IL FAUT LE PATRIOTISME DE TOUS LES ACTEURS AUTOUR DU CHEMIN DE FER
ABDOU NDENE SALL SECRETAIRE D’ETAT AU RESEAU FERROVIAIRE NATIONAL

Une nouvelle page vient d’être tournée dans la gestion de l’activité ferroviaire entre le Sénégal et le Mali, avec le retrait de la concession des mains de l’actionnaire majoritaire Abbas Jaber. L’affaire, qui était hier sur toutes les lèvres à Transrail, est diversement appréciée par les cheminots. Mais pour Abdou Ndéné Sall Secrétaire d’Etat au réseau Ferroviaire National, « il faut le patriotisme et la prise de conscience de tous les acteurs, autour du chemin de fer »
La décision est prise à Bamako, Abbas Jaber n’est plus l’actionnaire majoritaire de Transrail, avec le retrait de la concession prononcé par les deux Etats. Hier à Transrail, les commentaires sont allés bon train, avec des appréciations diverses. Mais de l’avis de Abdou Ndéné Sall Secrétaire d’Etat au Réseau ferroviaire national, « il faut le patriotisme et la prise de conscience responsable de tous les acteurs, autour du chemin de fer ». Selon lui, il faut maintenant une adhésion populaire pour accompagner l’initiative du Chef de l’Etat et éviter qu’il y ait des problèmes sociaux, qui peuvent être préjudiciables à la bonne mise en oeuvre de la nouvelle dynamique. Parlant de la nouvelle situation qui s’est créée, il déclare « nos deux Etats, conscients des difficultés structurelles de la concession depuis 2003, de l’incapacité de Transrail à retrouver l’équilibre financier et de leur devoir de développer l’outil d’intégration qu’est le chemin de fer, ont décidé de mettre en oeuvre la réforme institutionnelle, à l’issue du communiqué de Bamako du 16 Décembre 2014, cosigné avec l’actionnaire. Les diligences qui devaient être effectuées par les organes de gestion de Transrail n’ont malheureusement pas avancé faute d’une volonté claire du concessionnaire majoritaire ». Il ajoute « le plan d’actions, dans le cadre de la gestion de la période transitoire prend en compte, la sécurisation des actifs, la gouvernance de la société, le renforcement de capacités, le dialogue social inclusif. Il s’y ajoute l’appui budgétaire pour l’entretien et la maintenance du matériel, la sécurisation des infrastructures et la garantie des salaires, la finalisation des Etudes pour les travaux d’infrastructures, etc. »
«LA RENTABILITE DU CORRIDOR DAKAR-BAMAKO POURRA SUPPORTER LES CHARGES D’EXPLOITATION ET LE REMBOURSEMENT DE LA DETTE DE 700 MILLIARDS DE FCFA»
A l’en croire toutes les dispositions sont prises pour assurer la continuité de l’activité, garantir l’emploi et les salaires. De l’avis du Secrétaire d’Etat au Réseau ferroviaire national, pas moins de 5 dossiers de manifestation d’intérêt pour reprendre Transrail sont parvenus aux Etats, dont celui de Dangote. Mais dit-il, les Etats ont pris l’option de réhabiliter d’abord le chemin de fer, avant toute dynamique de relance par un repreneur. Il affirme également « la rentabilité du corridor Dakar- Bamako pourra supporter les charges d’exploitation et le remboursement de la dette de 700 milliards de francs CFA. En effet nous pouvons avoir 200 milliards de Fcfa de chiffre d’affaires sur cette ligne réhabilitée en étant même trop pessimiste. Les rémunérations des concessions sont actuellement de 35% du chiffre d’affaires, soit 70 milliards annuellement. Sans oublier que le corridor va améliorer la compétitivité économique du pays. Nous avons une surproduction par rapport aux pays limitrophes, à cause de notre avantage sur la bonne perception du risque par les investisseurs. Dangote va exporter 500 000 tonnes de ciment en Côte d’Ivoire (contrat en cours) et 1 200 000 tonnes de ciment vers le Mali. Et au-delà de la dimension économique, il y a également le gain politique, avec l’impact positif qu’aura à coup sûr la reconstruction de la ligne, sur la réélection de Macky Sall ». Selon lui « la question du chemin de fer, qui est au coeur des préoccupations de son Excellence le président Macky SALL, dépasse de loin l’affaire Transrail. Il y a 3.000 km à construire et les dossiers du Train Express régional et la reconstruction de l’axe Dakar- Bamako, qui avancent d’un pas sûr et régulier en attestent. Les autres lignes structurantes (phosphate de Sémmé et Miferso) et de maillage du territoire suscitent un intérêt remarqué des différents partenaires ».
