AU COEUR DE LA CAPITALE DU NIÉBÉ
A Louga, la culture du niébé est de plus en plus prisée par les agricultures. La spéculation arrivée vite à maturation, est rentable. Cette culture est devenue depuis quelques années une option privilégiée de plusieurs agriculteurs du département
A Louga, la culture du niébé est de plus en plus prisée par les agricultures. La spéculation arrivée vite à maturation, est rentable. Cette culture est devenue depuis quelques années une option privilégiée de plusieurs agriculteurs du département. Cela s’explique par les aléas pluviométriques, le cycle court des variétés. De plus, les rendements sont au rendez-vous.
Autant de raisons qui expliquent le penchant de Babacar Camara Guèye exploitant agricole à Léona (30 kilomètres à l’Ouest de Louga) pour le niébé. «J’ai choisi d’exploiter exclusivement le niébé parce que les variétés de semence certifiée arrivent à maturation en quarante jours alors que pour l’arachide, il nous faut au moins deux mois et demi. Ces dernières années, les cycles pluviométriques ont été tellement courts que nos cultures d’arachide n’ont pas répondu à nos attentes. C’est pour cette raison que j’ai opté pour la culture exclusive du niébé qui est plus rentable et plus rapide», dit-il. L’opérateur semencier Cheikh Diop, grand producteur à Coki, embouche la même trompette. Selon lui, la culture du niébé offre aux paysans un gain rapide en termes de temps de production et de ressources financières. «Avec les variétés de semences certifiées (Yacine et Melakh) que nous distribuons, il est possible de commencer la récolte et la commercialisation dans un intervalle de quarante-cinq jours. C’est ce qui explique que beaucoup de paysans privilégient le niébé», explique-t-il. M. Diop est dans ce créneau depuis 1992 et s’y est fait un nom. Chaque année, il réalise des productions qui varient entre 6 000 et 7 000 tonnes de niébé dont une bonne partie est destinée au marché sous-régional.
«Le niébé est une culture de rente et Louga en est la zone de prédilection au Sénégal. Je commercialise les produits dans la sous-région, mais mon objectif ne s’arrête pas là. Le Président de la République a appelé les opérateurs à aider le monde rural ; donc je m’inscris dans cette logique en donnant des semences gratuitement aux agriculteurs, en rachetant leurs productions et en participant à la reconstitution du capital semencier», informe-t-il.
Pour l’hivernage 2020, le Directeur du Service départemental du Développement rural de Louga, Doudou Diop, explique que 70 000 hectares ont été emblavés sur l’ensemble du périmètre départemental pour deux types de semence. «Nous avons distribué 885 tonnes de semences certifiées qui sont des variétés à cycle court et 770 tonnes de semences ordinaires cédées respectivement aux paysans à 200 et 175 FCfa le kilogramme», dit-il. Sans compter les 146 tonnes de semences supplémentaires offertes par le Programme d’appui aux filières agricoles (Pafa) à 4 644 personnes impactées par la Covid-19 dans le département de Louga.
Toutefois, les rendements attendus de 400 kilogrammes à l’hectare pour les semences certifiées n’ont pu être atteints, selon Doudou Diop du fait de plusieurs facteurs. «La photopériodisme, qui est l’alternance entre la nuit et le jour, de cette saison n’a pas permis d’avoir suffisamment de lumière pour avoir un métabolisme physiologique nécessaire au développement rapide du niébé», dit-il. Poursuivant son propos, M. Diop révèle que «beaucoup de champs de niébé ont subi des attaques de chenilles que nous avons certes éradiquées, mais qui ont impacté sur les premiers semis, obligeant beaucoup d’agriculteurs dans les zones de Sakal et de Mbédiène à reprendre les semis. Tous ces facteurs expliquent des baisses de rendement pour l’hivernage 2020 même si de façon globale, les récoltes de niébé sont bonnes sur l’ensemble du périmètre départemental de Louga», renseigne Doudou Diop.
«La vente libre» profite aux acteurs de la filière
Les récoltes de niébé terminées depuis plusieurs semaines, l’heure est à la commercialisation. Contrairement à l’arachide dont la commercialisation est assujettie à une réglementation et une fixation du prix au producteur par l’Etat, la situation est toute autre pour le niébé.
La vente du produit qui a démarré à Louga est libre et aucun prix au kilogramme n’est fixé préalablement. Tout se passe entre producteurs et opérateurs privés selon des procédés spécifiques. Et les marchés hebdomadaires constituent les lieux d’échanges commerciaux et de vente. Au marché de Gouye Mbeutt, village situé à 30 kilomètres à l’Est de Louga, qui est classé troisième marché hebdomadaire du Sénégal en termes de trafic et de transactions commerciales, après Diaobé et Dara Djolof, presque tout tourne autour de la commercialisation du niébé.
Ici, les opérateurs privés et semenciers, nantis d’un pouvoir d’achat garanti s’offrent les services d’intermédiaires (rabatteurs) qu’ils préfinancent selon le montant demandé par ces derniers. Premiers à se pointer au marché, les rabatteurs achètent les produits des détaillants, les stockent pour les revendre à l’opérateur qui les avait préfinancés.
«Je travaille pour le compte d’un opérateur qui m’a remis 500 000 francs Cfa pour acheter du niébé que je vais lui revendre. Je gagne beaucoup dans cette opération puisque mon partenaire me fait une remise de 10 % sur les quantités achetées pour son compte», explique Mbaye Dia, rabatteur rencontré au marché hebdomadaire.
Représentant un opérateur privé stockeur, Mbaye Sène, trouvé dans son magasin de stockage au marché de Gouye Mbeutt explique qu’il est chargé de récupérer les produits collectés par les intermédiaires qui ont été financés par son patron. Selon lui, il parvient à collecter jusqu’à 40 tonnes de niébé par jour dans les marchés hebdomadaires. Et M. Sène de révéler qu’il n’y a pas de prix fixe. «Le prix varie selon l’offre et selon les périodes. Tantôt c’est à 220 FCfa, tantôt c’est plus», confie-t-il.
Pour Cheikh Diop, opérateur semencier et grand exploitant de niébé, cette forme de «vente libre» adoptée dans la commercialisation du niébé est bénéfique pour toutes les parties. «C’est une manière d’aider les paysans en leur achetant leurs productions au prix de 275 FCfa le kilogramme après les récoltes», dit-t-il. Les différents acteurs (cultivateurs, rabatteurs et opérateurs) rencontrés dans les champs et aux marchés avouent que la «vente libre» appliquée à la commercialisation du niébé est une bonne formule pour aider à l’écoulement rapide de la production avec des gains appréciables.