LA SONACOS AVOUE SON ECHEC
Sur un objectif de collecte de 400.000 à 500.000 tonnes, la Sonacos (Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal) se retrouve avec seulement 3.000 mille tonnes d’arachide après trois semaines de campagne !
Sur un objectif de collecte de 400.000 à 500.000 tonnes, la Sonacos (Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal) se retrouve avec seulement 3.000 mille tonnes d’arachide après trois semaines de campagne ! Un échec assumé par l’huilier national qui parle de « campagne catastrophique » et annonce beaucoup de suppressions d’emplois dans ses unités industrielles à travers le pays. Cette situation s’explique par le fait que les producteurs continuent de céder leurs graines aux Chinois, même si ceux-ci ne payent plus que 275 francs le kilo contre 300 francs avant. Réduite à un rôle de spectatrice, la Sonacos dit craindre que le marché national soit inondé d’huiles importées, nuisible à la santé des consommateurs. Maigre consolation !
Ça s’annonce mal pour la Sonacos. Très mal d’ailleurs en ce sens que, dès le lancement officiel de la campagne de commercialisation de l’arachide il y a trois semaines, les producteurs avaient boycotté le prix au kg de la graine, fixé par les autorités à 250 francs, pour se tourner vers les exportateurs étrangers, notamment chinois, qui leur proposaient 300 frs le kilogramme. A C’était mal parti et tout le monde avait prédit l’échec de la Sonacos pour la raison bien simple que le paysan ne va jamais céder ses graines au moins offrant face à plus offrant qui, avantage supplémentaire, paye cash contrairement à la Sonacos. L’échec programmé de la Sonacos se précise après trois semaines de campagne de commercialisation. Une période durant laquelle les quantités collectées sont tout simplement ridicules. Par exemple, « l’unité industrielle du bassin arachidier s’est retrouvée avec seulement 170 tonnes » comme le confie le directeur de l’usine de Kaolack qui rappelle que « 43milliards de francs sont prévus pour l’achat de graines ». Autrement dit, les centres de réception de graine de la Sonacos sont quasi vides.
« Malgré la chute du prix du kg d’arachide de 300 à 275 frs, la Sonacos campe sur sa position… »
A noter que lors du démarrage de la campagne de commercialisation de l’arachide, les producteurs vendaient leurs graines à 300 francs le kilogramme et même à un prix supérieur selon les zones. Ne pouvant se lancer dans cette surenchère, la Sonacos s’en est tenue au prix officiel au grand bonheur des négociants chinois alors seuls sur le marché. Après plusieurs jours de campagne, les prix ont dévissé un peu pour passer de 300 à 275 francs. Malgré tout, la Sonacos, elle, est restée droit dans ses bottes en refusant de bouger d’un iota. En effet, selon le président de l’Association des agriculteurs du Saloum, « malgré la chute du prix du kg d’arachide de 300 à 275 frs, la Sonacos campe sur sa position de n’acheter qu’à 250 frs », a déploré Ibrahima Badiane. Selon lui, l’huilier national « devrait revoir sa copie pour entrer dans la vraie concurrence avec l’étranger sinon, elle va faire faillite puisque, avec ses échecs répétés dans la campagne de commercialisation, la société risque de sombrer ». Une attitude d’autant plus regrettable, selon notre interlocuteur, que les paysans préfèrent vendre à la Sonacos mais celle-ci fait une offre insuffisante. D’après M. Badiane, les autorités devraient protéger le patrimoine national qu’est la Sonacos en trouvant des solutions qui encourageraient les agriculteurs à traiter avec cette société.
