«DE 2012 A 2019, NOUS AVONS REPERTORIÉ RIEN QU’AU NIVEAU DE NOTRE MINISTERE 432.760 CONTRATS DE TRAVAIL DANS LE PRIVÉ»
Le ministre Samba Sy prévient que le ministère du travail ne prend pas en charge la totalité de la problématique de la gestion de la création d’emplois au sein de l’Etat
« Ce 22 avril, nous aurons une nouvelle espérance pour la jeunesse sénégalaise »
D’emblée, le ministre Samba Sy prévient que le ministère du travail ne prend pas en charge la totalité de la problématique de la gestion de la création d’emplois au sein de l’Etat. Cette question est éclatée avec d’autres ministères. Le ministre du travail, du Dialogue social et du Relations avec les Institutions ne prend en charge que les emplois formels du privé. Mais néanmoins, face à l’extrême jeunesse de la population, il reconnaît que le Gouvernement n’a pas réussi à donner suffisamment d’emplois aux Sénégal. Samba Sy est solidaire de l’action gouvernementale sur la question et pense que la rencontre présidentielle de ce 22 avril au CICAD à Diamnadio augure une nouvelle espérance pour les jeunes. C’est pourquoi, le ministre secrétaire général du Parti de l’Indépendance et du travail (PIt) pense qu’il n’y a pas lieu de développer un pessimisme sur les réponses apportées par l’Etat sur la question de la création d’emplois pour les jeunes notamment les 450 milliards de francs que le Président va injecter sur trois ans. Il estime aussi que cette dynamique doit être l’affaire de tout le monde.
Le témoin – Monsieur le ministre, la problématique de l’emploi des jeunes constitue une véritable préoccupation. Beaucoup de nos compatriotes estiment que l’Etat n’a pas fait assez sur cette question. En tant que ministre du travail, quelle est la part de responsabilité de votre ministère sur la question ?
Samba SY - Toutes les activités gouvernementales, d’une certaine manière, concourent à la résolution des problèmes globaux des Sénégalais. Or, parmi ces problèmes globaux, il y a cette question importante de l’emploi. Importante du point de vue global — je parle à l’échelle de l’humain —, importante d’un point de vue local puisque la structure de la population est telle que l’écrasante majorité des Sénégalais est constituée de jeunes. 75 % de nos compatriotes n’ont pas 35 ans. La moitié n’a pas encore atteint 20 ans. Une telle situation cause des problèmes énormes en matière d’éducation, de formation mais surtout d’insertion, d’emplois. Cela dit, ce problème-là est pris en charge par le gouvernement en tant qu’équipe, en tant que collectif. Vous avez des gens qui sont recrutés au niveau de la Fonction publique. C’est le ministre de la Fonction publique et du Renouveau du service public qui est en mesure de donner des chiffres sur ceux-là. Vous avez des personnes qui ont des emplois, mais qui ne sont pas dans le champ du formel. Vous avez tous ceux qui sont au niveau de l’agriculture. Les chiffres que nous donnons à longueur d’année par rapport aux résultats des spéculations agricoles indiquent qu’il y a quand même du travail. Il y a le secteur maritime qui est un secteur important notamment le segment de la pêche. Maintenant, les emplois au niveau du ministère du Travail dont nous sommes «responsables » parce que nous les comptabilisons, ce sont des emplois du secteur formel dûment répertoriés, mais dans la sphère privée. Pour ce qui est des chiffres de l’emploi, nous éditons régulièrement ce que nous appelons le travail en chiffres. J’ai un numéro en mains qui date de juin 2020 qui fait le point en indiquant les contrats qui ont été répertoriés en 2019. Nous avons également des chiffres de 2012, 2013… Pour 2019, par exemple, s’agissant du nombre des contrats répertoriés, on était à 65.404. En 2018, il y avait 66.043 contrats et 56.328 l’année précédente, c’est à dire 2017. En 2016, nous avons enregistré 55.427 contrats. En 2015, il y a eu 53.929 contrats et 53.820 en 2014. Enfin, en 2013, nous