Interdiction des sachets plastiques au Sénégal : où en est l’application ?
Une loi relative à l’importation et à la production des sachets plastiques est entrée en vigueur au Sénégal en janvier 2016. Son application est-elle effective ? Nous avons vérifié.
L’Assemblée nationale du Sénégal a adopté à l’unanimité, le 21 avril 2015, le projet de loi relatif à l’interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation des sachets plastiques de faible micronnage.
Cette loi promulguée le 4 mai 2015 est entrée en vigueur en janvier 2016. Malgré tout, le Sénégal est toujours en proie au fléau des déchets plastiques.
D’ailleurs, le 10 août 2017, le ministère de l’Environnement et du Développement durable a procédé à l’installation du Comité de suivi de l’application de la loi. Il est composé de représentants des ministères de l’Environnement et du Commerce, de la Douane, des industriels, des importateurs ainsi que les revendeurs.
Africa Check a fait l’état des lieux, plus d’un an après la promulgation de cette loi.
Que dit cette loi ?
Dans l’exposé des motifs, le législateur explique que la loi propose «la normalisation et la standardisation de la production et de l’importation des sachets plastiques, pour ne permettre la mise sur le marché que des sachets de qualité supérieure, résistants et réutilisables ».
La loi dispose que « sont interdites, sur toute l’étendue du territoire national, la production, l’importation, l’utilisation, la détention en vue de la mise en vente et la vente ou la distribution à titre gratuit de sachets plastiques d’une épaisseur inférieure à 30 microns ».
Elle ajoute que « les sachets plastiques d’une épaisseur supérieure ou égale à 30 microns, quel que soit l’usage auquel ils sont destinés, ne peuvent être distribués ou proposés gratuitement ».
La loi ne vise pas tous les sachets plastiques. Selon le conseiller juridique du ministère de l’Environnement et du Développement durable, Boniface Cacheu, interrogé pour l’émission «Arrêt sur Info», avec notre partenaire WADR, les produits visés sont « les sachets très légers, et qui pour l’essentiel, sont importés ».
La loi prévoit, par ailleurs, des amendes et des peines d’emprisonnement pour les infractions ou fabrication de sachets plastiques visés par la loi.
Des amendes sont prévues pour la détention, l’utilisation ou la mise en vente des sachets prohibés.
Quel bilan faire de l’application de cette loi ?
Le conseiller juridique du ministère de l’Environnement et du Développement durable, Boniface Cacheu, reconnait que « le bilan est très mitigé, voire mauvais ». Il souligne notamment le fait que les textes d’application de la loi n’avaient pas encore été élaborés jusque-là.
Pour le directeur exécutif de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal(UNACOIS), Ousmane Sy Ndiaye, l’une des raisons des difficultés dans l’application repose sur le fait que cette loi est incomplète, même s’il estime que la loi en elle-même est nécessaire.
L’ancien ministre de l’Environnement, Ali Haidar, pointe, quant à lui, « un laxisme des autorités ». Il pense qu’il faut « une volonté très forte du gouvernement mais aussi une implication de tous les acteurs et des populations».
Les importations ont-elles baissé ?
Les données obtenues auprès de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie(ANSD) ne montrent pas une baisse des importations des sachets plastiques, même si elles ne donnent pas de détails sur la nature des sachets plastiques importés.
Il reste que les importations de sachets plastiques en 2016 ont connu une hausse par rapport à celle de l’année 2015. Elles sont ainsi passées de 1645 tonnes en 2015 à 2280 tonnes l’année suivante.
Ce qui représente 1,4 milliard francs pour l’année 2015 et 1,7 milliard pour l’année suivante. Pour les six premiers mois de 2017 (de janvier à juin) déjà, 1.170 tonnes ont été importées. Cela a nécessité une enveloppe de plus 827 millions de francs.
Pourtant la loi devait permettre de réguler l’importation des sachets plastiques, puisqu’en principe toute importation de ce produit est soumise à une autorisation préalable du ministère de l’Environnement. Une note de la direction générale des douanes émise en février 2016 désignait un seul point d’entrée pour les sachets plastiques au Port Autonome de Dakar.
Seulement, Boniface Cacheu explique que la principale difficulté face aux importations est qu’aussi bien la douane que le ministère de l’Environnement « n’avaient les instruments adéquats pour effectuer le contrôle de la nature des sachets plastiques qui étaient importés».
« Il est presqu’impossible de contrôler l’épaisseur des sachets à l’œil nu, il faut le faire à l’aide d’une machine qui s’appelle micromètre», précise-t-il.
Ousmane Sy Ndiaye affirme n’avoir jamais eu connaissance d’un importateur de sachets plastiques dont la cargaison a été bloquée par la douane, pour non-conformité du produit. Du moins aucun membre de l’UNACOIS ne s’en est plaint, selon lui.
Conclusion : la loi sur l’interdiction des sachets plastiques n’est pas appliquée
L’Assemblée nationale du Sénégal adoptait une loi portant interdiction de l’importation, de la commercialisation et de l’utilisation des sachets plastiques de faible épaisseur, en avril 2015. Une loi entrée en vigueur en janvier 2016. Plus d’un an après, elle a du mal à être appliquée.
D’ailleurs, à en croire le conseiller juridique du ministère de l’Environnement et du Développement durable, Boniface Cacheu, les textes d’application de la loi n’avaient pas encore été élaborés.
C’est seulement le 10 août 2017 que le Comité de suivi de l’application de cette loi a été mis en place. Boniface Cacheu informe également que les textes d’application viennent d’être élaborés et qu’ils sont dans le circuit pour signature.