LA PATATE CHAUDE DE WADE
Le Sénégal va-t-il lâché le poste de président du Conseil de l'UEMOA ?

Le mandat de Cheikh Hadjibou Soumaré à la tête du Conseil des ministres de l’Uemoa arrive à son terme le vendredi 8 janvier. On peut s’attendre à ce que des pays comme le Niger souhaitent le renoncement à ce poste du Sénégal, au nom d’une entente passée avec Abdoulaye Wade. Mais ce faisant, Macky respecterait-il les intérêts bien compris de son pays ?
Le vendredi 8 prochain, le Président Macky Sall va assister à Cotonou, au Bénin, au Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).
Ce sommet qui a été reporté à deux reprises au moins va se pencher, entre autres questions, sur le renouvellement des membres du Conseil de l’Union économique et monétaire. Et Macky Sall qui a remporté des victoires indéniables ces derniers temps sur le plan diplomatique va devoir encore déployer toute la force de ladite diplomatie.
Gentlemen-agreement avec Wade
En effet, le Sénégal va certainement devoir se retrouver à défendre le poste de président du Conseil de l’Uemoa détenu par un de ses ressortissants, à savoir l’ancien Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré.
On se rappelle que lorsque ce dernier a été préféré à l’ancien commissaire El Hadj Abdou Sakho pour ce poste qui était également convoité par un ancien ministre des Finances du Niger, le chef de l’Etat sénégalais de l’époque, M. Abdoulaye Wade, avait pris l’engagement devant ses pairs que M. Soumaré n’allait exercer qu’un seul mandat de 5 ans, avant de remettre le poste à concurrence, donc probablement au Niger.
Cependant, beaucoup de choses se sont passées entre-temps, et le contexte n’est plus le même. D’abord au Sénégal, Abdoulaye Wade qui s’était engagé devant ses pairs a cédé la place à Macky Sall.
Et s’il y a continuité des engagements de l’Etat, aucun document écrit n’a figé le gentlemen-agreement entre Wade et le Nigérien Mahamadou Issoufou. Ce qui fait qu’aujourd’hui,
Macky Sall serait bien embarrassé si on devait lui demander de le respecter et d’imposer le retrait de son candidat.
Face à son opinion publique, le chef de l’Etat aurait bien du mal à justifier, alors qu’il chante partout le regain de vitalité de la diplomatie sénégalaise, que le pays perde un poste aussi prestigieux que celui de président du Conseil de l’Uemoa.
Il faut rappeler que le Président Wade avait, à son arrivée à la tête de l’Etat, contraint Moussa Touré, le premier président du Conseil de l’Uemoa, à renoncer à se représenter, en excipant du fait que les postes communautaires étaient tournants. Cela avait permis l’arrivée à ce poste du Malien Soumaïla Cissé.
Une répartition définitive ?
Malheureusement, Wade n’avait pas été payé en retour de son élan pan-communautaire. En effet, alors que Thomas Yayi Boni devait quitter la tête de la Banque ouest-africaine de développement (Boad) à la suite de son élection à la tête de son pays, le Bénin n’a rien trouvé de mieux que de s’accrocher à la direction de l’institution, en y envoyant Abdoulaye Bio-Tchané, alors que le Président Wade convoitait le poste pour notre compatriote, le banquier Amadou Kane.
La même déconvenue avait également été essuyée pour le poste de président du Conseil de la Cedeao qui, après moult péripéties, a fini par revenir au Burkinabè Kadré Désiré Ouédraogo.
Renoncer contre... rien
C’est dire donc aujourd’hui que si le Sénégal venait à renoncer à la présidence du Conseil de l’Uemoa, il se retrouverait Gros Jean comme devant, car personne ne lui ferait de cadeau de reconnaissance. On sait que le poste de gouverneur de la Banque centrale est devenu une chasse gardée ivoirienne, quel que soit le régime politique en place à Abidjan.
Les dirigeants de ce pays avaient même à un certain moment brandi la menace de quitter l’Union monétaire s’il leur était contesté le pouvoir de nommer un de leurs compatriotes à cette position. Les Béninois en ont profité pour s’accaparer la direction générale de la Boad.
Pour quel principe donc le Sénégal devrait-il venir à renoncer à conserver la présidence de l’Uemoa ? Même si Cheikh Hadjibou Soumaré n’est pas le candidat idéal qu’aurait souhaité Macky Sall, il est dans une situation telle que, faute de mieux, il devrait le défendre.
Cela serait d’ailleurs dans la logique qui a présidé au report de ce sommet du vendredi prochain. On sait que c’était pour laisser au Président Roch Marc Christian Kaboré le temps de s’installer et de nommer un compatriote qu’il se serait choisi, et non de gérer quelqu’un qui aurait été mis là par les autorités de transition que les dirigeants de la sous-région avaient tenu à renvoyer cette rencontre. Pourquoi alors ferait-on une fleur à Kaboré et non pas au Sénégal ?
Par ailleurs, pour information, la veille de l’ouverture de ce sommet aura lieu toujours à Cotonou la passation des pouvoirs entre le président du Conseil des ministres sortant de l’Uemoa et M. Amadou Ba qui va occuper ce poste pour les deux prochaines années.