LA RECETTE MIRACLE
Le vice-président de la Banque mondiale pour l'Afrique, Makhtar Diop, livre les facteurs de la réussite économique du continent

Le vice-président de la Banque mondiale pour l'Afrique, le Sénégalais Makhtar Diop, attribue la bonne santé économique du continent à trois facteurs combinés : démocratie, discipline macro-économique et contexte international favorable.
L'économie africaine est globalement en bonne santé. Depuis dix ans, elle enregistre un taux de croissance moyen de 4,5 à 5%. Ces performances, réalisées au moment où la plupart des pays du Nord connaissent un ralentissement qui s'est accentué avec la crise de 2008, suscitent la curiosité. Certains parlent de "coup de chance", d'autres "de miracle africain". Mais pour le vice-président de la Banque mondiale pour l'Afrique, le Sénégalais Makhtar Diop, il s'agit tout simplement d'une "réussite". Due, précise-t-il, aux progrès du continent en matière de démocratie, à des politiques macro-économiques rigoureuses et à regain d'intérêt des investisseurs internationaux.
"La politique a joué un rôle décisif, avec de plus en plus d'élections libres en Afrique, moins de violences, de désordres politiques, une stabilisation des institutions et de l'État de droit. Contrairement à ce qu'on croit souvent, la démocratisation est bonne pour l'économie", a déclaré Makhtar Diop dans un entretien paru hier, lundi 5 octobre, dans le quotidien français Libération.
Au facteur démocratique, l'ancien ministre des Finances ajoute un deuxième élément tout aussi décisif pour l'essor économique de l'Afrique : "des politiques macro-économiques de qualité. Les gens ont réussi à maintenir des déficits budgétaires qui soient soutenables, à réduire l'inflation à un niveau modéré et à faire un certain nombre de choses qui ont donné la confiance".
Enfin, "il y a eu la situation internationale. On a vu que les marchés des pays développés ont connu des ralentissements économiques, ont subi une crise, et ça a jeté sur l'Afrique un jour nouveau", constate Makhtar Diop.
"Aller plus loin et plus haut"
Il ne faut pas s'enflammer pour autant. Car si le vice-président de la Banque mondiale pour l'Afrique admet qu'on peut dire que le continent a décollé, il s'empresse d'ajouter que les économies africaines peuvent "aller plus loin et plus haut".
Et dans cette perspective, le concours de la Banque mondiale s'avère d'un apport considérable de l'avis de son responsable pour l'Afrique. "Dans les années 80 on nous a reproché de venir avec nos gros sabots, de dire aux pays ce qu'ils devaient faire, de façon peu nuancée. Cela a changé, jure-t-il. On en a tiré des leçons. Et une des leçons, c'est qu'il faut que les institutions soient ce que j'appelle "homegrown", d'extraction locale, en quelque sorte. Si les institutions sont défaillantes, la Banque mondiale ou le FMI ne changeront pas le pays. Ce sont les peuples qui doivent le faire."
Une approche participative privilégiée, notamment dans la lutte contre la corruption. "Il y a eu des progrès mais ils sont insuffisants, indique l'ancien ministre de Wade. Nous appliquons des programmes de gestion des finances publiques et de contrôle des flux financiers. Mais nous favorisons le plus possible l'engagement citoyen, qui implique la société civile. Avant cela, on nous reprochait de travailler toujours avec les pouvoirs publics. Au fil des années on a donc développé des partenariats avec les parlementaires, et associations, les ONG. Nous mettons aussi en œuvre des programmes pour l'amélioration du secteur judiciaire. Nous sommes l'institution internationale la plus connue pour la lutte contre la corruption."