L’AUDIT DE PAPA ALIOUNE BADARA PAYE DE L’ITIE
Gouvernance et impact des ressources extractives au Sénégal
Invité de l’émission objection de Sud Fm, hier, dimanche 14 novembre 2021, Pape Alioune Badara Paye, ingénieure, non moins secrétaire permanent adjoint du comité national de l’ITIE Sénégal, s’est prononcé sur les réformes jugées majeures du secteur extractif, la question liée à l’exploitation, à la gouvernance et l’élaboration des rapports annuels rendus publics dans toute la chaine de valeur dudit secteur.
L ’ITIE est une initiative internationale qui encourage les Etats à instaurer un certain degré de transparence et de redevabilité dans la gestion des industries extractives, notamment les ressources minières, pétrolières et gazières. « C’est une initiative qui est tenue par trois parties prenantes majeures. C’est le gouvernement, les gouvernements des pays, et également il y a la société civile qui a beaucoup lutté pour qu’on instaure cette transparence-là dans les industries extractives, également les industries privées qui sont quelque part le partenaire dans le contrat avec l’Etat », informe Pape Alioune Badara Paye, ingénieur et par ailleurs secrétaire permanent adjoint du comité national de ITIE Sénégal. Il était l’invité de l’émission objection d’hier, dimanche 14 novembre 2021, sur la radio Sud Fm (privée).
Poursuivant son propos, le secrétaire permanent du comité national d’ITIE Sénégal fera savoir en ce qui concerne les missions assignées à l’ITIE que « le comité national, qui a été mis en place en 2013, juste après l’adhésion du Sénégal à l’initiative, a pour mission de veiller à ce que la transparence et la recevabilité soient instaurées dans la gestion des ressources extractives au Sénégal. En améliorant justement l’accès à l’information sur ces ressources, en publiant notamment annuellement les rapports ITIE, également en publiant tout ce qui est élément de la chaine de valeur. Que ce soit les contrats, que ce soit les paiements sociaux volontaires ou obligatoires, les paiements environnementaux mais en instaurant le plus important le débat public ».
Faisant l’inventaire de ces ressources extractives sur l’économie du pays, il indique en effet que « c’est un exercice qu’on fait en un instant T, mais qui peut évoluer juste après. Parce que l’exploration continue, l’exploitation également continue. Si l’exploitation a tendance à baisser les réserves, l’exploration permet quelque part de renflouer ce capital de ressources extractives ». Donc, souligne Alioune Badara Paye, « on a actuellement un certain nombre de bloc qui sont pour le secteur pétrolier. On a une dizaine de blocs qui sont déjà sous contrat en onshore comme en offshore. En onshore, on a l’exploitation de gaz à Ngadiaga. Pour l’offshore, on a la découverte qui a été faite en 2016, pour le gaz en offshore profond au large de la Mauritanie. Mais d’autres découvertes qui ont suivi au large des côtes sénégalaises qu’on appelle Téranga et Yakaar. On a également des découvertes qui sont intervenues plutôt, comme la découverte de pétrole de Sangomar, et qui vont donner lieu à une exploitation courant 2023 ».
Par ailleurs, « pour le secteur minier, nous avons pratiquement de grandes concessionnaires minières, une vingtaine qui sont détenues soit par des sociétés qui sont dans le secteur aurifère qui produisent par exemple près de 13 tonnes d’or par an, Sabodala et PMC (Pétrole mining company)», poursuit-il. Aussi, poursuit-il, « nous avons une production de phosphates avec les ICS, même si le produit final est plus transformé en acide phosphorique et en engrais ou en urée. Et cette production de phosphates, c’est 1 700 000 tonnes environ. Vous avez à côté une production de 500 000 tonnes de phosphates qui est entre SEMIVA et BMCC Baobab, qui est vers Bambey, des fosses qui sont à Lam-Lam. Vous avez à côté de cela la production qui a démarré en 2014, au large des grandes côtes, qui est la production d’ilménite de zircon et de rutile Leucoxène, c’est des sables minéralisés. Pour le zircon, c’est à peu près 80 à 90 tonnes », a fait savoir l’ingénieur Alioune Badara Paye.