D’après lui, il faut donc dépasser l’idée de reconduction ou non de tel ou tel concessionnaire, nul n’est irremplaçable, la seule certitude c’est que le Chemin de fer ne se fera pas sans les cheminots ».
MADIODIO DIAGNE PRESIDENT DE L’UNION DES TRAVAILLEURS DE TRANSRAIL «C’EST UNE DECISION POLITIQUE ET NOUS SOMMES EN TRAIN DE DISCUTER AVEC NOS COLLEGUES MALIENS POUR VOIR CE QUE DEMAIN SERA FAIT»
Les deux syndicats, que sont la Fédération des travailleurs de Transrail (FETRAIL) et le Syndicat autonome des travailleurs de Transrail (SATRAIL) se sont battus pour le maintien de l’actionnaire majoritaire, ne serait-ce que pour quatre années supplémentaires. Mamadou Madiodio Diagne président de l’Union des travailleurs de Transrail, Secrétaire Général de SATRAIL affirme, « le constat est que tout a été fait sans les cheminots. D’ailleurs c’est à cause de ce manque de concertation et de solution alternative, que nous avions proposé de concert avec nos partenaires Maliens, une solution de sortie de crise avec un moindre mal. Ceci pour assurer la continuité du service et préserver l’outil de production. C’est ainsi que nous avions fait une déclaration commune pour demander qu’un délai de quatre ans soit accordé au concessionnaire actuel pour sauver l’entreprise. En tout cas, après avoir posé cet acte, les deux Etats portent l’entière responsabilité du maintien effectif de l’activité ferroviaire et de la préservation des emplois. C’est une décision politique et nous sommes en train de discuter avec nos collègues Maliens pour voir ce que demain sera fait. Si on nous avait écoutés, on aurait trouvé une solution meilleure, qui éviterait de sortir de l’argent des trésors publics des deux Etats. Nous n’éprouvons en tout cas aucun sentiment de regret car nous n’avons jamais varié sur notre mission qui est de défendre l’entreprise et les travailleurs »
MAMBAYE TOUNKARA SECRETAIRE GENERAL DE SUTRAIL «REPARER RAPIDEMENT LES INJUSTICES ET IMPLIQUER LES PARTENAIRES SOCIAUX DANS LA GESTION»
Secrétaire Général du syndicat majoritaire, en l’occurrence le Syndicat unique des travailleurs de Transrail (SUTRAIL), Mambaye Tounkara a porté le combat du départ de l’actionnaire majoritaire. C’est pourquoi, il s’est félicité de la décision, avant de demander à ce que toutes les injustices faites par la désormais ancienne direction soient réparées et que les partenaires sociaux soient impliqués dans la gestion de la phase transitoire et de la mise en place du schéma institutionnel. Mambaye Tounkara déclare « la lutte pour le départ d’Abbas Jaber a fait des saignées dans les rangs du SUTRAIL qui a porté ce combat, avec des mutations, des affectations arbitraires, des licenciements. Sur la reprise des 271 contrats à durée déterminée (CDD) par exemple, 90 agents ont été laissés en rade, parce que tout simplement ils ont porté le combat de la reprise. Nous attendons également des deux Etats, qu’ils veillent au grain. En effet, à la suite de la décision de retrait de la concession, la direction commence à distiller des informations faisant état d’une crainte de ne pouvoir pas payer les salaires à la fin du mois. D’ailleurs, nous sommes le 10 décembre et les salaires du mois de novembre ne sont pas encore payés. Cela ressemble à des velléités de sabotage, mais il n’est pas question de croiser les bras devant une telle situation, car c’est inacceptable de travailler, de faire des recettes et de ne pas percevoir son salaire. A ce niveau en tout cas, les Etats doivent prendre leurs responsabilités. Vu le niveau de dégradation du matériel roulant, avec l’existence de 6 machines seulement, il faut aussi aller rapidement vers l’achat au moins de 4 blocs moteurs neufs et des pièces de rechange pour l’entretien des autres machines ».