CE QUI A FAIT TOMBER PHILIPPE BOHN
Le Témoin a fouillé le dossier d'Air Sénégal avec le commandant Ahmed Seck, un des plus brillants pilotes de notre pays.
Alors que la presse nationale soutient que l’ancien Dg de la compagnie Air Sénégal, Philippe Bohn, a été viré, l’intéressé a vite fait d’investir la presse internationale pour distiller l’idée qu’il a démissionné. Toujours est t- il que sa gestion ne plaide pas pour cette thèse. Le Témoin a fouillé le dossier de la compagnie avec le commandant Ahmed Seck, un des plus brillants pilotes de notre pays. Des confessions qui viennent montrer le mauvais choix des autorités en recrutant au prix fort un ancien … .. photographe.
Casting hasardeux
A la nomination du Français Philippe Bohn, ce fut une mauvaise surprise pour les professionnels sénégalais de l'aviation civile. Bien entendu, après avoir écarquillé les yeux, ils ont alerté les autorités sur l’incompétence de l’homme qui venait d’être recruté avec un salaire pour le moins faramineux. En vain… La mauvaise surprise devint désagréable lorsque le sieur, qui commençait à s’exprimer comme un colon, se mit à douter de la compétence des pilotes sénégalais qui avaient réussi à le démasquer. Pour faire passer la pilule, il se mit dans une entreprise de dénigrement. Le Toubab qui se présentait en messie soutenait qu’il mérite d'être DG d'Air Sénégal parce qu'il n'y a pas de Sénégalais capable et compétent pour diriger notre compagnie nationale. Bien entendu, il faut être particulièrement de mauvaise foi pour débiter de telles âneries. Démasqué, il se mit à étaler sur la place publique des contre-vérités censées donner de lui une image de sauveur du pavillon sénégalais. Ce alors qu’ il ne connait rien de l’histoire de notre flotte.
Air Afrique était riche de deux Airbus A330 neufs
Une petite histoire s’impose. Après 40 ans d'existence, Air Afrique, qui était notre compagnie nationale et celle de plusieurs autres pays, arrêtait, il y a 20 ans, son exploitation. Au moment où elle baissait pavillon, la compagnie nationale comptait dans sa flotte deux Airbus A330 neufs. Ceci, après des avions neufs de type B747, DC10, A300, A310... Juste pour dire que les «nègres» que nous sommes exploitaient des A330 neufs il y a déjà 20 ans ! Tout ça, pour montrer les insuffisances de M. Bohn qui se mit à distiller l’idée qu'il est le premier à acheter des avions neufs pour le Sénégal. Alors qu’un de nos brillants aviateurs a piloté les B737NG neufs d'Air Sénégal International (ASI)...Ceci, 10 ans avant la création d'Air Sénégal SA... « Notre pays regorge de ressources humaines très qualifiées dans tous les secteurs du transport aérien, largement capables de faire beaucoup mieux que ce Français prétentieux et vaniteux, traité de "combinard" par Sarkozy, plus connu comme aventurier de la Françafrique, photographe ou amateur de yoga que comme spécialiste du transport aérien. Le fait d'être vendeur d'avions à Airbus (et donc fin connaisseur du système lié aux commissions) n'en fera jamais un spécialiste du transport aérien. Ce sont deux métiers complètement différents! » estime le commandant Ahmed Seck qui manque de s’étrangler en évoquant les turpitudes du sieur Philippe Bohn. L’on se demande alors comment nos autorités ont pu se tromper ou ont été abusées pour recruter un tel « pilote » aux fins de diriger notre compagnie nationale. « Ce qui fait mal aux experts sénégalais, c'est l'arrogance du DG français d'Air Sénégal, parachuté sous nos cieux par un incroyable concours de circonstances et une regrettable erreur de casting... Ce n'est pas l'homme qu'il nous faut à la tête d'Air Sénégal. Nous n'avons besoin ni de lui, ni de son bras droit français encore pire que lui à tous points de vue ! Nous sommes formés et diplômés des plus grandes écoles d'aviation, ils le savent, et nous ne pouvons pas laisser cette situation perdurer sans réagir et sans alerter nos autorités que ces étrangers trompent et induisent en erreur en permanence. En quoi faisant ? En engageant notre pays et notre compagnie nationale dans des choix douteux et dangereux : endettement hors limites, dépenses de toute la trésorerie, engagements bancaires à l'étranger qui hypothèquent l'avenir de nos avions qui ne sont pas à l'abri d'une saisie au moindre défaut de paiement des énormes prêts actuellement mis en place depuis les banques étrangères », éructe de rage le commandant Seck que nous avons contacté pour les besoins de ce dossier.