A cela s’ajoutent les autres sables minéralisés, l’ilménite et autres, « vous avez plus de 6000 tonnes qui sont produites chaque année depuis 2014. A côté nous avons aussi d’autres prospectes qui sont très intéressants. Vous avez le projet de CFOS, qui va bientôt démarrer, on l’espère pour l’exploitation du phosphate. Mais toujours dans le secteur aurifère vous avez la mine de Boto qui va démarrer avec IAMGOLD à Kédougou. Vous avez Soren Mine qui est aussi une petite mine, qui doit démarrer dans le Khossanto près de Sabodala », ajoute-il. En plus, « Vous avez des découvertes récentes, avec la société australienne qui détient un permis vers Bambadji, donc vers la limite de la frontière sénégalo-malienne. Et là-bas aussi, le permis de Bambadji est en joint-venture entre IAMGOLD et Randgold, qui est maintenant Barrick. Vous avez des découvertes intéressantes. Je pense que le secteur a toujours un certain dynamisme de ce côté-là, parce que l’exploration continue », informera-t-il.
« LES RESERVES NE SONT PAS AUSSI GIGANTESQUES QUE ÇA
Cependant, en réponse à la question sur l’abondance de ressources naturelles au Sénégal, le membre de l’ITIE Sénégal a fait observer que « les réserves ne sont pas aussi gigantesques que ça. Mais on peut dire qu’on a des opportunités. On a un potentiel qui est là et qui continue de s’affirmer pour le secteur aurifère. Pour les cimenteries, n’en parlons pas, nous produisons du ciment jusqu’à en importer dans la sous-région ». Par contre, concernant le poids du zircon sur l’économie, il explique : «le zircon, il est prometteur mais c’est la transformation qui fait défaut.
Le zircon se classe en troisième position après l’industrie cimentière et aurifère. Pourquoi ? Parce que sur le marché international, la tonne de zircon se vend environ 1500 dollars. Donc, c’est assez faible». En revanche ce qui est valorisant, relève M. Paye «c’est de transformer ce zircon là en zirconium et on n’a pas d’installation pour ça. Ça, c’est la stratégie nationale qui doit être adoptée. Ça doit être mis en lien avec l’industrialisation. Donc vous devez avoir un plan industriel et de transformation des ressources pour alimenter cette industrie-là. Parce que même votre téléphone est fait à partir de ces substances minérales-là». Malheureusement, fera regretter le secrétaire permanent adjoint de l’ITIE, « au Sénégal, on n’a pas encore assis une politique d’industrialisation basée sur ces ressources, mis à part peut-être les cimenteries qui produisent juste du calcaire, au clinker, et ensuite du ciment ». Ainsi, il est évident que sans installation d’industries de transformation de ces ressources au niveau national, il sera très difficile de sentir l’impact du poids de ces ressources sur l’économie. «C’est une conséquence par ailleurs, de ce dont on vient de parler, du fait qu’on ne transforme pas assez. On a tendance à peser plus sur la balance commerciale dont le secteur ne compte que 40 %. Il y a 40 % des exportations du Sénégal qui sont les recettes d’exportation qui sont générées par les secteurs extractifs ». Et de soutenir qu’ « en terme de partenaire, on voit de plus en plus la Suisse qui se présente comme le partenaire n°1, du fait que l’or qui est fait à Sabodala et à Mako est exporté vers la Suisse.
Et ce jeu-là continue à peser sur notre économie, parce que quelque part, les dernières prévisions de l’ANSD considèrent que le PIB du Sénégal c’est 3,5 % environ ». Et de poursuivre : « C’est normal parce que vous n’avez pas créé des liens intersectoriels. Si vous n’avez pas transformé jusqu’au bout de la chaine de valeur, et que vous générez beaucoup de richesses au plan national ou bien que même le potentiel soit utilisé ici au niveau national, qu’on crée des puces, qu’on puisse transformer le zircon en zirconium, en verrerie ou raffiner l’or etc. Tout ça fait que vous ne créez pas de richesse pour votre économie », conclut-t-il.