avons répertorié 44.695 contrats et 37.114 contrats en 2012. Je n’ai pas compté les recrutements au niveau de la Fonction publique. Ce sont des milliers des Sénégalais qui sont recrutés dans la Fonction publique. Je ne comptabilise pas non plus les emplois créés dans le secteur maritime, de même que ceux qui l’ont été dans l’agriculture. Estce que cela signifie que les problèmes des Sénégalais sont réglés avec toutes ces créations d’emplois ? Que nous recrutons suffisamment ? Que nous donnons suffisamment d’emplois à nos compatriotes ? La réponse est très certainement non. Nous avons beaucoup de Sénégalais qui sont à la recherche d’emploi. Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaitre. Puisque chaque année sur le marché de l’emploi, c’est plus de 300 mille jeunes qui frappent à la porte. C’est une question, à la limite, qui n’est pas simple et qu’il faut prendre à plusieurs biais. Le biais de l’école, de la formation, le biais donc de la correspondance entre les profils, les lieux de formation et la demande du marché de l’emploi. D’ailleurs, cette question nous concerne tous Sénégalais y compris ceux qui sont déjà dans le champ du travail. Parce que le monde évolue très rapidement. Il y a des métiers d’avenir, il y a des métiers en sursis. Je ne vais pas jouer aux oiseaux de mauvais augure, mais le fait est qu’on s’oriente de plus en plus vers des voitures électriques. Qu’est-ce que ça vaut dire ? Quels sont les changements que cela annonce et qu’il faut opérer ? L’une des leçons de la pandémie, c’est que, de plus en plus, nous devons travailler sous un monde d’un bureau à domicile, le télétravail. Cela induit des changements. L’irruption de plus en plus de l’informatique dans nos vies quotidiennes va forcément se traduire par des changements fondamentaux dans l’organisation du travail. C’est dans la vie normale des choses mais ça signifie aussi que des métiers vont naitre et que, fatalement, d’autres métiers vont disparaitre. Il faut s’adapter, on n’aura pas le choix puisque nous sommes dans la scène du monde. Si vous ne jouez pas dans les mêmes règles que les autres, vous n’en ferez pas partie. Mais nous agissons, nous sommes conscients évidement de l’ampleur des défis. Nous ne sommes pas tétanisés. La dernière chose que je voudrais ajouter c’est que, pour que ce problème de l’emploi des jeunes soit à mon sens traité de manière rationnelle et efficace, il faut que chacun d’entre nous se dise qu’il a un rôle à jouer. Par conséquent, il ne faudrait pas qu’on en fasse l’affaire de quelques-uns seulement.
Un conseil présidentiel sur l’emploi se tient ce jeudi 22 avril. De fortes mesures sont attendues. Mais dans certains milieux, le pessimisme prévaut et les gens soutiennent que cela va être un forum de plus. Ont-ils raison de le penser ?
Non, ils n’ont aucunement raison d’avoir une telle posture. Il faut féliciter le président de la République qui a beaucoup fait depuis 2012 sur la question de l’emploi des jeunes. Je reconnais que c’est encore loin de suffire face à la demande. Le 22 avril, nous aurons une plage de convergence avec les jeunes qui sont principalement concernés. Mais les offreurs d’opportunités que sont déjà les patrons, ceux qui emploient, mais également des partenaires à l’international, le gouvernement bien entendu, les élus locaux, bref le Sénégal dans sa diversité, on va se retrouver pour discuter d’une chose qui nous concerne tous. L’esprit à installer, comme je le disais tantôt, c’est celui qui consiste à faire comprendre que c’est une affaire collective. Et que, dans cette histoire, on gagne ensemble. On n’a pas le choix, il faut gagner. Pour gagner aujourd’hui il faut que chacun accepte de prendre sa part de charge. Je pense que ce ton-là est en train d’être donné. Il sera de plus en plus compris et approprié par nos compatriotes. Ce 22 avril, nous allons entrer dans une nouvelle espérance pour la jeunesse sénégalaise.
