L'AFRIQUE INVESTIT L'ESPACE
La conquête spatiale est aujourd’hui une nécessité stratégique pour se développer et le continent africain n’entend pas se laisser distancer
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Mise en orbite réussie pour Mohammed VI-A, le premier satellite d’observation marocain, lancé le 8 novembre. Propulsé à une altitude comprise entre 600 et 700 km depuis la base de Kourou, en Guyane française, à bord d’une fusée italienne, l’engin de 1 tonne est le fruit d’une opération chapeautée par le français Arianespace.
Le Maroc prévoit d’envoyer un deuxième satellite dans le courant de l’année 2018. Club fermé Une semaine avant le lancement, l’annonce était reprise en boucle sur tous les sites d’information du royaume.
En rejoignant l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria et l’Algérie, Rabat vient d’entrer dans le club très fermé des pays africains possédant leur propre satellite d’observation. Coût estimé : environ un demi-milliard d’euros, lancement compris.
Si une des raisons officielles invoquées pour justifier une telle dépense est la possibilité d’observer la Terre pour, notamment, mener des projets agricoles, gérer les ressources naturelles, prévenir les catastrophes climatiques, ou pour des applications militaires réduites à la surveillance de « ses » frontières, ces appareils (de type Pléiades) suscitent généralement l’inquiétude des voisins, car leurs facultés offrent de facto la possibilité d’espionner.
Au lendemain de l’annonce marocaine, l’Espagne s’est d’ailleurs interrogée quant à l’utilisation que pourrait en faire le royaume, craignant que ce dernier ne l’observe. « Madrid doit être d’autant plus fâché qu’il a deux projets en cours, mais ceux-ci ont pris énormément de retard », indique Rachel Villain, consultante chez Euroconsult.
Des frontières relatives
Un ancien ministre marocain concède que le secret reste entier autour de ce programme satellitaire. De fait, la notion de frontière est très relative. Une fois mis en orbite, ces appareils sont capables de capturer environ 1 000 images par jour avec une précision de moins de 1 m.
Et rien n’empêche son utilisateur de traiter les données recueillies bien au-delà de ses frontières. Déjà que l’application Google Earth, accessible à tous et grâce à laquelle il serait possible de lire une plaque d’immatriculation si elle n’était pas floutée, donne des sueurs froides aux dirigeants, qui s’imaginent être épiés jusque dans leur jardin…
Des États pionniers
Le Nigeria est aussi un pionnier avec la création, dès 1999, soit plus de dix ans avant l’Afrique du Sud, de la National Space Research and Development Agency (NASRDA). Opérationnelle depuis le 1er août 2001, elle a mis en orbite son premier satellite deux ans plus tard : NigeriaSat-1, construit en collaboration avec l’entreprise britannique Surrey Satellite Technology Limited (SSTL, filiale d’Airbus), pour un coût de 30 millions de dollars. Objectifs affichés : prévenir les catastrophes naturelles et surveiller la désertification dans le nord du pays.
En 2006, le gouvernement nigérian met en place un programme spatial avec le projet, in fine, d’envoyer un homme dans l’espace – 2016 était la date butoir – et sur la Lune d’ici à 2030, avec l’aide de la Russie et de la Chine. Mais, pour l’instant, la technologie satellitaire reste l’activité principale de la NASRDA, qui a, depuis, lancé trois autres appareils, dont celui d’observation NigeriaSat-X, exclusivement fabriqué par des ingénieurs locaux. Abuja a pour autre ambition de lancer un satellite par ses propres moyens en 2018. Le pays bénéficie en effet d’un emplacement géographique – près de l’équateur – propice à la construction d’une base spatiale de lancement.