LA BANQUE AGRICOLE COUPE LES VIVRES AUX ACTEURS DE LA FILIÈRE ANACARDE
La filière anacarde, principal levier économique de la zone sud, vit des moments troubles. Les acteurs peinent à trouver des financements auprès de leur principale banque partenaire qui invoque des risques liés au Covid-19.
La filière anacarde, principal levier économique de la zone sud, vit des moments troubles. Les acteurs peinent à trouver des financements auprès de leur principale banque partenaire qui invoque des risques liés au Covid-19.
L’argent est le nerf de la campagne de l’anacarde ! Les acteurs de la filière, notamment les collecteurs et autres fournisseurs, en veulent à la Banque Agricole qui tarde à financer leur campagne alors que la saison est ouverte depuis le mois de mars dernier. L’institution financière leur oppose des risques liés au Covid-19. A en croire l’opérateur économique Bakary Mané, il a déposé une demande de financement depuis février sans rien recevoir en retour. «J’avais fait une demande d’expertise foncière que j’ai remis à la banque. J’ai ainsi mis ma maison d’une valeur de 100 millions en hypothèque pour pouvoir bénéficier de ce financement et entamer ma campagne. J’attendais un financement de 60 millions de francs CFA. Et vu qu’il n’y avait aucun souci dans mon dossier, la Banque Agricole avait promis de me financer au mois de mars ; mais elle traîne toujours », confie-t-il. Pourtant, fait-il constater, l’année dernière, cette même banque l’avait financé à hauteur de 30 millions de F CFA qu’il dit avoir remboursé plus les intérêts en moins de trois mois.
Dépité, Bakary Mané, très actif dans la filière depuis 1995, dit avoir des inquiétudes d’autant que sa campagne aurait dû commencer le 15 mars dernier, si la banque avait tenu ses promesses. «Les banques ne nous aident vraiment pas. Quand je déposais ma demande de financement au mois de février, il n’y avait aucun cas de coronavirus au Sénégal. La banque a fait traîner mon dossier pour venir aujourd’hui dire qu’il y a des risques avec le Covid-19. Ce discours ne tient pas la route », se désole-t-il. Avant de confier qu’il a saisi une autre banque, la BNDE qui lui a demandé d’attendre. Monsieur Mané de marteler par ailleurs que les paysans sont aussi inquiets que les collecteurs et autres fournisseurs. «Tout le monde est dans l’expectative. Qui parle de la région sud notamment Ziguinchor sait pertinemment que l’économe repose sur les noix de cajou. Si la campagne ne se passe pas comme il faut, toute l’économie de la région sera plombée. C’est sûr et certain», déclare-t-il. Il conclut pour informer qu’une dizaine de compagnies indiennes sont déjà sur place et n’attendent que le produit tant prisé à Ziguinchor à l’heure actuelle : la noix de cajou.
SIAKA DIALLO : «SI LES GENS N’ACHETENT PAS LE CAJOU EN CASAMANCE; C’EST LA REBELLION QUI VA SE LEVER ENCORE»
Joint au téléphone, le président des opérateurs de la filière anacarde de la région de Ziguinchor, Siaka Diallo, confirme les propos de Bakary Mané. Mieux, il dit avoir discuté, hier, avec le Directeur général de la Banque Agricole qui lui a signifié qu’ils ne veulent toujours pas prendre de risque. «Nous ne pouvons pas faire demande de dépôt depuis trois mois et que la banque nous parle de la situation engendrée par le coronavirus. L’économie ne doit pas s’arrêter », tonne Siaka Diallo.
Courroucé, il affirme qu’en Casamance, si les gens n’achètent pas le cajou, c’est la rébellion qui va se lever encore. Parce que, dit-il, c’est l’un des piliers qui consolide la paix dans la région. «Si les gens n’ont pas de quoi vivre, cela va devenir grave. Ces deux sacs de riz et le bidon d’huile fourni par l’Etat, dans le cadre du Programme d’aide alimentaire du gouvernement, ne peuvent pas maintenir les Casamançais. D’autant que c’est plus de 350 mille familles qui vivent de la filière. La filière anacarde, c’est le poumon de l’économie en Casamance. Ils (Ndlr : La Banque Agricole) ne peuvent pas être là à continuer de tergiverser alors que le temps passe», martèle le président des opérateurs de la filière anacarde de la région de Ziguinchor. Un ultimatum de 48 heures donné à la Banque Agricole pour décaisser les financements Siaka Diallo informe en outre que les acteurs avaient tenu une réunion avec le gouverneur qui leur avait donné le feu vert pour faire la campagne. «L’économie ne doit pas s’arrêter parce qu’il y a le Covid-19. Il faut juste respecter les normes sanitaires», laisse-t-il entendre. Non sans informer que la DER est en train de voir avec la BNDE et le CMS comment trouver des solutions financières. « Mais c’est la Banque Agricole, notre premier partenaire qui constitue le problème. Elle ne veut pas prendre de risque. Pourtant, nous avons donné nos maisons en garantie et fourni des contrats en bonne et due forme prouvant que nous allons écouler le produit. Mais le Directeur général de la Banque vient nous parler de risque.
Dans un tel contexte, ce sont les banques sénégalaises, la banque agricole en première ligne, qui devraient prendre des risques pour maintenir l’économie », déclare-t-il. Il prévient dans la foulée que dans 48 heures, si la Banque Agricole refuse de les financer, ils vont tous retirer leurs comptes. « Nous allons fermer nos comptes. Je suis déçu que la Banque Agricole ait ce comportement avec nous», regrette-t-il.
Pour finir, Siaka Diallo estime qu’au moment où chacun se positionne pour bénéficier des 1 000 milliards dégagés par le chef de l’Etat pour faire face au Covid-19, les acteurs de la filière anacarde, loin de vouloir en profiter, veulent régénérer l’économie. « Nous ne demandons pas à être servis. Nous voulons juste bénéficier du financement de la banque comme cela s’est toujours fait pour investir et retourner l’argent à la banque en plus des intérêts », conclut-il. Joint à maintes reprises au téléphone pour avoir une idée plus claire sur les risques opposés aux opérateurs de la filière anacarde, le Directeur général de la Banque Agricole n’a pas donné suite à nos appels et à notre message.