Récurrence des erreurs de casting
Notre interlocuteur rappelle que le premier PDG d'Air Afrique était un talentueux sénégalais, l’ingénieur Cheikh Fal, père de M. Gabriel Fall actuel Pdg de Cgf Bourse. Cette fierté africaine avait créé et hissé cette multinationale au niveau mondial avant que l'équipe du français Yves-Rolland Billecart (encore eux) ne la désintègre méthodiquement et définitivement... Toujours sur l’histoire de notre flotte nationale, le commandant Ahmet Seck « Farba » nous conte quelques chapitres, listant des insuffisances. Pour Air Sénégal International, par exemple, appel avait été fait aux Marocains pour être les partenaires techniques de cette compagnie nationale aujourd’hui disparue elle aussi. Les DG marocains qui se sont succédé à la tête de cette société ont plus servi les intérêts de leur royaume et de leur compagnie, la RAM, qu'ils n'ont servi honnêtement l'Alliance qui nous liait. Jusqu'à la faillite irrécupérable d'ASI. Puis ce fut au tour de Sénégal Airlines de se voir diriger par un brave italo-suisse, ancien steward de Swissair, qui a vite montré ses limites après avoir fait des choix de gestion incohérents, comme par exemple la location chèrement payée d'un A320 maintenu au sol pendant plus d'un an ! Et nous voilà encore, malgré tous les échecs des directeurs étrangers précédents à la recherche d’un « sorcier » — ou, plutôt, apprenti-sorcier — blanc providentiel pour piloter une énième compagnie nationale ! Cette fois-ci, on a jeté notre dévolu pour diriger Air Sénégal SA à un vendeur d'avions douteux, totalement ignorant du transport aérien et de nos réalités, roi du verbe provocateur qu'il utilise pour essayer de cacher ses décisions aberrantes dans la gestion de la compagnie depuis sa nomination. Aujourd'hui, il a réussi, en insultant les experts puis les pilotes sénégalais, à mettre la compagnie en péril, sachant qu'il ne pourra jamais s'imposer aux professionnels avec des méthodes de voyou. Mais peu lui importe.
Bohn, un agent français au Sénégal qui travaille d'abord pour la France
Ses sorties récurrentes avec un vocabulaire qui frise le gangstérisme ont fait sortir de leurs gonds les pilotes qui n’ont cessé de montrer ses insuffisances managériales. Mais diantre, pourquoi toujours s’encombrer d’étrangers ? L’expertise nationale ferait- elle défaut dans ce domaine du transport aérien ? Réponse du commandant Seck. « Il n'y a pas d'appel à candidatures. Les nominations tombent du ciel, ce qui explique toutes les éternelles erreurs de casting que nous subissons dans le choix des dirigeants de nos compagnies nationales successives ». Pour le recrutement de Bohn, nos pilotes pensent qu’il procède d’un concours de circonstances « Le Président voulait une grande compagnie nationale au Sénégal. C'est une ambition à louer. Mais les professionnels sénégalais n'ont pas été consultés... Nous aurions pu lui préparer le terrain afin d'éviter des erreurs, car le choix de Bohn est une erreur regrettable si on tient compte de son parcours, de son comportement et de ses choix de gestion » fait savoir le commandant Seck crédité d’une riche et une grande expérience dans le domaine de l’aviation. C’est pour cela qu’il suggère la création d'un Conseil Consultatif, regroupant des experts sénégalais de l'aviation civile, chargé de conseiller au préalable les autorités sur tous les projets relatifs au transport aérien et sur les meilleures options, tant dans les modèles économiques à mettre en place que dans les profils et choix des dirigeants.
