KAYAR CRACHE SUR LA LICENCE D’EXPLORATION MINIÈRE OCTROYÉE À UNE SOCIÉTÉ PRIVÉE
Une menace réelle pèse sur la production horticole dans la région
Une licence d’exploration minière, octroyée à une société privée par l’Etat du Sénégal, pour rechercher du zircon, a mis les populations de Kayar dans tous leurs états. C’est ainsi qu’elles ont observé un sit-in sur le site, pour cracher sur la licence, considérée comme une menace contre la production horticole.
Une licence d’exploration minière portant sur la recherche du zircon est accordée à une société privée par l’Etat du Sénégal, selon les populations de Kayar qui ont observé hier un sit-in sur le site. Au départ, le permis d’exploration portait sur une superficie de 36,9 km2 mais au finish, il est annoncé que le projet concerne 10 km2, ce qui à leurs yeux ne change en rien les dégâts économiques en vue. Et sur les 10 km2, la plus grande partie se trouve dans la commune de Kayar et le reste au niveau de Diender. Selon Modou Fall Président de l’Association des Producteurs Maraîchers de la commune de Kayar (APMK), la zone ciblée constitue la mamelle nourricière de la localité, car étant une zone par excellence d’agriculture, presque la seule activité économique qui nourrit les populations, la pêche étant presque mise out par la raréfaction des ressources.
Selon lui, les populations n’ont jamais pensé que l’Etat du Sénégal puisse poser cet acte, au lieu d’aller vers le renforcement des acquis, dans un contexte marqué surtout par la mévente des produits horticoles sur le marché. Pour toutes ces raisons, dit-il, la société privée en question est déjà déclarée persona non grata dans la commune. Vu l’importance de l’agriculture dans la localité renchérit Mbaye Ndoye Secrétaire Général de l’Association, la mise en œuvre d’un tel projet conduirait à un désastre économique sans précédent. C’est pourquoi, dit-il, toutes les populations se sont levées comme un seul homme pour dire non. C’est parce qu’à ses yeux, c’est difficilement compréhensible que Kayar, avec tout son poids démographique et son rôle dans l’économie nationale, à travers une contribution importante par le biais de l’exploitation horticole, puisse être visé par un projet aussi dévastateur.
Et au moment où l’emploi des jeunes reste une problématique majeure dans le pays et partout ailleurs, il n’y a aucun chômeur à Kayar, tous les bras valides sont enrôlés par les activités maraîchères et la pêche. C’est donc superflu pour lui que les autorités puissent prendre des décisions allant dans le sens de remettre en cause tous ces acquis. Il ajoute : «C’est pourquoi nous appelons l’Etat à reculer, car nous n’accepterons jamais que ce projet s’implante dans notre commune.»
Pourtant il indique que la même situation s’était produite en 2011, avec une forte spéculation foncière, mais Me Abdoulaye Wade alors président de la République avait pris des initiatives allant dans le sens de protéger les terres cultivables de Kayar, contre toutes les tentatives de spéculation. L’Etat étant une continuité, le Président Macky Sall est également attendu sur ce terrain d’autant plus qu’il avait publiquement déclaré à Kayar qu’il fallait absolument protéger les terres de la zone des Niayes. Cheikh Dione dit Elimane, Conseiller municipal à Kayar, Président de la commission environnement, assainissement et cadre de vie, renseigne que la zone des Niayes assure plus de 60% de la production horticole du pays, alors que les 30% viennent de Kayar.
Et si une société privée prend ces champs d’exploitation, les conséquences seront désastreuses. Cette année, il révèle que la zone de Kayar a produit plus de 40 000 tonnes de pommes de terre, alors que la consommation mensuelle du pays est estimée entre 6 000 et 10 000 tonnes. Ce qui veut dire que Kayar peut couvrir les besoins du pays durant 4 voire 5 mois et il suffit de faire un petit calcul, pour se rendre compte des conséquences, si cette société réussit à soustraire les terres visées. «Dans ce cas, il est clair que les jeunes n’auront plus d’autres pistes que de verser dans le banditisme et de continuer à emprunter les pirogues de la mort vers l’émigration clandestine. C’est pourquoitoute la communauté locale s’oppose totalement à ce projet», peste-til.
NAUROUL NDIAYE PRODUCTEUR MARAICHER : «J’AI TOURNE LE DOS A LA PECHE, POUR M’INVESTIR DANS LA PRODUCTION HORTICOLE, MAI….»
Pêcheur reconverti agriculteur, Nauroul Ndiaye a dressé une image sombre de la situation. Il est en effet frappé de plein fouet par la raréfaction des produits halieutiques. Au-delà de cette raréfaction, il souligne que le projet d’exploitation pétrolière et gazière a porté un sacré coup à la pêche car il y a des zones d’environ 30 km2, qui sont bien délimitées en mer et où les piroguiers n’ont pas le droit de pénétrer, encore moins pêcher. Ce qui constitue une véritable menace et il fallait trouver une autre alternative, pour joindre les deux bouts. Il poursuit : «C’est ainsi que j’ai tourné le dos à ma pirogue et à tout mon arsenal de pêche, pour retourner à la terre, à travers l’exploitation maraîchère. Mais la déception est en train de s’installer au moment où l’espoir commençait à naître. L’Etat n’a trouvé rien de mieux à faire qu’à octroyer un permis d’exploration minière dans les terres que nous exploitons. Cette démarche sonne comme une volonté de la puissance publique de sacrifier toute une communauté, pour les beaux yeux d’une simple minorité. Mais nous allons refuser jusqu’au bout. D’ailleurs, c’est une situation pour le moins surréaliste car ceux qui ont octroyé cette licence savent pertinemment que la production horticole de Kayar est d’une importance capitale dans le pays.»