VIDEOMULTIPLE PHOTOSAU MOINS 1% SEULEMENT ?
INVESTISSEMENT CHINOIS EN AFRIQUE
Plus de 40 chefs d’Etat africains parleront de commerce et d’investissement avec le président chinois Xi Jinping à Johannesburg, vendredi et samedi. Mais la Chine n’investit-elle que 1% en Afrique, par rapport au reste du monde, comme l’a récemment dit un officiel de l’ONU ?
Le président chinois est arrivé en Afrique cette semaine, avec beaucoup d’argent, dans les bagages. Il a signé des accords de l’ordre de 6,5 milliards de dollars US avec le président sud-africain Jacob Zuma. Même si on n’a pas précisé comment on en est arrivé à ce chiffre, cela démontre au moins la volonté de la Chine de rester un acteur majeur sur le continent.
Malgré ces relations commerciales importantes avec beaucoup de pays africains, les investissements directs étrangers (IDE) sortants de la Chine sur le continent sont au bas du classement, par rapport à ce qu’elle fait ailleurs dans le monde.
S’élèvent-ils toutefois à 1% ou bien même moins que cela ? Le secrétaire exécutif de la Commission économique des nations unies pour l’Afrique (CEA), Carlos Lopes, a récemment surpris les délégués au Forum des leaders des médias d’Afrique à Johannesburg quand il a déclaré que « la part de l’Afrique dans les investissements directs étrangers de la Chine est de moins de 1%. Tout l’investissement chinois en Afrique est de moins de 1% de ce qu’elle investit dans le monde ».
L’investissement chinois en Afrique est-il aussi minime que cela? Comment calcule-t-on l’investissement étranger de la Chine?
Lopes a été largement cité, mais la demande d’Africa Check auprès de la CEA de l’ONU pour savoir comment il a obtenu ce chiffre n’a pas connu de suite, même si le bureau de presse de la CEA a dit avoir introduit une requête auprès du département de données. (NDLR : Nous actualiserons notre article dès que nous aurons une réponse).
Le problème est que personne ne semble sûr à 100% que les chiffres officiels de la Chine reflètent le montant de l’investissement hors des frontières de ce pays. Par exemple, la Banque africaine de développement (BAD) soulignait dans un document en 2011 que les investissements chinois passent souvent par des canaux offshore à Hong-Kong, aux Iles Caïmans, entre autres, rendant difficile la traque du flux des transactions.
La même analyse est faite par le Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement (CACID), un think-tank basé à Dakar, qui attire l’attention sur le fait que les chiffres des IDE sous-estiment l’activité et les opérations des entreprises chinoises à l’étranger. Le CACID signale à cet égard que les activités de financement de la dette et des prêts, par exemple, n’apparaissent pas dans les chiffres publiés sur les IDE chinois. En outre, explique-t-il, « les investissements dans les sociétés multinationales sont considérés comme des investissements dans les pays où elles ont leur siège et pas nécessairement dans les pays où ces sociétés opèrent, en particulier dans le cas des opérations minières ».
« Un facteur supplémentaire qui fausse le panorama des investissements chinois à l’étranger est le fait que les sociétés chinoises effectuent des projets de construction. Dans de tels cas, les fonds sont directement transférés aux entreprises impliquées et peuvent ne pas être enregistrés comme provenant de Chine. Si ceci est pris en compte, on note que la valeur des activités des sociétés chinoises à l’étranger, mesurée par les flux d’IDE, est susceptible d’être largement sous-estimée », avertit le CACID.
Le directeur de la China Africa Research Initiative au John Hopkins School of Advanced International Studies à Washington D.C. a souligné que « c’est l’un des domaines où on ne dispose pas de très bonnes informations ».
Et le professeur Deborah Brautigam d’ajouter: « [Ces chiffres] peuvent [simplement] vous permettre de comparer année par année et voir l’ampleur de certains changements ».
Que disent les plus récents chiffres officiels ?
En prenant en compte toutes les limites des chiffres officiels chinois, en 2012, les IDE de la Chine s’élevaient à 532 milliards de dollars américains dans le monde. Sur cette somme, les 21,73 milliards de dollars destinés à l’Afrique, soit 4,1%. Vers la fin de l’année 2013, ce montant a atteint 26,2 milliards de dollars, soit 4%.
Plus de la moitié de cette somme était destinée aux pays suivants: Afrique du Sud (22%), Zambie et Nigeria (9% chacun), Algérie, Angola et Soudan (6% chacun). Le ministère chinois du commerce rapporte que plus de 2.000 sociétés chinoises ses sont installées en Afrique et emploient plus 80.000 personnes dans ces pays.
Malgré cela, la Chine demeure le septième plus grand investisseur sur le contient, derrière des pays comme les Etats-Unis et même l’Afrique du Sud, selon le rapport 2015 sur l’investissement dans le monde.
(Vous pouvez vous poser la question, mais la plupart de l’investissement direct étranger de la Chine se fait à … Hong-Kong)
Estimation de moins de 5% pour 2014
Pour le moment, les chiffres les plus récents dont on dispose sur les IDE sortants de la Chine vers l’Afrique sont des estimations. L’entreprise de recherche britannique BMI évalue le chiffre pour 2014 à 32,4 milliards de dollars américains, représentant moins de 5% du total mondial de la Chine. Le ministère chinois du Commerce et l’ambassade de Chine au Sénégal citent le même chiffre, sans en préciser la source.
Le vice-ministre chinois du Commerce Qian Keming a toutefois laissé entendre que le chiffre pour 2015 pourrait baisser, à cause du ralentissement de l’économie mondiale cette année. Les observateurs de la relation Chine-Afrique soutiennent que l’IDE de la Chine vers l’Afrique pourrait être, en ce moment, aussi bas avec 2% de ce son total mondial. Mais ceci n’est pas officiel et ne découle pas non plus d’une recherche.
Conclusion: Les données disponibles ne soutiennent pas le chiffre concernant un investissement chinois de 1% ou moins
Il est peu probable que la Chine calcule avec précision son investissement direct étranger dans d’autres pays, parce que beaucoup de transactions passent par des destinations intermédiaires. Un expert a également dit à Africa Check que les chiffres officiels pourraient exclure les magasins nombreux chinois implantés dans plusieurs villes africaines, par exemple.
Les données officielles ne soutiennent pas non plus l’affirmation du secrétaire exécutif de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique signalant que l’investissement chinois sur le continent est de 1%, ou moins que cela, par rapport à ce que ce pays investit dans le monde.