Revenant sur Bohn, le commandant Seck, pilote au long cours avec 16000 heures de vol sur différents types d'avions commerciaux de type Boeing, Airbus, Douglas, Fokker, dresse un portrait peu avantageux du Français qui vient d’être démissionné. « Il ne correspond à aucune de nos valeurs et ne défend en fait que les intérêts français, en recrutant du personnel français, en signant des accords avec Air France (maintenance, handling), en achetant des avions français, sans appel d'offres. C'est un agent français au Sénégal qui travaille d'abord pour la France ! » s’étrangle le commandant Ahmet Seck « Farba ». Ce qu'on reproche à Bohn, ce sont ses choix et ses méthodes » dit-il. Et d’analyser la gestion de celui qui se présentait en messie tout en listant les erreurs des autorités sénégalaises. « Notre trésorerie n'est pas infinie : son utilisation, pour une fois que le capital initial disponible pour la création d'une compagnie nationale sénégalaise a été correct (40 milliards FCFA), on ne peut pas accepter les choix de gestion de Bohn. Un leasing aurait permis de ne pas dépenser tout le capital de notre société. Bohn a acheté des avions neufs à coups de milliards de FCFA, en hypothéquant la compagnie dangereusement, sachant que les banques françaises qui ont prêté les fonds de financement de l'achat des avions peuvent saisir les avions en cas de défaut de paiement. C'est un risque inutile ». Quant aux erreurs de l’Etat sénégalais, notre interlocuteur estime qu’il (l’Etat) aurait pu garantir l'achat de ces avions, ou même en être propriétaire, à travers une société de patrimoine, pour leur utilisation par Air Sénégal à des conditions préférentielles.
La flotte de Air Sénégal pourrait être saisie
Sur la présence des avions A330, reconnaît que « c'était prévu dans le business plan, mais pas dans les conditions dangereuses suivies par Bohn. Le ministère des Finances aurait dû jouer un rôle de contrôle dans ces achats. Bohn a fait ses montages financiers loin du Sénégal, loin de tout contrôle de nos propres institutions, vidant gravement la trésorerie, mettant en péril la propriété de ces avions qui seront vite saisis si nous sommes en défaut de paiement des crédits contractés par ce Français. Évidemment, nous ne sommes pas dupes. Les achats des avions sont convoités par les intermédiaires véreux qui peuvent se faire beaucoup de milliards en commissions... » fait savoir notre interlocuteur tout en appelant les autorités à faire confiance à l’expertise sénégalaise. « L'expertise sénégalaise existe dans le transport aérien. Elle n'a pas été correctement sollicitée en amont de la création de la compagnie nationale. C'est une grave erreur que nous n'avons pas fini de payer et de regretter. Regardez la tension de la situation créée avec les pilotes : c'est irresponsable de la part de Bohn, dirigeant responsable de la compagnie aérienne nationale, de déclarer que les avions n'ont pas besoin des pilotes...» tranche le commandant Seck qui soutient qu’être transporteur aérien ne s’improvise pas ! « Il faut à la fois gérer des hommes aux métiers très différents, être à la hauteur d’une très rude concurrence dans le ciel, être responsable de la sécurité vitale des clients. Il faut en outre tenir compte du fait que les marges et les gains sont très limités (5 à 10 % de marge) alors que les pertes peuvent atteindre rapidement des niveaux vertigineux en raison des énormes coûts d’exploitation des lignes aériennes nationales, régionales ou internationales ».
Bref, les qualités requises d’un bon transporteur aérien sont à l’opposé de celles que présentait Philippe Bohn. La messe étant dite, on espère que nos autorités tiendront désormais compte des avis de nos pilotes avant de prendre quelque décision majeure que ce soit concernant notre jeune pavillon national. Dans tous les cas, s’il n’est pas sûr qu’Air Sénégal SA puisse survivre à la gestion calamiteuse de ancien directeur Philippe Bohn, ce dernier, lui, ne devrait avoir aucun souci pour son avenir personnel vu le confortable salaire qu’il percevait à la tête d’Air Sénégal SA. Sans compter les éventuelles commissions que l’achat d’avions neufs a dû lui avoir apportées !