Le directeur d’usine de Kaolack contredit les producteurs et annonce une importante perte d’emplois
Face aux allégations des producteurs qui soulignent la faible offre de la Sonacos, Cheikh Fall, directeur de l’usine de Kaolack, précise qu’en réalité, l’unité industrielle qu’il dirige achète le kg d’arachide à 276,5 francs. Et de détailler : « On achète à 250 frs, sans compter les 12 frs destinés au transport et enfin 14,5 francs pour la marge bénéficiaire ». Cela dit, le patron de l’unité industrielle de Kaolack prédit une perte d’emplois que le déficit de graines va provoquer. Il explique que beaucoup d’emplois seront perdus cette saison puisque la société emploie des saisonniers en fonction du volume de travail. Or, du fait de la très faible quantité de graines collectées, explique Cheikh Fall, « on n’a pas pris beaucoup de saisonniers ». Par ailleurs, pour justifier plus ou moins le choix des agriculteurs, le patron de l’usine de Lyndiane estime que « si les Chinois parviennent à amasser autant de graines au détriment des industries locales, c’est du fait de la dérégulation du marché en ce sens que les concurrents étrangers s’approvisionnent dans les champs alors que la Sonacos n’a pas cette autorisation du fait de la législation que viole la concurrence ». Donc, conclut-il, il faut que l’Etat place la Sonacos sur le même pied que les concurrents en mettant en place des garde-fous pour une concurrence saine.
Sonacos : « Le marché ne sera pas bien approvisionné en huiles de qualité et c’est une menace pour la santé publique »
Sa matière première étant l’arachide, la Sonacos explique qu’elle aura du mal à assurer sa production annuelle avec ce déficit en graines. Ses dirigeants insistent sur la mauvaise qualité de l’huile qui sera importée pour approvisionner le marché national car « elle est dangereuse pour la santé mais ce qui est sûr c’est que les importateurs vont en profiter pour inonder le marché de produits nuisibles pour la santé ».
Avec les 335 tonnes seulement réceptionnées au lundi 14 décembre, Ndiaga Wade, le directeur de l’usine de Diourbel, juge « catastrophique » cette saison
D’après le directeur de l’usine de Diourbel, jusqu’à lundi dernier, c’est-à-dire le 14 décembre 2020, la Sonacos n’avait réceptionné que 335 tonnes, soit 19 camions. Selon Bamba Diouf, sept camions étaient en cours de déchargement au moment où il nous livrait ces chiffres, ce qui portait le tonnage à plus de 335 tonnes. En tout état de cause, M. Diouf juge d’ores et déjà catastrophique cette campagne a mi-parcours puisque « normalement, 50 camions devraient décharger par jour. A noter qu’à Ziguinchor, la campagne n’a commencé que théoriquement en ce sens que cette zone réceptionne des graines à cycle long dont la récolte commence fin décembre-début janvier, comme l’explique le directeur de l’usine de la Sonacos de Ziguinchor, Ndiaga Wade. Sans surprise, il indique donc qu’« aucun camion n’a pour l’heure était enregistré chez nous. Par contre, à Kolda il y a des camions qui ont commencé à décharger des graines mais il ne s’agit pas de grandes quantités et je ne dispose pas de chiffres exacts ».
Direction générale de la Sonacos : « Ça va mal avec 3 mille tonnes collectées … L’émigration clandestine est causée par la mort des usines »
D’après la direction générale de la Sonacos, au regard des indicateurs qui font état de 3 mille tonnes au niveau national, ca va mal car la société a un objectif qui varie entre 400.000 et 500.000 tonnes selon les financements disponibles. Et si la saison dernière s’était soldée par un échec, ça va être pire cette année estime-t-on. Selon la direction générale de la Sonacos, si les producteurs locaux n’arrêtent pas de vendre leurs graines aux étrangers, cela risque de menacer « le capital semencier du pays du moment qu’en dehors de la quantité importante écoulée chaque année, les Chinois n’achètent que des graines de qualité supérieure de graine contrairement à la Sonacos qui, selon ses besoins en production, différents les uns des autre, achète toutes les graines quelle que soit leur qualité ». Mezza voce on explique au niveau de l’huilier national que si les jeunes prennent le chemin de l’Europe, c’est parce qu’au Sénégal il y a peu d’usines qui fonctionnent. Histoire d’attirer l’attention sur la nécessité de protéger la Sonacos qui possède cinq unités industrielles employant des milliers de salariés et de saisonniers…