LA CSS DE NOUVEAU DANS LE CYCLONE DE LA MÉVENTE DE SON SUCRE
Commerce : 35.000 à 40.000 tonnes de sucre invendues sur une production de 50.000 tonnes
Les syndicalistes lancent un appel à Macky Sall et envisagent une opération ville morte à Dakar.
La Compagnie sucrière sénégalaise (Css) est de nouveau plongée dans le gouffre des stocks invendus. En effet, elle enregistre une mévente estimée entre 35.000 à 40.000 tonnes entre le début de la campagne en novembre jusqu’à ces jours-ci. Ce sur une production de 50.000 tonnes. On comprend donc que la Css n’a presque rien vendu depuis novembre. Cette production déborde le magasin de stockage, elle est délaissée aux portes de l’usine sous la menace des intempéries. D’ailleurs, près de 500 saisonniers sont d’ores et déjà au chômage. Les négociations entre l’intersyndicale des travailleurs et la direction générale et devant porter sur une plateforme revendicative de 25 points, ces négociations dont l’ouverture est prévue ce 21 février, sont menacées. Les syndicalistes lancent un appel au président de la République et envisagent une ville morte et une marche à Dakar avec toutes les centrales syndicales du pays si la situation n’est pas réglée au plus vite.
D’habitude, syndicalistes et patronat ne font jamais chorus. Mais à la CSS, cette situation inédite est en train de se produire. Pour cause, le combat de la survie fédère des entités que rien ne pouvait réunir en temps normal. C’est ainsi que ce samedi, l’intersyndicale composée de Makhary Samb Poker de la CNTS, de Moussa Ba de la CSA et Aliou Ba de l’Unsas est montée au créneau. Il y a urgence critique à Richard-Toll où la CSS, le géant industriel local, est de nouveau plongée dans la sempiternelle problématique de la mévente de son sucre. Le grand coup de gueule du 1er décembre dernier, lors de la grande marche de tout RichardToll pour exiger que soit sauvée sa mamelle nourricière, ce coup de gueule avait eu un effet positif. En effet, les hautes autorités du pays, en commençant par le président de la République, avaient pris l’engagement de venir au secours de l’usine en stoppant la distribution anarchique de Déclarations d’importation de produits alimentaires (DIPA) de sucre par les services du ministre du Commerce, Alioune Sarr. Si ces annonces ont un tant soit peu rassuré les travailleurs, le constat sur le terrain est affligeant. Des tonnages de sucre continuent d’être déversés sur le marché, en dépit de l’annonce de l’arrêt des « Dipa » au 31 décembre. A croire qu’au niveau du Gouvernement et des commerçants véreux, la volonté d’assainir l’importation sauvage du sucre n’était qu’une manœuvre destinée à endormir les dirigeants de la CSS. Pour cause, le poumon économique de Richard-Toll, voire de toute la région de St-Louis, est replongé dans les mêmes difficultés moins de deux mois après la date-butoir fixée par les autorités pour arrêter les « Dipa ». « Nous sommes épuisés de mener à chaque fois le même combat. Nous souffrons actuellement d’une mévente de 35.000 à 40.000 tonnes de sucre depuis le début de la campagne en fin novembre sur une production de 50.000 tonnes. La situation est critique. Tous les magasins sont remplis à ras-bord de sucre. Des montagnes de sucre sont stockées à l’air libre sous la menace des intempéries. Cette situation est d’autant plus critique que la direction générale a bloqué le recrutement de 500 saisonniers qui sont devant l’usine en attente de leur intégration qui se faisait d’habitude sans problème. Mais la direction peine à obtenir de la trésorerie pour les recruter. Des arguments valables que nous soutenons » explique le syndicaliste Aliou Ba de l’Unsas
Menace sur les négociations du 21 février de la plateforme revendicative
On comprend dans ces conditions que la situation actuelle ne soit pas de bon augure pour les syndicalistes qui doivent ouvrir ce 21 février des négociations avec la direction générale de leur entreprise à propos de leur plateforme revendicative en 25 points. « Il sera facile pour la direction générale de brandir des arguments valables pour ne pas satisfaire notre plateforme revendicative. Parce que malgré la grande marche réussie de décembre dernier des travailleurs et de toute la région de StLouis, la situation reste plus que préoccupante. Cette mévente a compromis la réembauche de plus de 500 saisonniers. Mais la plus grande inquiétude, c’est qu’une telle situation peut impacter les effectifs des permanents avec l’arrêt de production qui risque d’en découler. Nous nous posons des questions. Qui a autorisé encore la délivrance de DIPA ? Est-ce qu’à cause de la campagne électorale, que des commerçants filous ont fait massivement rentrer du sucre pour inonder le marché ? » se demande Makhary Samb Poker de la Cnts. Moussa Ba de la Confédération syndicale autonome (CSA) ne comprend guère la tournure des choses. « Nous vivons la même situation qui avait amené à la grande marche de Novembre. On ne comprend pas du tout ce retour à la mévente puisque notre marche avait permis de conscientiser tout le monde. Nous pensons que des commerçants véreux, avec la complicité de l’administration, ont profité de la campagne électorale actuelle pour inonder le marché de sucre importé. Je suis d’autant plus porté à le croire que nos camarades des huileries nous disent subir le même phénomène des importations sauvages qui risque de les envoyer tous en chômage eux aussi… » indique Moussa BA de la CSA.
Appel au chef de l’Etat et opération ville morte à Dakar envisagée
Les syndicalistes de la CSS lancent un appel urgent au chef de l’Etat afin qu’il vole au secours de leur entreprise. « L’engagement du président de la République à nos côtés en décembre dernier nous avait rempli d’espoirs. Nous lui lançons encore un nouvel appel d’autant que, lors de son étape de Richard-Toll au cours de la campagne électorale, il s’était engagé à nous soutenir puisqu’il disait que l’Etat se devait d’apporter protection à la CSS qui est véritablement engagée dans la lutte contre le chômage à Richard-Toll et dans toute la région de St-Louis. Mais il nous semble que cette promesse n’a pas été tenue au vu de la persistance de la contrebande ! La situation est critique, l’avenir du poumon économique de toute la région est en jeu et nos emplois sont menacés » soulignent en chœur Makhary Samb, Moussa Ba et Aliou Ba. Ces patrons de l’intersyndicale des travailleurs de la Css envisagent de dérouler un plan d’actions. « Nous allons organiser à Dakar une grande marche avec toutes les centrales syndicales du pays et une journée ville morte à Richard Toll dès la semaine prochaine. Rien qu’à Richard-Toll, près de 11 centrales syndicales sont bien représentées. Nous allons associer les associations de consommateurs, les agriculteurs et les éleveurs dans notre lutte » informent ces syndicalistes. En pleine période électorale, le président de la République se passerait bien de telles manifestations !