrique occidentale française (Aof) de l’époque, mais déclaré à Saint-Louis, Abdoulaye Douta Seck est l’un des plus grands acteurs africains. L’exposition revient sur le parcours de cet artiste issu d’une mère peulh de profession comptable et d’un père pédagogue à qui, dit-on, il doit sa voix de velours aux accents envoutants.
Entre 1938 et 1941, Douta Seck suit ses études à l’Ecole William Ponty de Sébikotane. A sa sortie, il effectue des années de service à Ziguinchor et à Dakar comme instituteur. A la suite de l’obtention d’une bourse d’études en architecture, il part pour les Beaux-arts de Paris. En France, ses talents artistiques atteignent le firmament. Les virus de l’art lyrique vont prendre le dessus sur celui de l’architecture. En 1949, il joue le rôle du sorcier dans la pièce de l’empereur Jones mise en scène par Sylvain D’homme. Douta Seck est réputé avoir été un homme qui « a consacré toute son existence à toutes les rubriques de la préciosité de la vie, de la cuisine à l’enseignement en passant par le théâtre, le cinéma et l’écriture ». Toujours soif de savoir, il suit une formation musicale à l’Ecole normale supérieure de musique de Paris de 1954 à 1956. En France, le comédien va émoustiller la scène parisienne avec des rôles dans « l’Exception et la règle » de Bertholt Brecht, « Les aventures de Gil Blas de Santillane » de Benito Peronini. « Il a contribué à donner une renommée internationale au théâtre et au cinéma sénégalais », souligne Sahite Sarr Samb, directeur du Théâtre national Daniel Sorano. Selon lui, Douta Seck doit servir de viatique à tous les comédiens.
Servir de viatique aux comédiens
Des prix, il en a gagnés plusieurs dans sa carrière. Il décroche le premier Prix « Léopold Bellan », à Paris, en 1955, et le premier Prix « Artiste de ParisWurmer » la même année, la médaille d’or de l’Association de l’étoile du bien et du mérite en 1954… Douta a été aussi un grand acteur de cinéma avec un premier rôle joué dans « Les tripes au soleil », un film antiségrégationniste du Français Claude Aubert. Mais, ce qui a le plus contribué à la notoriété du comédien sénégalais reste son interprétation du rôle du roi Christophe à travers la pièce la « Tragédie du Roi Christophe » d’Aimé Césaire. Que ce soit au Festival mondial des arts nègres de 1966 ou au Théâtre de l’Odéon un an après, Douta Seck a fait en sorte que son nom soit définitivement lié au roi Christophe. Le 5 novembre 1991, le comédien disparaissait à l’âge de 72 ans, à la suite d’un long combat contre un emphysème pulmonaire. Son décès arrachait au monde artistique sénégalais un acteur complet qui a marqué à l’encre indélébile son temps et, au-delà même, la postérité.