Mais ces pessimistes estiment que les 450 milliards seront de l’argent jeté par les fenêtres et que l’Etat n’a pas pour vocation de créer des emplois. C’est le rôle d’un secteur privé fort qui doit être accompagné. Que vous inspirent ces postures ?
Un sentiment personnel, l’Etat n’a pas vocation à créer des emplois. On le dit souvent, mais il faut qu’on s’entende. L’Etat est un organisateur collectif. S’il crée les conditions dans lesquelles l’emploi peut prospérer, s’il fait de sorte que le minimum, le basique est mis en place pour que la création d’emploi sur cette base-là devienne facile, je pense qu’il contribue quelque part à la création d’emplois. En d’autres termes, il y a des domaines régaliens où l’Etat est obligé de jouer le jeu. L’école, la sécurité et les secteurs comme la santé… je ne pense pas que l’Etat puisse se défausser. On ne peut pas dire plein champ au privé etc. Parce que si on le faisait, évidemment, il y aurait la crise et celle que nous traversons doit nous instruire. L’Etat doit jouer sa partition en créant les conditions d’une éclosion d’emplois et des emplois décents. S’agissant des 450 milliards sur trois ans, il n’y a pas de raison d’être pessimiste. Le rendez-vous que le président a fixé c’est qu’au mois de mai des emplois seront donnés à un ensemble de jeunes de notre pays. Ce dans des métiers comme ceux de l’enseignement ou qui ne demandent pas une compétence particulière comme ceux de du nettoiement, de l’embellissement, du pavage en faisant de sorte que nos villes soient propres, soient vertes. Que personne ne pense que ce sont de faux emplois. Nous voulons donner des opportunités à nos jeunes en leur donnant les moyens de gagner leur vie. Ce serait déjà une première implication. L’accompagnement du privé sera renforcé mais avec la demande qui consiste à demander à nos partenaires de donner de l’emploi à nos jeunes. Je pense que le secteur privé va jouer le jeu. Nous sommes dans une perspective bien heureuse qui fait que, dans les années à venir, le visage de notre pays va fondamentalement changer. Des opportunités nouvelles verront le jour. Je n’ai pas parlé de notre volonté de construire 100.000 logements. Un programme qui va fouetter le secteur de l’emploi. Les changements quantitatifs arrivés à un certain niveau vont provoquer une mutation qualitative. Ce que j’essaie de dire c’est qu’il y aura un effet induit, il suffit de donner le ton, d’avancer, et, à un certain moment, la mécanique va se lancer, il n’y a pas de raison d’être pessimiste. Le premier défi remporté sur nousmêmes, c’est le défi qui consiste à baisser les bras sans avoir engagé le combat en pensant qu’on va le perdre. Je voudrais inviter mes compatriotes à ne pas penser de cette manière et leur dire qu’il n’y a pas de raison qu’on ne réussisse pas si ensemble nous faisons converger et nos intelligences et nos énergies.
Au niveau du ministère du travail, vous avez réussi à établir le link avec le secteur privé. Quelles sont les stratégies mises en place pour accompagner le secteur privé afin qu’il puisse jouer un rôle important dans cette problématique de l’emploi des jeunes ?
Notre ministère s’appelle ministère du Travail, du Dialogue social et des Relations avec les institutions. En fait nous sommes un ministère de facilitation. Nous sommes des gardiens du temple pour évidemment veiller sur l’application de la législation du travail, le respect des textes qui nous régissent nous tous parce que si nous sommes dans un pays et qu’on ne se donne pas des règles à savoir ce qu’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire, on ne s’en sortirait pas. Nous sommes chargés de cela. Nous sommes également le ministère du Dialogue social en jouant le rôle de passerelle entre les différentes parties pour trouver ce qui est adéquat afin d’aller ensemble et relever les défis. Le dialogue social est performant dans notre pays, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés, mais nous parvenons autour d’une table à trouver des solutions aux difficultés et, au bilan, nous ne sommes pas insatisfaits des résultats acquis.