LES DEUX HOMMES D'AFFAIRES, LA VILLA ET LA MAYONNAISE
Derrière ce procès, une grave menace sur la santé publique
Les joutes oratoires ont été hier matin très intenses entre l’Agent judiciaire de l’Etat (Aje) et les sept avocats qui défendaient quatre prévenus dont l’homme d’affaires El Hadji Malick Mbaye. Une affaire portant sur trois conteneurs de mayonnaise impropre à la consommation est à l’origine de leur arrestation
Qualifiée d’escroquerie et de complicité, l’affaire a été instruite par la brigade économique et financière de la Division des investigations criminelles (Dic) suite à une plainte de Me Khassimou Touré sur ordre du
plaignant Ndongo Lô, commerçant domicilié aux Parcelles Assainies. Le plaignant reproche à Malick Mbaye de lui avoir livré de la marchandise périmée. Dans sa plainte, il raconte qu’il a connu Malick Mbaye lors de la dernière Foire Internationale de Dakar (Fidak). Il était intéressé par des couches pour bébé de marque Chico au prix de 6.750 Fcfa la balle. Mais puisqu’il ne disposait pas de liquidité pour la transaction, il lui a alors proposé sa maison sise à Nord-Foire à 55 000 000. Ce qui lui permettrait, après commercialisation de la marchandise, de relancer son commerce qui battait de l’aile.
A son tour, El Hadji Malick Mbaye propose à son client son fonds de commerce composé de toilettes et d’aliments. Ndongo Lô, qui juge alléchante la proposition, accepte sans hésiter. Il écoule très rapidement les couches. Au bout de quelques temps, El hadji Malick Mbaye l’appelle pour l’informer qu’il venait de recevoir un conteneur de vingt pieds contenant des pots de mayonnaise de marque Meylor et Mayonna venant de la Belgique.
Pour mieux le ferre, il lui fait miroiter beaucoup de profits dans la commercialisation de ce produit qu’il lui a cédé à 8.500 Fcfa le carton et qu’il allait insérer dans le fonds de commerce. Après la livraison du premier conteneur, il lui a promis deux cargaisons qu’il attendait. Les cartons de mayonnaise livrés sont ventilés dans Dakar et à l’intérieur du pays. La transaction prend une autre tournure lorsque Ndongo Lô est poursuivi par le tribunal pour la revente de la même maison à un autre client qui s’est rendu compte de la supercherie. Comme il avait floué l’autre acheteur qui l’a trainé en justice, il se retourne contre Malick Mbaye pour des transactions que celui lui a refusées.
Dans sa plainte, il accuse Elhadji Malick Mbaye de lui avoir vendu une mayonnaise impropre à la consommation d’autant que la date de péremption est largement dépassée. Il cite Mamadou Lamine Diallo dit «Marquage Diallo», El hadji Sall et El hadji Seydou Badji, comme les complices de El Hadji Malick Mbaye qui s’enfermaient dans le garage de son domicile pour effacer la date de péremption avec une machine spéciale avant de la remplacer avec une nouvelle date. Les faits campés ont permis à la cour, à l’Agent judiciaire de l’Etat et à la défense de se livrer à des plaidoiries sans merci. L’agent judiciaire de l’Etat s’est appesanti sur l’attestation que le concessionnaire belge a délivrée à El hadji Malick Mbaye pour lui permettre de vendre la marchandise avariée. «L’attestation est un constat pour le présent et pas pour l’avenir», dira le représentant de l’Etat qui parle d’un délit d’empoisonnement car le prévenu savait bel et bien que le produit n’était plus apte à la consommation et malgré tout, il l’a commandé.
Il a aussi tiré à boulets rouges sur les services de l’Etat qui ont validé l’arrivée, la sortie et la mise en circulation des cartons de mayonnaise interdite à la consommation. Après sa plaidoirie, il a demandé la somme d’un milliard de Fcfa en guise de dommages et intérêts. Pour le substitut du procureur, Bernard Coly, le seul coupable dans cette affaire est Malick Mbaye à l’endroit de qui il a requis deux ans de prison dont six mois fermes.
Les nombreux avocats de la défense, Mes Baba Diop, Bamba Cissé, Ibrahima Ndiaye, Ousseynou Gaye, Assane Dioma Ndiaye, Youssouf Camara et Domingo Dieng, ont usé de toutes les ficelles du droit pour sortir leurs clients des griffes de Dame justice. Ils ont battu en brèche toutes les accusations reprochées à leurs clients tels que l’association de malfaiteurs, le faux et usage de faux en écritures privées et la complicité d’escroquerie. Pour eux, El Hadji Malick Mbaye a fait une commande de produits pour près de 30 millions de francs qu’il a échangés avec Ndongo Lô contre une villa que celui-ci a vendue à une autre personne, ce qui a été à l’origine de son incarcération.
Mécontent à cause d’une autre transaction refusée par El Hadji Malick Mbaye, il nourrissait à son égard une haine viscérale et avait juré de le nuire. Les avocats de la défense se sont offusqués de l’absence du plaignant qui, selon eux, n’a pas osé se présenter à la barre pour ne pas essuyer une défaite cuisante. Aussi, ont?ils demandé à la cour de débouter l’Agent judicaire de l’Etat, de ne pas suivre le réquisitoire du parquet et de relaxer purement et simplement El hadji Malick Mbaye et ses codétenus. Délibéré pour le 21 janvier 2016.