POURQUOI TANT DE CRASHS
Échecs successifs des compagnies aériennes sénégalaises
Les compagnies aériennes ont une durée de vie très éphémère au Sénégal. Elles sont comme cette fleur qui se fane dès le lever du jour. On se souvient encore d'Air Sénégal qui a réussi la prouesse de tenir 30 ans avant de rendre l'âme en 2000, avant que la crise ne s'installe. Ainsi, en 2001, Air Sénégal international prend le relais, mais fait long feu. Car après 8 ans d'existence seulement, en 2009, elle se crashe. Vient ensuite Sénégal Airlines qui étale ses ailes sur le tarmac de l'aéroport Senghor. Mais cette compagnie ne volera que le temps d'une rose. Car 6 ans seulement après sa création, elle meurt de sa belle mort, avec cette annonce de sa dissolution par le ministre de l'Economie. Sur ses débris, va naître Air Sénégal, version nouvelle, a prévenu Amadou Ba.
La situation de crise dans le secteur du transport aérien au Sénégal, avec les compagnies nationales qui périclitent suscite, aujourd'hui, bien des questions. Notamment à savoir qu'est-ce qui se passe avec nos compagnies aériennes ? Pourquoi, ont-elles une durée de vie aussi courte ? Est-ce que la nouvelle compagnie qui verra le jour très prochainement sera viable ?
Interpellés à ce sujet, le Commandant Moussa Dieng, directeur des opérations de Sénégal Airlines, et le Commandant Alioune Fall, Administrateur général de Transair, ont tenté de répondre à ces interrogations.
"Le mal de Sénégal Airlines"
"Une compagnie viable demande beaucoup de moyens. Il faut mettre beaucoup d'argent, des gens compétents et aguerris, qui connaissent ce qu'il y a à faire. Pour ce qui est de Sénégal Airlines, elle était sous capitalisée. Au départ, c'était parti avec un capital de 16 milliards, ce qui est ridicule. Sur ces 16 milliards, il n'y avait que 10,5 milliards qui ont été débloqués. Et cette compagnie a fonctionné avec ça depuis 2011. Donc, on a commencé les premiers vols en janvier 2011 et en octobre 2011, elle avait déjà du mal à payer les salaires. Je peux vous dire que ça n'a jamais marché. Le mal de Sénégal Airlines était congénital. Voilà pourquoi ça n'a pas marché et ça ne pouvait pas aller plus loin. C'était un mauvais montage. Pour que ça marche, il faut mettre les hommes qu'il faut à la place qu'il faut", a analysé le Commandant Moussa Dieng, hier, sur la Rfm.
"Le Sénégal a une chance extraordinaire, c'est sa position de Dakar. C'est une position très enviable, c'est un hub naturel. Vous vous rendez compte d'ailleurs que toutes les compagnies du monde cherchent à venir à Dakar. Aujourd'hui, la Royal Air Maroc est à trois vols par jour à Dakar, Corsaire a un vol quotidien, toutes les compagnies du monde viennent à Dakar. Ce qui veut dire qu'il y a beaucoup de passagers. Et malheureusement, il n'y a que le Sénégal qui n'en profite pas. Et cela, c'est triste à savoir", s'est-il désolé.
D'après le directeur des opérations de Sénégal Airlines, "l'idéal s'était d'avoir un partenaire stratégique avec une compagnie majeure et il faut s'ouvrir aux capitaux étrangers. C'est ça qui va stimuler le sort de nos compagnies nationales. On a vu la limite des investissements au Sénégal avec les privés sénégalais. On leur avait demandé un capital de 16 milliards qu'ils n'ont jamais libéré. Les gens ici sont allés à reculons et ce n'est pas avec ça qu'on va faire une compagnie viable. Il faut s'ouvrir au monde".
"Montages à la va-vite"
Pour sa part, l'Administrateur général de Transair, est d'avis qu'"une compagnie se monte sur des bases solides et sur des procédures. Une compagnie aérienne, ce n'est pas des montages à la va-vite et ça nécessite tout simplement une étude appropriée. Il s'agit de routes rentables, d'aéronefs adaptés à ces routes, également de personnes qualifiées, compétentes, d'experts qu'il faudrait mettre juste là où il faut pour faire une compagnie viable. Il faut aussi derrière tout cela, des capitaux pour mettre tout cela en musique".
Pour le Commandant Alioune Fall, "l'expertise recherchée est au Sénégal. Souvenez-vous que Air Afrique avait son centre de maintenance ici au Sénégal, avec des experts sénégalais, des ingénieurs sénégalais. Donc, je ne vois pas pourquoi on doit aller chercher une expertise à l'étranger. Moi-même j'ai créé une compagnie ici et développé ici. Je suis sénégalais".
Le Commandant Fall de soutenir que la solution dépendra tout simplement que ce qu'on veut faire. "Une compagnie nationale n'est pas forcément une compagnie qui a 10 ou 20 appareils. Cela dépend du contexte dans lequel vous évoluez et de la position géographique par rapport à tout le trafic. Et à partir de ce moment, quel est le plan que vous devrez mettre et quelle est la structure de maintenance qui sera derrière. A partir de ce moment, on peut toute suite déterminer le budget qu'il faut mettre pour démarrer. Mais l'expertise est là".