UN TRIO D’ARTISTES POUR POSER UN REGARD SINGULIER SUR LA SOCIETE…
Pour la Biennale de l’art africain contemporain, l’Institut culturel italien de Dakar a présenté il y a quelques jours, la première étape de IT Out OFF the Ordinary, Matérialité(s), un nouveau projet pour l’internationalisation de l’art italien
Pour la Biennale de l’art africain contemporain qui bat son plein à Dakar, l’Institut culturel italien de Dakar a présenté il y a quelques jours, la première étape de IT Out OFF the Ordinary, Matérialité(s), un nouveau projet pour l’internationalisation de l’art italien. L’exposition présente les œuvres produites par les artistes Leïla Bencharnia, Irène Coppola et Amy Celestina Ndione, au cours d’une résidence collective de recherche sur les pratiques artisanales au Sénégal et une collaboration avec des artistes féminines locales. Les visiteurs ont jusqu’au 21 juin pour voir les œuvres.
Leurs trois installations visuelles et/ou sonores se rejoignent. Leïla Bencharnia, l’artiste de la diaspora africaine, plonge les visiteurs dans un espace sonore imprégné d’un sentiment de déplacement perpétuel et d’un espace d’écoute multidimensionnel. Fille d’un musicien traditionnel marocain, son rapport avec le son, dit-elle, commence dans les vallées autour de Marrakech où elle a passé son enfance. Son travail sonore est constitué de matériaux analogiques tels que des bandes, des vinyles et des synthétiseurs. Elle reconnaît des formes d’écoute radicale comme une modalité de transmission des connaissances.
La pratique de Bencharnia ¬cherche à jouer un rôle actif dans la décolonisation de l’écoute comme moyen d’avoir un impact visible sur les questions sociales et politiques. L’installation et performance, terre rouge sur une plateforme en bois, chutes d’artisanat, chaussures gravées, robe, -calebasse, eau de l’artiste italienne, Irène Coppola réfléchit à la marche comme pratique de la mémoire de l’écriture du temps. Irène Coppola étudie l’espace liminal entre la nature et la culture, récupérant des souvenirs négligés par l’Histoire dominante qui sont traduits en dispositifs de relation. Ainsi, son installation met en scène un rituel qui nécessite la présence du corps pour être exécuté. De ce fait, l’artiste invite la performeuse sénégalaise, Clarisse Lea Sagna, à activer de ses pas la terre qui intègre son installation. Et Amy Celestina Ndione, s’inspire elle, d’une ¬histoire racontée par un vieux tisserand du village de Diobene.
A travers son installation, par le collage, la couture, les fils de pêche, l’entremêlement de ¬tissus sur des panneaux de grillage, elle raconte une histoire de l’origine du tissage à travers la métaphore d’un puits. «Je suis partie du tissage sachant que dans la plupart de ces pratiques endogènes, la matière change mais l’esprit reste le même. Le Tisserand tisse du coton, le cordonnier le cuir, le joaillier le métal, avec le filigrane. J’ai donc choisi à mon tour ma ¬propre matière, le grillage, que je présente sous forme d’installation», raconte la diplômée de l’Ecole national des arts de Dakar qui, avec ses trois panneaux successifs, invite les visiteurs à plonger dans le cercle fermé des pratiques ancestrales.
L’exposition intitulée «Matérialité(s)» est un projet qui a débuté en avril 2022 par une résidence collective féminine à Dakar, et est conçu par la Direction générale pour la créativité contemporaine du ministère italien de la Culture, en collaboration avec la Direction générale pour la diplomatie publique et ¬culturelle du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale, nous explique Fatou Kiné Diouf, la -commissaire d’expo.
S’appuyant sur un exercice de recherche sur les pratiques artisanales au Sénégal et une collaboration avec des coopératives féminines locales, «la résidence questionne les rapports physiques, politiques et économiques à la matière, et par extension à la nature, qui s’expriment dans le processus de création. Les matériaux ainsi que les techniques artisanales de production inspirent le travail des artistes, dans le but de créer une possible carte des connexions culturelles entre l’Afrique et l’Italie», explique Fatou Kiné Diouf.
Les différents sensibilités et domaines d’expression de ces trois artistes ont habité les espaces de l’Institut impliquant les ¬visiteurs dans un parcours inédit avec des va-et-vient incessants. Ce qui donne une ambiance chaleureuse pour une symbiose des cœurs. Les profanes ¬s’émerveillent devant les œuvres affichant leur ignorance au langage des arts visuels et/ou sonores. Certains se tournent vers les artistes qui pour l’encourager, qui pour poser des questions pour mieux ¬comprendre les installations.
L’exposition, aussi rare que spectaculaire et originale dans sa démarche, a été enrichie d’une vidéo produite et dirigée par Tiziana Manfredi, artiste visuelle et réalisatrice italienne basée à Dakar. Le vernissage a connu la présence de plusieurs invités de marque dont l’ambassadeur d’Italie à Dakar, Giovanni Umberto De Vito, et de la directrice de l’Institut, Serena Cinquegrana, de Pascal Montoisy, Délégué général de Wallonie-Bruxelles, Irène Mingasson, l’ambassadrice de l’Union européenne au Sénégal. Selon la commissaire, Fatou Kiné Diouf, le fait de ¬n’avoir que des femmes à cette exposition est aussi une ¬manière d’ajouter quelques voix de plus aux critiques légitimes adressées à la sous-représentation des femmes dans le In et le Off de la Biennale.